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Scalingo sur Outscale : tout sur la PaaS française « à la Heroku »
L’éditeur de PaaS Scalingo et son partenaire IaaS Outscale jugent que leurs offres communes font jeu égal avec les fonctionnalités des hyperscalers. Charge à l’État et aux entreprises de réduire leur dépendance au cloud américain, disent-ils.
En mai dernier, le Cigref saisissait l’Autorité de la Concurrence pour « pratiques anticoncurrentielles de certains éditeurs de logiciels ». Plus récemment, son président Jean-Claude Laroche s’élevait contre les politiques tarifaires de ces mêmes acteurs, en particulier ceux du SaaS.
Il soulignait à cette occasion la forte dépendance des utilisateurs. Une situation qui résulte de choix technologiques dont souffrent à présent des membres du Cigref, mais aussi d’autres entreprises.
Scalingo : une ergonomie inspirée des standards du cloud
Les fournisseurs cloud français revendiquent régulièrement l’équivalence fonctionnelle de leurs solutions avec celles des hyperscalers (AWS, Azure et GCP en tête). Ils peinent malgré tout à convaincre les décideurs des secteurs privé et public, dont les politiques d’achat évoluent lentement.
Pour Scalingo – positionné sur la PaaS (Platform as a Service) – et Outscale – la branche IaaS de Dassault Systèmes –, la concurrence française et européenne n’aurait pas « à rougir de ses fonctionnalités ».
« Oui, notre produit est compétitif sur le segment de marché de la PaaS. Dès la création de la société, notre volonté a été que l’utilisateur (quelle que soit sa nationalité) juge l’application comme venant d’une startup de la Silicon Valley en termes d’expérience, d’ergonomie et de qualité de service », déclare Yann Klis, cofondateur et PDG de Scalingo.
Le dirigeant le concède : les « Américains donnent le tempo ». C’est eux qui établissent des standards en matière d’interface et de qualité de service (QoS). Cette « expérience totale » est désormais attendue des utilisateurs, en particulier des développeurs pour ce qui concerne la PaaS.
Sur la PaaS, la référence du marché souvent citée par les développeurs est Heroku. Scalingo revendique spontanément cette inspiration. « Nous avons repris un certain nombre de standards de fait (…), ceux qui ont du sens pour le client, comme ceux qui sont utiles et réutilisables, par exemple du côté des API. »
L’essentiel sur la PaaS de Scalingo
Scalingo est une Platform as a Service qui prend en charge une cinquantaine de technologies dont les frameworks de développement les plus populaires (Java, Python, PHP, Node.js, etc.). Il propose également six DBaaS : PostgreSQL, MongoDB, MySQL, Redis, InfluxDB et ElasticSearch.
La PaaS « made in France » a par exemple été utilisée par la plateforme de l’État qui gère les procurations de vote des citoyens (MaProcuration.gouv.fr). Il motorise également les applications Malo (en tant qu’hébergeur HDS) ou de Freshmile (stations de recharge pour véhicules électriques).
Pour Outscale, le cloud souverain n’est pas plus cher
Sur l’IaaS aussi, les géants mondiaux de l’IT mènent la danse. « Les standards, de fait, sont américains. AWS pour nous, sur l’IaaS. Et tant mieux. Ils servent de fer de lance et tirent l’évangélisation du cloud » rappelle David Chassan, directeur de la stratégie d’Outscale. Cependant, « avec l’ensemble de l’écosystème, nous n’avons pas à rougir des fonctionnalités que nous pouvons proposer », poursuit-il.
David ChassanDirecteur de la stratégie d’Outscale
« 80 % des fonctionnalités les plus utilisées [chez les hyperscalers] sont disponibles également sur Outscale, et qui plus est, au même prix que sur AWS. Choisir une souveraineté n’est pas plus cher que d’opter pour AWS », affirme le représentant du prestataire cloud hexagonal.
La stratégie ne consiste cependant pas à rivaliser frontalement et sur tous les cas d’usage avec les hyperscalers. Outscale a ainsi assuré dès l’origine la compatibilité de son API avec celle d’AWS. Un choix qui tient compte de la tendance à l’hybridation des SI et du recours au multicloud. Cette compatibilité est aussi un moyen de faciliter les migrations d’AWS vers ses infrastructures.
« Parmi nos clients, certains utilisent plusieurs clouds sur la base de leur analyse de risques. Selon la sensibilité des données et de l’usage fait, ils opteront pour une commodité ou plutôt pour du cloud certifié », indique David Chassan.
Scalingo, partenaire d’Outscale et utilisateur de ses services IaaS, revendique la même approche de compatibilité et d’ouverture. Yann Klis note néanmoins une divergence culturelle entre CSP européens et américains dans ce domaine. « La réversibilité est innée chez les Européens. Cette valeur, on la retrouve moins chez les Américains. »
Pour étayer cette affirmation, il épingle en particulier les produits propriétaires proposés par ces derniers, mais aussi la forte « adhérence » générée par l’utilisation de services cloud. Le dirigeant de Scalingo cite encore le coût du trafic sortant, qui freine la réversibilité, là où (soulignent les deux acteurs français) Outscale a fait le choix de ne pas facturer ce trafic.
Le trafic sortant, cadenas des hyperscalers
« Les clients peuvent sortir s’ils le souhaitent. À nous d’être bons pour qu’ils choisissent de rester sur nos plateformes », lance Yann Klis. L’analyse est partagée par David Chassan : « que le meilleur gagne », renchérit-il.
Le directeur de la stratégie d’Outscale insiste lui aussi sur le coût du trafic sortant des hyperscalers, qui constitue selon lui une « forme de vendor locking, non pas technologique, mais commercial […]. Sortir pour utiliser un autre cloud s’avère extrêmement cher. Pour une entreprise, qui réalise une analyse ROI, la durée d’amortissement d’une telle action décourage ce genre d’initiative, créant un verrouillage de fait. »
Le combat de la notoriété
Le principal frein à l’adoption de Scalingo serait, aujourd’hui, la notoriété. « Dès lors qu’un client nous considère par rapport à un équivalent PaaS, américain ou d’une autre nationalité, en général nous avons gagné », assure son cofondateur.
Le marketing et « le techno-marketing » sont des leviers puissants des fournisseurs cloud extra-européens. Leurs dépenses de communication sont conséquentes. Scalingo veut donc progresser sur ce domaine de la notoriété. « Notre produit est bon. Il nous faut travailler à être plus connus. »
Pour financer ces investissements, l’entreprise prépare actuellement une levée de fonds, sa première depuis sa création, annonce Yann Klis. La plateforme PaaS cherche à lever entre deux et quatre millions d’euros d’après nos informations.
La sécurité se démontre avec les certifications
Outre le marketing, Scalingo continue d’investir dans sa technologie, « avec de nouveaux produits dans les cartons », et dans la sécurité. L’éditeur se revendique déjà comme « première PaaS française et européenne certifiée ISO 27001 et HDS ». Il a par ailleurs engagé la procédure de certification SecNumCloud – dont dispose déjà Outscale.
Yann KlisCofondateur et PDG de Scalingo
« La cybersécurité est une thématique forte. Elle le sera encore plus à l’avenir » prévoit Yann Klis. Ce critère gagnerait encore en importance dans les appels d’offres cloud. Le sérieux dans ce domaine doit être « prouvé. Et la preuve passe par les certifications. C’est un vrai différenciateur. »
La souveraineté constitue-t-elle également un argument ? Les représentants des deux acteurs français s’accordent pour considérer que la souveraineté seule ne suffit pas, même si la problématique de l’autonomie stratégique s’impose de plus en plus dans les débats.
« La souveraineté, ou la nationalité, seule, ne suffit pas. Il faut aussi un bon produit, voire un très bon, comparable en termes de prix, de performances et d’expérience. Dans le cas contraire, le client, même dans le public, trouvera des raisons pour ne pas acheter local », prévient Yann Klis.
Des entreprises utilisatrices de cloud en pleine contradiction ?
« La souveraineté est un critère que le décideur peut prendre en compte, ou pas. Être souverain est loin de satisfaire à toutes les exigences. L’acheteur n’optera pas pour du souverain si c’est synonyme de prix supérieur, de services en moins, ou de support client insuffisant (…). Il ne doit pas y avoir d’ombres au tableau », confirme David Chassan.
Sur le secteur public, les deux fournisseurs observent des évolutions favorables. La « volonté se transforme en réalité », se réjouissent-ils. Même si la commande publique peut encore progresser et que « la transformation prend du temps ».
Du côté du privé, qui à l’image des membres du Cigref, s’expose à une dépendance technologique et à une vulnérabilité en matière de négociation tarifaire, la situation serait plus contradictoire.
Tout comme dans le passé signer avec IBM était une assurance tout risque pour un DSI, choisir un hyperscaler est aujourd’hui une solution consensuelle qui n’impliquera pas, ou peu, la responsabilité des décideurs IT. Opter pour des alternatives nécessiterait au contraire « une démarche supplémentaire, de l’argumentation et en quelque sorte une prise de risque », comparent David Chassan et Yann Klis, qui invitent les entreprises à « se saisir à nouveau des enjeux d’autonomie ».
Mis à jour le 2 juin avec des exemples d’utilisation de Scalingo.