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Administrations : le catalogue GouvTech ne tient pas toutes ses promesses

En marge des annonces consacrées à la stratégie cloud du gouvernement français, la direction interministérielle du numérique (DINUM) a dévoilé le 17 mai la disponibilité de son catalogue GouvTech. En gestation depuis deux ans, l’outil qui doit lister des solutions logicielles adressées aux administrations, accuse sa jeunesse et présente plusieurs défauts qui l’éloignent de la proposition originelle.

La disponibilité du catalogue GouvTech signe la première étape de la mission Label, débutée en 2019 dans le cadre du programme TECH.GOUV. Pour rappel, la mission LABEL a pour objectif d’identifier les logiciels et solutions des marchés adaptés aux besoins des administrations publiques et de simplifier leur accessibilité.

« Aujourd’hui, quand un acteur public a besoin d’un outil numérique pour un projet, il est confronté soit à un foisonnement d’offres – dans le cas d’un projet “classique”, par exemple un besoin de logiciel finances ou RH – parmi lesquelles il n’est pas facile de se retrouver, soit au contraire à des difficultés à identifier des produits qui pourraient le satisfaire, en remplissant les conditions techniques exigées par le secteur public », explique Sabine Guillaume, cheffe de la mission LABEL du programme TECH.GOUV dans un communiqué de presse.

GouvTech : un métacatalogue des solutions listées par les centrales d’achat

Pour se rendre compte de ce « foisonnement d’offres », il suffit de consulter le catalogue de la centrale d’achats UGAP, accessible publiquement sous la forme d’un fichier Excel listant pas moins de 3 000 éditeurs et leurs logiciels décrits succinctement. C’est typiquement ce phénomène que veut éviter la DINUM.

En clair, le catalogue GouvTech sert trois objectifs : mettre en avant les produits de startups et éditeurs français, servir de métacatalogue pour accéder aux outils disponibles depuis les différentes centrales d’achat tout en simplifiant leur compréhension via un portail web.  

Cette simplicité d’usage se matérialise par une interface comprenant une barre de recherche accompagnée de quatre onglets de filtrage : catégorie, distribution, déploiement, centrale d’achat.

Les 90 catégories rassemblent à la fois des types de produits (CRM, API, ETL/ESB…), des approches et techniques (DevOps, machine learning, deep learning…), ainsi que des thématiques d’usage (agriculture, citoyenneté, médiathèque, énergie…). L’onglet distribution est beaucoup plus simple. Il permet de filtrer les solutions propriétaires, les solutions propriétaires basées sur des briques open source et les solutions open source. Le filtre « déploiement » liste trois critères : déploiement sur site uniquement, dans le cloud uniquement et déploiement dans le cloud et sur site.

Le catalogue référence des solutions disponibles dans 10 centrales d’achat (UGAP, UNIHA, SIPPEREC, RESAH, OURANOS, Groupe Logiciel, CATP, CAP’Oise, CAIH, Approlys Centr’Achats).

Des fiches descriptives inégales

Dans la première version publiée le 17 mai, la mission Label a sélectionné 204 solutions (logiciels et plateformes) dont 109 sont disponibles depuis les centrales d’achat. Chaque produit dispose d’une fiche mentionnant un descriptif, la maturité de la solution, le type de distribution, le type de déploiement, le(s) mode(s) de facturation et sa présence ou non dans une des centrales d’achat. Certaines fiches comprennent un onglet « aspects réglementaires » quand l’éditeur bénéficie d’un hébergement HDS ou d’une certification desservie par l’ANSSI. D’autres facteurs peuvent être stipulés pour renseigner les interactions possibles avec les portails des administrations (FranceConnect, entre autres). Pour l’instant, les fiches sont rédigées par les éditeurs, donc certaines d’entre elles sont plus complètes que d’autres.

En revanche, il n’est pas dit que les éditeurs aient choisi eux-mêmes les étiquettes associées aux catégories. Par exemple, la plateforme Tuleap est associée aux catégories « IoT », « Edge Computing » et « Collaboration », alors que la plateforme se prête davantage aux étiquettes « Collaboration » et « DevOps ». Les instigateurs semblent en avoir conscience et prévoient d’ores et déjà une réévaluation des critères à l’automne 2021. La DINUM renseigne également une adresse mail afin de signaler les potentielles erreurs.

Pour les connaisseurs, ce catalogue ressemble à la Digital Marketplace du gouvernement britannique, à la différence que cette place de marché s’avère beaucoup plus complète, précise et particulièrement utile pour évaluer un progiciel, que l’on soit une administration britannique ou non. De son côté, le catalogue GOUVTECH est à la fois un outil pour des décideurs publics et une vitrine pour les entreprises référencées. Les organisations privées pourront, elles aussi, consulter cet outil, quand il sera plus mature.

La mission Label revoit ses ambitions à la baisse

Si la majorité des acteurs référencés dans le catalogue GouvTech sont français (Jamespot, OpenDataSoft, OppScience, Orange, Oodrive, ParSec, Dawex, Platform.sh, Sinequa, PapAI, Toucan Toco, Saagie ou encore Talkspirit, sont déjà de la partie), l’on y trouve une bonne partie des solutions bureautiques Microsoft (Dynamics 365, Microsoft 365, Power Platform). Il n’est donc pas question de faire la chasse aux progiciels uniquement hébergés chez des fournisseurs de cloud américains, ce n’est pas l’objectif de la mission Label.

« L’un des principes du catalogue, c’est la neutralité », indique Sabine Guillaume dans le même communiqué. « Toutes les solutions sont traitées à égalité, quels qu’en soient l’émetteur et le type. Y sont présentées des solutions issues du secteur privé comme public, des solutions propriétaires ou open source… Le panel est très large de façon à ce que le choix soit le plus ouvert possible. »

Par ailleurs, l’April dénonce dans un communiqué la mauvaise utilisation de la terminologie open source au sein du catalogue GouvTech. Sur les 15 logiciels répertoriés (17 avant la publication d’un article par Acteurs Publics), certains projets ne sont pas libres au sens des arguments de l’Open Source Initiative (OSI). L’April cite ReMOcRA, une plateforme métier conçue pour les SDIS (Service Départemental d’Incendie et de Secours), sous licence cc by-nc-sa 4.0. D’autres produits dans cette catégorie « solutions open source » comme la « Certification documentaire sur Blockchain » proposée par Smart-Chain repose davantage sur une offre de services, qui au sens strict ne peut être véritablement qualifiée de libre.

Il faut bien comprendre que contrairement à ce que son nom laisse entendre, la mission Label n’a pas mis en place de processus d’évaluation et de labellisation des solutions listées. Dans les conditions générales d’utilisation de GouvTech, il est bien précisé que les fiches sont déclaratives. Pire, « il appartient aux Administrations d’effectuer toutes recherches et vérifications de toutes natures qu’elles jugeront utiles et de faire appel le cas échéant à des professionnels et/ou d’experts afin de recueillir tous conseils et préconisations adéquates ».

La DINUM ne s’engage pas sur la qualité des produits listés, et ne le fera pas. Elle indique qu’elle enrôlera un tiers pour organiser un processus de labellisation, « à l’horizon 2022 ». La mission Label proposera également ses services pour sourcer des solutions à la demande des Administrations qui ne trouveraient pas chaussure à leur pied.

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