Telehouse s’installe à Marseille

L’hébergeur Interxion ne règne plus en maître sur la cité phocéenne, d’où partent les câbles sous-marins qui alimentent en contenus l’Asie, l’Inde et le Moyen-Orient.

Il y a désormais deux grands hébergeurs à Marseille : TeleHouse a inauguré fin septembre un nouveau datacenter pour se poser en alternative à Interxion. Au-delà d’une compétition supposée sur le prix des mètres carrés disponibles pour accueillir des serveurs, l’intérêt de cette installation est d’offrir aux fournisseurs de contenus la redondance d’un second prestataire.

« Notre concurrent avait jusqu’ici pratiquement 100 % des parts de marché à Marseille. Ce n’est pas ainsi que fonctionne Internet. Sur Internet, vous devez toujours sécuriser votre service avec plus d’un acteur, pour répartir le risque. Telehouse apporte cette répartition », explique au MagIT Sami Slim, le Directeur Adjoint de Telehouse France, lors de l’inauguration de ce nouveau site.

Contrairement à ses habitudes, TeleHouse n’a pas construit de bâtiment dans la cité phocéenne. L’hébergeur s’est installé dans celui existant de l’opérateur Jaguar Network, la filiale d’Iliad spécialisée dans les réseaux terrestres qui interconnectent les entreprises.

« Nous avions la volonté de nous installer à Marseille depuis un moment. Et nous avons trouvé chez Jaguar Networks un datacenter qui correspond à nos standards de construction. Investir son bâtiment nous permet d’arriver très rapidement sur le marché, sans attendre les délais habituels d’un projet immobilier, à commencer par celui de l’achat du terrain », explique Sami Slim.

« Investir [le bâtiment de Jaguar Networks] nous permet d’arriver très rapidement sur le marché, sans attendre les délais habituels d’un projet immobilier, à commencer par celui de l’achat du terrain. »
Sami SlimDirecteur adjoint, Telehouse France

Il indique que, sur les 160 datacenters que Telehouse revendique dans le monde, 10 % seraient de la même manière des surfaces locatives que le prestataire ne possède pas en propre.

Le site marseillais de Jaguar Network offre 8 000 mètres carrés de surface locative, avec une puissance électrique totale de 2 x 12 mégawatts. Un peu plus de la moitié est occupée par 1 600 baies de serveurs, lesquelles sont exploitées soit directement par Jaguar Networks, soit par ses clients. TeleHouse a pour l’heure investi une salle de 500 mètres carrés où ses clients ont déjà installé une cinquantaine de baies.

« Le site de Jaguar Network nous laisse une grande marge de manœuvre pour nous étendre, en attendant que nous construisions notre propre site à Marseille », affirme le directeur adjoint de Telehouse France, sans pour autant s’avancer sur un calendrier concernant son futur projet immobilier. « Nous pensons que notre datacenter sera plein d’ici deux à trois ans », estime pour sa part Denis Planat, le Directeur général de Jaguar Network.

Une alternative à Interxion entre l’Occident et le reste du monde

Marseille, pour l’heure la neuvième ville la plus connectée au monde, présente l’intérêt géostratégique d’avoir dans son port quatorze câbles sous-marins qui expédient à très haute vitesse l’Internet occidental vers l’Asie, l’Inde, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Dix autres câbles devraient encore arriver durant la décennie en cours. Notamment un qui desservira l’Amérique du Sud.

« Prenons l’exemple d’un éditeur de SaaS allemand. S’il héberge ses serveurs à Francfort ou à Paris, ses clients brésiliens accéderont à son service avec une latence de 250 millisecondes. S’il les héberge à Marseille, sa latence descendra à 150 millisecondes », illustre Sami Slim.

Outre servir le tissu économique local, la ville est donc le point de chute privilégié pour les grands fournisseurs de contenu (Facebook, Netflix, ou encore le français Molotov…) et les grands hébergeurs de cloud (AWS, Azure, GCP, ainsi qu’Oracle…) qui désirent servir leurs abonnés non occidentaux avec une latence inférieure à celle de Londres, Paris, Amsterdam ou Francfort.

Depuis 2014, Interxion avait un monopole de fait sur la commercialisation à Marseille d’espaces pour entreposer ces serveurs. Jaguar Network, quant à lui, n’adresse pas les fournisseurs de contenus sur Internet. Son métier consiste plutôt à assurer la disponibilité des applications critiques internes aux entreprises. Principalement en commercialisant des liaisons terrestres en fibre pour relier entre eux les sites opérationnels et, par extension, en hébergeant lui-même ces applications critiques dans son propre datacenter de Marseille.

De son côté, Telehouse est l’une des plus anciennes chaînes de datacenters en colocation au monde. Numéro un mondial en termes de bande passante à Londres, également numéro quatre du palmarès avec ses sites parisiens, Telehouse se revendique un partenaire privilégié des plus grands fournisseurs de contenu. En concurrence directe avec Interxion, donc.

Inciter les opérateurs télécoms à venir à Marseille

Sur le plan de l’infrastructure, les douze premiers câbles sous-marins installés à Marseille arrivent chez Interxion, d’où ils repartent vers Jaguar Network. À partir des deux câbles suivants, leur arrivée se fait désormais en Y, avec, cette fois, une connexion plus directe vers le bâtiment de Jaguar Network. Ce dernier a par ailleurs l’avantage d’être mieux connecté aux fibres continentales. Il est ainsi situé à la croisée de trois chemins de fibres exploitées par une cinquantaine d’opérateurs télécoms internationaux, en plus des fibres installées par Jaguar Network lui-même.

« Nous sommes complémentaires avec Jaguar Network. Nous sommes des spécialistes de l’hébergement et eux de l’interconnexion. »
Sami SlimDirecteur adjoint, Telehouse France

Parmi ces opérateurs, on trouve notamment Terralpha, la nouvelle filiale de la SNCF qui commercialise les fibres très haut débit que la compagnie nationale des chemins fers a installées sous ses rails.

« Nous sommes complémentaires avec Jaguar Network. Nous sommes des spécialistes de l’hébergement et eux de l’interconnexion. Nous travaillons main dans la main pour discuter avec les opérateurs des câbles sous-marins et pour ramener à Marseille des opérateurs étrangers », assure Sami Slim.

Jaguar Network ne verrait aucun problème à servir ces opérateurs concurrents, puisque le bénéfice serait de leur louer de l’espace dans le datacenter. « Notre modèle économique est en définitive similaire à celui du supermarché : plus il y aura de fournisseurs chez nous, plus nous aurons de clients. Le fait d’être à la croisée d’une artère qui relie l’Europe à l’Espagne et d’une autre qui relie l’Italie nous apporte en plus une certaine consistance », assure Nicolas Pitance, le directeur commercial du datacenter de Jaguar Network.

L’objectif de Telehouse reste le même que celui d’Interxion : faire de Marseille la cinquième ville la plus interconnectée au monde d’ici à deux ans.

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