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Comment le modèle DevOps impacte le télétravail (1/2)

Les professionnels de l’IT imaginent l’après-crise sanitaire en télétravail et expliquent comment la méthodologie DevOps les aide à résoudre leurs problèmes humains et techniques.

Avec la crise sanitaire en cours, les entreprises américaines vivent une « nouvelle normalité » proche de celles décrites dans divers témoignages relayés dans LeMagIT. Dans cet article en deux parties, Beth Pariseau, journaliste pour SearchITOperations [Propriété de TechTarget, également propriétaire du MagIT], relate comment les méthodologies DevOps les ont aidées à surmonter une partie des difficultés tout en faisant en apparaître d’autres.

Maintenant que la plupart des entreprises ont adopté le télétravail imposé par la crise de la COVID-19, elles se préparent à ce que le changement soit permanent. Pour faciliter cette transition, les organisations appliquent des techniques inspirées du modèle DevOps.

Cette crise a révélé une différence marquée entre les entreprises qui s’étaient lancées dans des projets de transformation numérique tels que le développement Agile, le déploiement DevOps et le cloud computing, et celles qui ne l’avaient pas fait. De manière empirique, plus les entreprises ont adopté les préceptes de la transformation numérique avant la pandémie, mieux elles se portent.

Le modèle DevOps a permis d’inculquer de bonnes habitudes de collaboration IT et d’automatiser des flux de travail qui se prêtaient à une utilisation par un personnel distant ; et l’utilisation de services cloud a permis aux collaborateurs d’accéder plus facilement aux ressources depuis l’extérieur de leurs bureaux.

En outre, les méthodologies DevOps et Agile abordent des questions organisationnelles qui vont au-delà de la technologie, comme l’empathie, la collaboration entre les responsables IT et commerciaux, la flexibilité des équipes et la réduction des tâches répétitives grâce à l’automatisation. Tout cela s’est révélé utile pour les employés lors du confinement. De telles attitudes seront également cruciales pour faire face aux effets à long terme de la pandémie et établir une nouvelle façon de travailler dans ce qu’on appelle la « nouvelle normalité ».

Mais avant de pouvoir revoir leurs stratégies à long terme, les entreprises ont dû faire face à des problèmes immédiats. Lorsque la première vague de COVID-19 a atteint les côtes américaines, dans des entreprises telles que Rack Room Shoes, la capacité à modifier rapidement les priorités technologiques en fonction des besoins des entreprises s’est avérée déterminante. En réalité, le projet de passage au e-commerce via des services cloud a permis de maintenir la société à flot, alors que les magasins physiques étaient durement touchés. [En France, Leroy Merlin et la Fnac ont réagi peu ou prou de la même manière N.D.L.R.].

Une « nouvelle normalité à appréhender rapidement »

Rack Room Shoes est une chaîne de magasins de chaussures, fondée en 1921, et dont le siège social est situé à Charlotte en Caroline du Nord. Avant la crise sanitaire, la société avait du retard au regard de son adoption du e-commerce. Alors que la plupart de ses concurrents ont lancé leurs sites il y a plus de 15 ans, Rack Room Shoes s’y est mis il y a à peine six ans, selon Kevin McNall, directeur des produits numériques de l’entreprise.

« Franchement, nous avons bénéficié de certains avantages, parce que nous n’avons pas eu à faire les mêmes erreurs que nos concurrents », déclare-t-il. « Mais nous avons aussi eu des difficultés de croissance – en fait, à Noël dernier, avant la pandémie, nous avons eu une panne importante qui nous a obligés cette année à dépenser plus de ressources pour la stabilité ».

Parmi les changements apportés, on peut citer l’adoption d’un outil d’observabilité, Dynatrace, afin de surveiller les systèmes sur site existants qui supportaient les applications cloud tout comme les environnements de test, utilisés au début du processus de déploiement des logiciels. Les modifications apportées aux applications ont permis de réduire le nombre de connexions des applications aux bases de données back-end, améliorant ainsi la stabilité de l'infrastructure e-commerce.

Cette panne et ses conséquences, bien que douloureuses, ont finalement permis aux systèmes e-commerce de Rack Room de résister à l’augmentation soudaine des ventes en ligne qui s’est produite lorsque la COVID-19 a forcé la fermeture de ses 500 magasins physiques.

« Notre activité e-commerce, qui connaissait déjà une croissance de 25 % d’une année sur l’autre, a soudainement augmenté de 150 % d’une année sur l’autre », s’exclame Kevin McNall. « Certains jours, nous étions à 300 % à 400 % » d’augmentation ».

Des systèmes basés sur le cloud et un pipeline de livraison de logiciels flexible ont également soutenu le déplacement interne de l’entreprise vers une main-d’œuvre distante et lui ont permis de redéfinir rapidement ses efforts marketing. Les employés des magasins ont préparé les commandes en ligne, ce qui a permis de réduire au minimum les suppressions d’emplois. Une fois que les magasins ont commencé à rouvrir cet été, la vente en ligne a conservé une part plus importante des revenus de l’entreprise que jamais auparavant, et il semble que le passage de l’entreprise à une activité principalement axée sur le e-commerce sera permanent, selon Kevin MacNall.

Le modèle DevOps renforce l’efficacité des télétravailleurs

Même dans les entreprises dites cloud native, où la collaboration et le travail à distance étaient courants avant la pandémie, le télétravail pour tous a entraîné des pratiques plus systématisées, basées sur des logiciels – dont certains ont été développés en moins d’une journée – pour remplacer les discussions informelles en personne.

« Nous essayons de reproduire au mieux ce qui se faisait auparavant en présentiel, et de trouver comment fournir la même qualité de service tout en utilisant des tickets » témoigne Jason Bergado, directeur principal de la gestion des programmes et des services aux utilisateurs finaux chez Box.

L’équipe du service d’assistance informatique de Bergado a utilisé un module complémentaire, Jira Service Desk de l’éditeur d’applications Atlassian Refined, pour créer un portail centralisé permettant à l’ensemble des 2 500 employés et contractuels de Box d’accéder aux informations relatives à la crise, y compris les annonces et les FAQ de la société, les informations sur les prestations de santé et le statut des bureaux. L’équipe a également mis en place un système automatisé d’intégration des employés pour soutenir les nouvelles embauches et soulager la pression sur l’équipe du service d’assistance.

Lorsque les employés ont utilisé le portail d’information COVID-19, l’équipe de Jason Bergado a appliqué un autre principe de DevOps, le retour d’information en continu, pour optimiser le système. Ils ont envoyé les données d’un mécanisme de suivi dans l’espace de télétravail Confluence, qui servait les documents via le portail du Service Desk, dans un outil de visualisation des données Tableau pour avoir une idée des ressources que les employés utilisaient le plus.

« Semaine après semaine, nous ne faisions que modifier les différents modules pour rendre le système plus utile », indique-t-il. « Et nous avons vu que le trafic du portail Covid a commencé à croître ».

Selon Jason Bergado il n’y aura pas de retour à une forme de statu quo.

« Il y a eu des optimisations et des gains d’efficacité qui ont été obtenus en étant contraints à cette nouvelle normalité », dit-il. « En parlant à mes pairs de l’industrie, ils reconsidèrent déjà leurs projets immobiliers, se rétractent concernant l’ouverture de nouveaux bureaux et réduisent l’empreinte qu’ils ont dans les bâtiments ».

Les nouveaux projets, parfois difficiles à mener

Les conséquences de la COVID-19 sont à la fois positives et négatives. Le passage au télétravail n’a pas entravé les projets à court terme au début, mais l’absence de contact en personne a rendu difficile la réflexion de certaines équipes DevOps sur la suite des événements.

Chez Credit Karma, une société d’évaluation de crédit en ligne, en réponse aux demandes des clients lors de la crise financière initiale provoquée par COVID-19, les équipes ont facilement reconverti un système d’analyse de données basé sur l’infrastructure de Google Kubernetes Engine et l’entrepôt de données cloud BigQuery. Credit Karma a utilisé ce système pour créer un produit appelé Relief Roadmap qui a aidé les utilisateurs à faire le tri parmi les services d’aide financière disponibles. En interne, les équipes IT de Credit Karma ont travaillé à distance et, comme les équipes de Box, ont amélioré la façon dont elles documentaient leur travail au lieu de se fier à des conversations informelles.

« Au début, tout semblait aller comme sur des roulettes, la productivité a même augmenté un peu », témoigne Ryan Graciano, co-fondateur et directeur technique du Credit Karma. « Avec le recul, j’ai compris qu’il n’est pas trop difficile de continuer à travailler à distance. Mais c’est difficile une fois qu’on se met à planifier et à commencer de nouvelles choses ».

Par le passé, le personnel de Credit Karma planifiait les nouveaux projets lors de réunions présentielles, hors site, ce qui était difficile de reproduire avec des collaborateurs à distance, selon Ryan Graciano.

Si les projets ont continué, le télétravail n’a pas permis de mieux gérer les nouveaux projets. « Je ne pense pas que nous ayons trouvé une vraie solution de remplacement à une réunion dans une salle avec un tableau blanc », estime Ryan Graciano.

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