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Comment Microsoft adapte Teams au travail hybride

Face aux défis du travail hybride, Microsoft ajuste Teams avec l’IA et la gestion d’espaces, tout en renforçant la supervision de l’application via un centre d’administration unifié. Il reste cependant certains défauts et bugs à lisser.

320 millions d’utilisateurs actifs. Ce chiffre officiel relayé par les porte-parole de Microsoft France concernant l’adoption de Teams cache une réalité. En entreprise, après la période de confinement provoqué par la COVID et la généralisation du télétravail, les employés ont été invités – sinon obligés – à revenir sur site a minima quelques jours par semaine. Dans ce mode de travail hybride, « les collaborateurs ne se rendent plus au bureau pour les mêmes raisons », souligne Julien Peigné, responsable Go-to-Market Teams et Surface Hub chez Microsoft France.

Ce qui devait être un retour à la normale se présente finalement comme un changement de paradigme qui apporte son lot de défis. Les entreprises ont pu vouloir baisser la part de l’immobilier dans leur dépense. Elles ont peut-être recruté davantage sans pouvoir accueillir tout le monde, tout le temps dans leurs locaux.

Dès lors, pour rester pertinent sur les segments des outils collaboratifs et UcaaS, Microsoft se doit d’adopter sa formule. Qu’il saupoudre d’IA.

 « Nous avons un peu retourné le narratif pour reconstruire Teams et l’expérience autour de l’intelligence artificielle, notamment pour couvrir la notion d’espace de travail optimisé. »
Julien PeignéResponsable Go-to-Market Teams et Surface Hub, Microsoft France

En la matière, l’offre de Microsoft s’appuie sur un tryptique : l’IA Copilot, Teams et Places. Les trois ingrédients sont réunis au sein de Teams Premium (plus de 10 000 clients payants, selon Microsoft), une extension de la licence Teams. « Nous avons un peu retourné le narratif pour reconstruire Teams et l’expérience autour de l’intelligence artificielle, notamment pour couvrir la notion d’espace de travail optimisé », relate Julien Peigné.

« Nous misons sur trois piliers : le premier vise à coordonner les personnes et les lieux dans un monde hybride. Le deuxième concerne la modernisation des expériences à travers l’IA et les salles de réunions équipées pour Teams. Et le troisième pilier porte sur l’optimisation : donner des outils aux services généraux pour préparer et analyser la planification des réservations de salles et bureaux en prenant en compte l’usage réel », liste-t-il.

Des salles de réunion plus connectées et intelligentes

Ainsi, Microsoft veut faire en sorte que les participants à une réunion Teams puissent savoir sans leur poser la question, ou leur demander de le préciser dans leur calendrier, qui est présent au bureau et qui est en télétravail. Pour ce faire, l’entreprise mise sur Microsoft Teams Room (MTR), les salles Teams en français (non inclus dans Teams Premium) et la licence Teams Room Pro. Cette solution apporte des fonctionnalités spécifiques, en partie propulsées par des systèmes de vidéoconférence Windows et Android certifiés, dont Surface Hub de Microsoft, mais aussi ceux de partenaires comme Lenovo, Creston, Yealink, Poly ou encore Yamaha.

Il était déjà possible de sélectionner plusieurs flux vidéo, de partager du contenu depuis un ordinateur connecté, d’obtenir un sous-titrage en direct, d’interagir sur des tableaux blancs numériques, etc. La firme de Redmond pousse désormais la reconnaissance vocale de l’orateur. La première raison était de recueillir des transcriptions de réunion plus précise avec Copilot. Maintenant, il s’agit de faire reconnaître sa voix à l’IA afin de signaler aux participants le lieu depuis lequel l’on se joint à un appel.

Pour l’instant, ces données ne sont pas partagées avec Microsoft Places.

« L’utilisateur final reste maître des informations qu’il veut partager », assure Julien Peigné. « Ce n’est pas outil de contrôle de présence. On nous demande régulièrement la possibilité de définir soit des jours fixes, soit un nombre de jours dans l’année. Ce n’est pas encore disponible dans nos outils, dont Places. En revanche, Places permet de réserver un bureau auprès de collègues avec qui l’on collabore le plus souvent, de pouvoir visualiser les lieux, etc. ».

L’IA infuse Teams Premium

Oui, Microsoft Places doit permettre de réserver des salles de réunion, des bureaux ou des espaces de travail. L’interface représente les zones disponibles dans le bureau et affiche les photos des lieux. C’est aussi un outil pour prendre connaissance de la présence ou non de ses collaborateurs directs sur site. L’usager peut confier ces tâches de réservation à Copilot ou recevoir des conseils concernant les jours de présence recommandés en fonction du calendrier des collègues.

Les services généraux, eux, peuvent obtenir des taux d’occupation réels des salles équipées de MTR, les comparer avec les réservations, obtenir des informations sur l’annulation des réunions, etc. Il s’agit de fluidifier la réservation des locaux, par exemple en automatisant la libération des salles inoccupées. Les analyses de l’utilisation de l’espace de travail par bâtiment peuvent potentiellement servir à un décideur de prévoir l’aménagement des bureaux ou encore nourrir les stratégies d’achat ou de revente d’immobiliers. Là encore, Copilot doit fournir des explications sur les données affichées dans la console Places.

L’IA prendrait une part de plus en plus importante au sein des outils collaboratifs. Dans Teams, Copilot permettait déjà de résumer les conversations. Lors de Build 2025, Microsoft a exposé la Live Interpretrer – qui traduit en temps réel et à la voix les propos d’un intervenant. Mais il a également présenté « facilitator », un agent d’animation des réunions dans les salles Teams Pro Windows (la compatibilité avec les appareils Android est prévue). Invité comme n’importe quel autre participant, celui-ci prend des notes en temps réel qu’il stocke dans un fichier .loop dans un dossier OneDrive (Réunions). Les intervenants peuvent modifier ou demander à corriger ces annotations. Les notes sont par ailleurs disponibles depuis le calendrier Teams.

Facilitateur fait aussi office de gardien du temps : il indique aux participants la durée restante de l’échange, ou encore si le temps alloué à la réunion est dépassé. Pour l’instant, l’agent IA n’a pas accès aux calendriers des participants et des salles Teams. Il peut être enclenché pendant une réunion hybride, mais c’est la personne présente dans la salle qui doit activer la fonctionnalité.

Réseau, licences, équipements, versions… : Microsoft renforce la supervision de Teams

Pour que cela fonctionne, selon Julien Peigné, il faut que « les fondamentaux soient solides ». « Un son de bonne qualité induit un transcript qualitatif et ce document permet d’obtenir une IA pertinente », juge-t-il.

Justement, Microsoft a annoncé la semaine dernière qu’il a renforcé le centre d’administration de Teams. Le portail rassemble l’ensemble des données des applications Teams déployées sur des équipements Windows, Android, et les salles Teams depuis un même tableau de bord.

Suivi et alignement des versions, détection des applications qui « crashent », inventaire des équipements dans les MTR et gestion des rôles pour Teams Room Pro, gestion des systèmes dans les salles, rapport d’usage, notification en cas de problème… les fonctionnalités du centre sont touffues. « Depuis le passage de Skype for Business à Teams, nous avons beaucoup amélioré cet aspect et nous réalisons des mises à jour en continu qu’il faut pouvoir suivre », relate le responsable GTM Teams et Surface Hub.

Un des volets centraux de la console d’administration Teams n’est autre que la connectivité réseau. « Cela permet d’évaluer et de gérer les configurations de Teams sur les différents sites dont une organisation dispose », explique Julien Peigné. Au-delà du taux d’utilisation par site et du nombre de licences déployées, l’outil est doté d’un système capable de comprendre si le réseau est configuré de manière optimale ou non et de pousser des recommandations. « Beaucoup de clients ont des équipements réseau avancés, des proxys qui permettent de filtrer les flux, ce qui peut être problématique pour des flux audio-vidéo en temps réel où l’on cherche la latence la plus faible possible », poursuit-il.

Pour rappel, Microsoft a porté à l’échelle une architecture de visioconférence MCU (MultiPoint Conferencing Unit) qu’il n’a pas remplacée au passage à la V2 Teams. Si elle a l’avantage d’offrir une bonne qualité audio et vidéo, la consommation de bande passante descendante est forte, tandis que les CPU des ordinateurs qui envoient les flux médias et les serveurs qui les mixent pour les renvoyer aux participants sont grandement sollicités. « Pour alléger les processeurs, vous pouvez choisir depuis le client Teams d’enclencher l’accélération matérielle basée sur des GPU », indique Julien Peigné.

Le géant de Redmond a également intégré un tableau de bord visant à surveiller la qualité des appels. Celui-ci s’appuierait sur des centaines de métriques. « L’idée de ce rapport, c’est de fournir aux administrateurs les clés pour comprendre les potentiels problèmes de qualité audio, vidéo ou partage d’écran, qui sont les principaux dysfonctionnements qu’on peut avoir », résume le responsable. « Ceux-là peuvent entraîner de grandes insatisfactions côté utilisateur ».

La qualité de l’audio est d’autant plus importante que Microsoft s’est taillé une part de lion sur le segment de la téléphonie. « Beaucoup de nos clients ont migré leur téléphonie dans Teams », ajoute notre interlocuteur. Un autre tableau de bord et des alertes permettent de gérer les crédits et d’imposer des limites.

En sus d’offrir un outil de communication unifiée et les résumés des échanges vocaux avec Copilot, Teams embarque les fonctionnalités d’un serveur local interactif léger. « Cela n’a pas vocation à remplacer un centre de contact. En revanche, pour des appels internes, les besoins de PME pour transférer des appels externes, ça fonctionne bien ». La configuration du service se fait en langage naturel et en no-code, y compris pour préciser les horaires de travail et les conditions de redirection automatique des appels. Une voix robotisée lit les instructions.  

En octobre 2024, dans son Magic Quadrant consacré au marché UcaaS, Gartner vantait la robustesse de la technologie de téléphonie de Microsoft, ses capacités d’infusion de l’IA avec Copilot et sa large présence mondiale. Pour autant, il lui manque encore des fonctions avancées, plus utilisées dans les centres de contact.

Des défauts à lisser

« Ce n’est jamais une migration de données exhaustive, mais nous fournissons beaucoup d’outils pour ce faire. »
Julien PeignéResponsable Go-to-Market Teams et Surface Hub, Microsoft France

Complet, plutôt performant en matière d’audio et de vidéo (mais encore gourmand, malgré la cure d’amaigrissement réalisé il y deux ans), ouvert aux applications tierces, Teams souffre toujours de défauts notables. Pour les DSI, l’accès à l’ensemble des fonctionnalités dépend de différentes licences, d’appareils certifiés qu’il faut acheter et administrer. La migration d’un tenant Teams à un autre n’est pas idéale. De fait, Microsoft a ajouté il y a quelques mois la gestion d’organisation multitenant dans Entra ID (ex Azure AD). Il existe des limitations sur la récupération des documents. « Ce n’est jamais une migration de données exhaustive, mais nous fournissons beaucoup d’outils pour ce faire », défend Julien Peigné.

Sur le site Web Capterra, les utilisateurs se plaignent principalement de bugs audio et vidéo en début et en fin d’appel, des notifications absentes et trop nombreuses, ainsi que de la recherche de documents ou de messages, parfois confuse.  

Dans les paramètres de l’application, il est bien possible de gérer de manière granulaire les notifications, mais certaines explications ne sont pas claires et les usagers ne peuvent pas passer la main à un administrateur pour pousser une configuration par défaut.

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