Maintenance et migration : l’USF réclame un meilleur accompagnement de la part de SAP

Pour ne pas naviguer à vue dans leur transformation numérique, les membres de l’USF demandent à SAP de jouer le rôle de phare pour éclairer sa feuille de route et lever les ombres qui peuvent les inquiéter.

« Les crises, sources de nouveaux modèles de pensées ». Le sous-titre de la convention des utilisateurs francophones de SAP se pose là.  

Pour Gianmaria Perancin, président de l’USF (Utilisateurs SAP Francophones) et du SUGEN, les adhérents, comme leurs clients subissent les effets de crises successives : Covid, hausse du prix des énergies, guerres, inflations galopantes, etc.

SAP verserait-il de l’huile sur le feu avec l’augmentation de 5 % des coûts de maintenance des licences on premise prévue en janvier prochain ? C’était en tout cas la perception des adhérents de l’USF lors de l’annonce de cette hausse.

« Nous demandons à SAP d’endosser véritablement le rôle de partenaire stratégique pour nous aider dans nos changements, pour nous aider à dépasser ces crises. S’il vous plaît, messieurs dames de SAP, nous vous demandons de ne pas ajouter de l’instabilité à l’instabilité », réclame le président lors de la conférence d’introduction de la convention de l’USF du 11 et 12 octobre 2023.

« C’est une clause d’augmentation annuelle que nous n’avions pas appliquée depuis plus de dix ans ».
Orlando AppellDirecteur des opérations, SAP France

« C’est une clause d’augmentation annuelle que nous n’avions pas appliquée depuis plus de dix ans », argue Orlando Appell, directeur des opérations de SAP France, lors d’un point presse. « Les conditions économiques nous ont amenés à changer de point de vue. Cela a généré un certain nombre de frictions et de discussions avec nos clients ».

Le taux aurait pu atteindre 8 % si l’éditeur avait appliqué à la lettre l’indice du Syntec. En janvier 2023, SAP avait déjà relevé le coût de la maintenance logicielle de 3,3 % en moyenne, et de 2,2 % en France.

Avenir des solutions on-premise : l’USF en partie rassurée par les réponses de SAP

Gianmaria Perancin tempère son propos. SAP semble raisonnable par rapport à d’autres éditeurs « qui ont augmenté leurs tarifs de 8, 9, 10 et parfois 12 % ».

Et pourtant, les usagers le répètent : ils ont du mal à percevoir la « valeur » apportée par SAP aux clients qui exploiteraient les produits on premise de l’éditeur allemand. « Nous avons besoin de stratégie claire pour mieux piloter nos projets dans les systèmes d’information et dans le numérique. », ajoute le président.

Cette crainte de la perte de valeur s’explique par une déclaration de Christian Klein (CEO de SAP) qui – au cours de Sapphire cet été – a laissé entendre que l’innovation se déroulerait désormais uniquement sur le cloud. « Je suis persuadé que ça ne peut être qu’une erreur de communication », commente Gianmaria Perancin.

L’USF a pu obtenir la confirmation que SAP livrera des fonctionnalités pour les versions on premise de S/4HANA et des correctifs pour ECC. Pour rappel, la fin du support du premier est prévue pour 2040 et en 2030 au plus tard pour le second.

« Sur site, les développements se concentrent d’abord sur S/4HANA. Concernant ECC, il s’agit davantage d’accompagner les clients pour la localisation des applications et les résolutions [traitement des bugs et des mises à jour de sécurité, N.D.L.R] », informe Orlando Appell.

« Nous avons pris du recul et grand bien nous a pris. SAP nous a stipulé qu’il y a encore des milliers de lignes de développement qui sont dans la feuille de route consacrée on premise. Cela a commencé à nous rassurer », concède le président de l’USF. « Nous demandons à SAP de continuer à nous accompagner dans cette démarche ».

« L’innovation est un vecteur important dans notre croissance, mais on ne peut pas se couper de la base installée ».
Orlando AppellDirecteur des opérations, SAP France

« L’innovation est un vecteur important dans notre croissance, mais on ne peut pas se couper de la base installée », affirme Orlando Appell.

L’USF s’exprime depuis au moins trois ans concernant la nécessité ou pas de migrer vers le cloud public, plus précisément, d’adopter S/4HANA Cloud. « La question n’est pas de savoir si nous irons ou non dans le cloud, mais plutôt de savoir si nous aurons uniquement accès à des offres cloud », rappelle Gianmaria Perancin. « Comme les utilisateurs allemands de SAP le disaient il y a deux semaines : “cloud first ok, cloud only, no” ».

Mieux flécher les « trajectoires de migration »

Les membres de l’USF perçoivent une différence de traitement entre les clients disposant d’un legacy ECC et ceux qui ont opéré un déploiement ou une migration greenfield vers S/4HANA Cloud. « Autant, nous voyons bien qu’il y a de nouveaux clients qui adoptent la solution SaaS [de SAP], autant ceux qui ont des solutions on premise ne se sentent pas accompagnés ».

L’année dernière, l’USF a réalisé un sondage auprès de 250 de ses 3 700 adhérents. Seulement 7 % d’entre eux affirmaient avoir terminé la migration vers S/4HANA. Selon Orlando Appell, « 30 à 40 % des clients français de SAP ont entamé un projet S/4HANA ». De ceux-là, 10 à 15 % auraient choisi de recourir à une instance dédiée associée à S/4HANA Private Cloud Edition. Lors de la conférence du deuxième jour, Olivier Nollent, PDG de SAP France a annoncé que 4 500 clients ont opté pour Rise with SAP dans le monde, dont plus de 150 en France.

Lors de ses présentations, l’éditeur allemand n’en fait pas une grande promotion. Pour autant, certains de ses clients décident d’effectuer des déploiements hybrides. Par exemple, S/4HANA ou un ECC peut résider sur site, tandis que les applications portées par la BTP (Business Technology Platform) sont potentiellement hébergées sur un cloud public. « Ce sont des choix que certains clients font aujourd’hui, pour certaines filiales », indique Orlando Appell.

Ce ne serait qu’une étape transitoire dans une phase de migration, signale Olivier Nollent. « [Conserver ECC et déployer des applications sur la BTP] n’est pas une solution pérenne au regard des évolutions de maintenance et des dates de fin de support », déclare-t-il. « En revanche, dans le cadre d’une trajectoire de migration, que cela passe par divers scénarios, dont un mode de déploiement hybride, oui, c’est possible », précise-t-il. Malgré cette possibilité, la mise en place d’une telle architecture apparaît comme un « trou béant » à franchir, selon Gianmaria Perancin.

« Nous avons un travail de clarification à effectuer avec l’USF concernant les trajectoires de migration empruntées par chacun de nos clients ».
Olivier NollentPDG, SAP France

« Nous avons un travail de clarification à effectuer avec l’USF concernant les trajectoires de migration empruntées par chacun de nos clients », concède Olivier Nollent. « Ces trajectoires sont personnalisées ».

Facturation électronique et compatibilité carbone : deux chantiers pour les clients de SAP

D’autres questions demeurent en suspens, encore et toujours concernant la valeur. Plus précisément, l’USF et ses membres espèrent des efforts de SAP concernant deux autres points.

Premièrement, la facturation électronique, une mesure liée à la loi de Finances 2024 dont l’application devrait être décalée. « Le calendrier est certes remis en question pour les pouvoirs publics, mais malgré cela nous avons toujours besoin de nous préparer », avance Gianmaria Perancin.

Lors de la convention 2023 de l’USF, huit des 75 ateliers concernaient des retours d’expérience consacrés à la dématérialisation de la facturation. Un signe que les entreprises ont déjà pris des mesures.

« Aujourd’hui, nous percevons encore des doutes tant de la part des clients qui sont passés sur S/4 que ceux restés sur ECC », observe pourtant le président. Cet allongement du calendrier permettrait là de mieux préparer cette étape et de clarifier les éléments techniques et contractuels auprès de SAP.

Deuxièmement, il y a l’application, et ce dès l’exercice financier 2024, des réglementations européennes dont la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et Taxonomy pour les entreprises réunissant plus de 500 collaborateurs. En résumé, c’est la mise en place d’une comptabilité carbone auditable.

La solution présentée par SAP consistant, dans un premier temps, à mettre en place une « tour de contrôle de la durabilité », un logiciel déployé sur la BTP – donc sur une instance de cloud privé ou public –, mais indépendant de S/4HANA Cloud (« standalone ») semble convaincre certains membres de l’USF. En mai dernier, l’éditeur allemand a présenté Green Ledger, une solution visant à enregistrer les données ESG dans son ERP cloud. Elle sera disponible en 2024. « C’est une bonne chose. SAP se base sur des standards plus ou moins reconnus et [ces solutions] vont nous aider dans nos reportings environnementaux que la loi va nous imposer très prochainement », salue Gianmaria Perancin.

Il y a toutefois un certain nombre de questions concernant l’écoconception des solutions SAP et surtout la manière d’ingérer, puis de traiter les données afin d’obtenir des indicateurs fiables.

Clarifier les feuilles de route

« Nous ne voulons pas une feuille de route imposée par l’éditeur. Nous voulons une roadmap qui s’adapte à notre manière de vivre le monde des systèmes d’information, le numérique et les applications pour les métiers », résume le président de l’USF lors de son intervention d’introduction.

« Nous voulons une roadmap qui s’adapte à notre manière de vivre le monde des systèmes d’information, le numérique et les applications pour les métiers ».
Gianmaria PerancinPrésident, USF et Sugen

Cette réassurance doit passer, de manière générale, par un meilleur accompagnement des clients dans l’exploration de sa feuille de route, selon Gianmaria Perancin. Lors de la convention de l’USF, SAP a mené cinq ateliers le deuxième jour pour faire état des avancées de certaines de ses solutions et programmes. Pour autant, la documentation disponible à travers un compte SAP est parfois difficile à comprendre, note le président de l’USF.

« Dans le cadre d’ateliers, nous partageons ces feuilles de route de manière interactive et sans aucune retenue avec nos clients qui le réclament », répond Orlando Appell. « Il serait peut-être judicieux d’avoir une communication plus transparente et élargie au niveau corporate, mais d’un point de vue opérationnel, c’est déjà le cas ».

De tels messages laissent percevoir une tension entre SAP France et son club utilisateur francophone, qui a réuni plus de 1 750 visiteurs uniques lors de sa convention 2023. En outre, lors de Sapphire 2023 à Barcelone, la délégation française était la plus importante, d’après les porte-parole du groupe allemand. « C’est une tension constructive », nuance Olivier Nollent. « Nous discutons régulièrement avec l’USF. L’on peut ne pas être d’accord sur tout […], mais les retours formulés par l’USF sont utilisés pour faire évoluer la feuille de route », affirme-t-il.

« Personnellement [...] j’aimerais résoudre les problèmes de maintenance avant de regarder Joule ».
Gianmaria PerancinPrésident, USF et Sugen

Exemple, l’USF a plaidé auprès de SAP France pour l’extension du support de SAP Finance Consolidation. SAP a accepté cette demande en juillet dernier en étendant le support « mainstream » de SAP FC 10.1 jusqu’au 31 décembre 2023. S/4HANA for group reporting est le remplaçant qui bénéficiera de toute l’attention des équipes de développement de SAP.

Quid de l’innovation apportée par l’IA générative ? Ce n’est pas encore un sujet pour l’USF, selon Gianmaria Perancin. « Nous n’avons pas entamé de travaux avec les adhérents sur ce sujet », renseigne-t-il. SAP a profité de la convention pour présenter un premier cas d’usage de l’assistant Joule qui pourra seconder des conseillers dans le règlement des litiges commerciaux. « Personnellement, j’avoue que j’aimerais résoudre les problèmes de maintenance avant de regarder Joule », commente le président de l’USF.

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