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Le tandem Salesforce-MuleSoft impose sa patte en France

Sous l’influence de Salesforce, MuleSoft s’est ouvert aux ETI et aux PME, tout comme il simplifie l’accès à ses outils d’intégration pour cibler les métiers. Ces changements ont favorisé l’installation de la filiale du géant du CRM en France, mais interrogent encore certains clients, selon Gartner.

Dans la galaxie Salesforce, MuleSoft a une place toute particulière.

Au moment du rachat en 2018, MuleSoft devait constituer un neuvième « cloud » pour Salesforce, sous l’appellation Salesforce Integration Cloud. L’éditeur propose bien un équivalent, nommé Salesforce Integration Platform, mais il s’agit davantage d’une famille de produits d’intégration MuleSoft vendus dans le contexte Salesforce.

La véritable marque d’intégration technique entre Salesforce et MuleSoft s’appelle Composer for Salesforce. Cette brique d’intégration, disponible depuis le mois de mars 2021, est couplée à une interface low-code/no-code et est directement embarquée dans la plateforme qui propulse le CRM. La particule dans le nom s’avère importante, car Composer existe également en dehors du monde Salesforce, une réponse directe à Boomi et à son outil Flow.

Historiquement, Salesforce et MuleSoft ne ciblent pas les mêmes rôles. Quand Salesforce souhaite convaincre les directions métiers, MuleSoft s’est d’abord rapproché des DSI, des architectes et des développeurs. Avec sa plateforme AnyPoint, MuleSoft semble se concentrer sur la gestion des API, mais comme le rappelle Frédéric Pozzi, vice-président de MuleSoft France, l’éditeur proposait avant tout un « framework ESB qui a évolué vers la gestion des API ».

En réalité, l’ambition de l’éditeur a toujours été de couvrir l’ensemble des patterns d’intégration : ETL/ELT, API, EDI, MFT, Bus synchrone, asynchrone, etc. MuleSoft a également un œil sur les approches event-driven (EDA) et l’adoption de GraphQL. Pourquoi ? Parce que l’ensemble de ces modèles coexistent dans la plupart des entreprises, même si les plus anciens d’entre eux tendent à disparaître doucement.

« Pour MuleSoft, il ne s’agit pas de remplacer les plateformes de type Kafka, mais de s’y intégrer pour fournir des flux d’intégration de bout en bout ».
Frédéric PozziVP, MuleSoft France

« Le pattern EDA gagne en popularité chez les clients », note Frédéric Pozzi. « Nous le voyons de plus en plus, très souvent en conjonction avec des socles de stockage Big Data. Pour MuleSoft, il ne s’agit pas de remplacer les plateformes de type Kafka, mais de s’y intégrer pour fournir des flux d’intégration de bout en bout ».

Concernant GraphQL, MuleSoft a lancé la solution DataGraph en 2021. De son prisme, le vice-président observe un intérêt plus mesuré pour cette technologie. « C’est une technologie mature. Il y a beaucoup de tests, des mises en œuvre pour certains usages, mais le sujet demeure complexe », avance-t-il. « Les intégrateurs sont encore peu nombreux à maîtriser GraphQL. Aussi, ce n’est pas facile à expliquer aux métiers. Il est donc difficile d’en tirer toute la quintessence. Cela va venir, c’est évident ».

Cette connaissance des techniques d’intégration, Frédéric Pozzi la doit à son expérience : plus de 20 ans de carrière dans le milieu du middleware. En 2019, le responsable des opérations en France a rejoint Salesforce sachant que ce dernier venait de racheter MuleSoft.

MuleSoft : retour sur quatre ans de présence en France

« À l’époque, il n’y avait pas d’opération MuleSoft en propre en France. Tout était géré depuis le Royaume-Uni », relate-t-il.

« Nous sommes partis d’un terrain de jeu relativement vierge au niveau opérationnel. Nous avons monté une équipe complète avec des responsables de vente, de livraison des projets, du conseil, du marketing et de l’ingénierie avant-vente ».

« Quand je suis arrivé, il y avait moins de dix personnes en France », indique Frédéric Pozzi. « Quatre ans plus tard, nous sommes plus de cent personnes, dont environ une cinquantaine d’ingénieurs avant-vente ».

En France, MuleSoft couvre désormais tous les secteurs d’activité : finance, retail, transport, manufacturing, tourisme, secteur public, etc. « Nous avons également des clients dans l’ensemble des segments : grands comptes, ETI et PME ». Airbus, SMCP, Vinci Énergies, Garance, Altima Assurances sont quelques-uns de ces clients français.

À l’arrivée de MuleSoft sur le territoire français, l’éditeur s’est appuyé sur le réseau de partenaires du géant du CRM. C’est là que s’est d’abord jouée l’intégration de MuleSoft dans l’organisation Salesforce. « Aujourd’hui, nous avons un réseau de partenaires assez dense, allant du petit intégrateur jusqu’à la grande ESN (Capgemini, Deloitte, Accenture, CGI, etc.) », affirme Frédéric Pozzi. « Les partenaires sont à peu près organisés comme les segments clients qu’ils adressent ».

Salesforce a par ailleurs poussé MuleSoft à cibler des clients de plus petites tailles. Les PME et les ETI n’étaient pas forcément les cibles privilégiées de l’éditeur.

« Nous avons des entreprises où il y a 10 personnes dans la DSI et qui sont clientes de MuleSoft. C’est assez nouveau pour nous. Ces petits comptes sont dynamiques, ont des enjeux forts et prennent des décisions rapidement », déclare-t-il.

Les clients adoptent Composer et RPA, selon MuleSoft France

La disponibilité de Composer a également favorisé l’attrait de MuleSoft pour les directions métiers, selon le dirigeant. « Nous nous adressons à une plus grande variété d’acteurs : des responsables de lignes métier, des administrateurs applicatifs », poursuit le vice-président de MuleSoft France.

Pour autant, les défis fondamentaux posés par l’intégration n’ont pas véritablement changé. « Le défi numéro 1 (et il a 25 ans), ce sont les silos de données », assure-t-il. « Certains ont été modifiés, simplifiés, alors qu’ils pouvaient être des forteresses, mais les silos amènent de la complexité. Pour un métier, la demande d’accès à une donnée peut lui paraître simple. Derrière, c’est un parcours du combattant en matière de vitesse d’accès, de temps réel, de sécurité, etc. ». 

Le deuxième défi, corollaire au premier, selon le responsable, touche à l’organisation. « Quelle organisation humaine mettre en place autour de la gestion de ces silos et des données qui y résident ? Nous accompagnons nos clients sur ces points-là ». Le responsable fait ici allusion à la méthode MuleSoft.

À cela s’est ajouté un besoin d’automatisation. « Depuis trois ans, le besoin d’automatisation se fait sentir. Il sous-tend un besoin d’efficacité », note Frédéric Pozzi. « Ce besoin d’efficacité est valable pour les métiers, mais aussi pour les gens à l’IT, qui doivent gérer des tâches techniques quotidiennes sans grande valeur intrinsèque ».

C’est l’une des raisons qui ont poussé la filiale de Salesforce à développer une solution RPA. Le premier août 2022, l’arrivée de MuleSoft RPA a déclenché « six mois de travail ardent » pour les équipes de MuleSoft France. « Nous avons la chance d’avoir des clients qui nous ont suivis sur ce segment. Ce sont principalement des clients existants qui ont pris le module RPA ».

Si MuleSoft est l’un des leaders de la gestion d’API, il est un challenger sur le marché de la RPA dominé par UiPath, Blue Prism ou encore Automation Anywhere. La filiale de Salesforce entend se différencier.

En la matière, la RPA traditionnelle ne serait qu’un palliatif. « Très souvent, les entreprises ont opté pour la RPA quand elles n’arrivaient pas à mettre en place les flux d’intégration. Or, ce sont des usages tactiques : idéalement, une intégration doit régler cette problématique », affirme le responsable.

 « Nous avons une approche différente. Nous ciblons des cas d’usage fonctionnels et ponctuels ». En clair, un robot MuleSoft peut être utilisé temporairement ou pour effectuer une tâche précise qui ne serait pas prise en charge par un pattern d’intégration déjà couvert par la plateforme.

« Le modèle de consommation et de la tarification est également différent », avance Frédéric Pozzi. « Traditionnellement, les entreprises achètent et déploient un robot RPA. Que le robot fonctionne une minute, une heure, ou 24 heures/24, c’est le même prix. Nous, nous vendons nos bots à la minute, moyennant une souscription de départ et des crédits à consommer ».

« Vers un modèle à la consommation »

Dans son Magic Quadrant 2022 consacré aux plateformes d’intégration à la demande (publié en janvier 2023) Gartner signalait que MuleSoft pratiquait une tarification « premium » qui freinerait sa croissance sur le marché de l’iPaaS.

« Historiquement, nous venons du marché grand compte. Forcément, la tarification était adaptée à ces grandes entreprises », justifie Frédéric Pozzi. « Nous avons fait des mouvements en interne pour adapter nos prix aux besoins des plus petites entreprises. Le point d’entrée a été abaissé au début de l’année 2022. Cela nous a permis de convaincre des PME et des ETI ». 

« À l’avenir, nous allons tendre de plus en plus vers un modèle à la consommation ».
Frédéric PozziVP, MuleSoft France

« Nous allons faire évoluer le modèle de tarification », poursuit le vice-président de MuleSoft France. « C’est déjà le cas pour la RPA. Composer est également concerné. À l’avenir, nous allons tendre de plus en plus vers un modèle à la consommation ».

Dans son Magic Quadrant consacré à la gestion d’API publié en novembre 2022, Gartner signalait également que certains clients craignaient un manque de flexibilité dans la négociation au moment de renouveler les contrats, justement parce que ces changements créent une forme d’incertitude.

Dans un contexte inflationniste, cet élément n’est pas à négliger. Frédéric Pozzi se veut rassurant envers ses clients et ne remarque pas de ralentissement pour le moment.

« Sur le marché français, je constate que les projets petits ou grands sont toujours en cours. Nous sommes dans une phase de croissance depuis notre arrivée. De notre fenêtre, les entreprises continuent à avoir un intérêt pour nos sujets ».

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