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Fiabilité des données financières : les DAF reprennent confiance (étude)

Selon une étude de l’éditeur BlackLine, la majorité des cadres et professionnels de la finance considèrent que leurs données financières sont fiables. Si la modernisation des SI dans les grands groupes a sûrement des effets positifs en la matière, la mise en qualité des données demeure leur priorité.

Cet article est extrait d'un de nos magazines. Téléchargez gratuitement ce numéro de : Applications & Données: Applications et données 20 – DAF : la fonction finance fait sa révolution numérique

Comme à son habitude, BlackLine, éditeur de solutions de numérisation des fonctions comptable et financière, sonde les professionnels du secteur.

Il a confié la tâche au cabinet de recherche indépendant Censuswide de réaliser, entre le 29 juillet et le 17 août 2022, une étude quantitative en ligne auprès de 1 483 cadres dirigeants et professionnels de la finance (737 et 746), dans sept pays, dont 191 en France.

En 2021, l’étude commandée par BlackLine mettait en exergue la perte de confiance de ces professionnels en leurs données. Seulement 11 % des sondés affirmaient avoir « totalement confiance » dans leurs données financières. En 2020, cette foi avait déjà chuté fortement. « Les dirigeants sondés étaient 47 % à déclarer avoir totalement confiance envers les chiffres de leur entreprise », explique BlackLine. Les effets de la crise sanitaire se faisaient sentir, selon l’éditeur : en 2018, « leur niveau de confiance s’établissait à 75 % ».

La fiabilité ressentie des données financières en hausse

En 2022, un « regain de confiance s’opère », observe l’éditeur. Ainsi, 53,4 % des cadres et dirigeants financiers interrogés considèrent que leurs données sont « totalement fiables », et 41,9 % qu’elles sont « assez fiables ».

« Ce renforcement de la confiance coïncide avec l’utilisation accrue, par les entreprises, de logiciels d’automatisation des processus et de contrôles financiers. »
Étude BlackLine

Pour BlackLine, ce « renforcement de la confiance coïncide avec l’utilisation accrue, par les entreprises, de logiciels d’automatisation des processus et de contrôles financiers ».

La majorité des directeurs financiers et des professionnels de la finance (56 %) ont investi ou prévoyaient de le faire avant la fin de l’année 2022 dans « des initiatives de transformation numérique », dixit l’étude.

Selon Blackline, cela laisserait entendre que « les entreprises ayant fait part de leurs projets d’implémentation en 2020 sont passées à l’action ».

La modernisation des SI financiers commence à faire effet… dans les grands groupes

Preuve en est, d’après l’éditeur, près de 40 % (39,8 %) des sondés indiquaient à l’été 2022 que leur société a « davantage automatisé » la planification financière par rapport à l’année précédente, tandis que 38,2 % d’entre eux ont affirmé avoir robotisé cette tâche au cours des douze derniers mois.

En outre, 34,6 % des répondants ont davantage automatisé le reporting financier, et 37,7 % d’entre eux ont fait de même pour la comptabilité générale et la clôture. C’est deux fois plus que dans l’étude précédente, insiste BlackLine.

« Les groupes ont mis en place de grands programmes de transformations », constate Maryse Lecutier, Associée, Consulting, Finance Leader chez EY France.

 « Il s’agit de remettre en place un cœur finance dont le rôle est de gérer des transactions de bout en bout, mais qui est intégré avec plusieurs systèmes pour croiser ces transactions avec d’autres informations », ajoute-t-elle.

La refonte des SI financiers se traduirait en gain organisationnel. « Avant ces phases de transformation, il y avait beaucoup d’échanges et de retours entre le groupe, les régions et les entités. Désormais, dans les entreprises qui ont effectué ces changements, nous observons que les échanges entre les différentes strates d’une organisation sont beaucoup plus “top down” », déclare Maryse Lecutier. « Cela n’est possible que si l’on a des systèmes correctement intégrés. Cela facilite aussi l’élaboration de prévision, le suivi du réel, ou encore l’analyse des cas ».

Ce serait moins vrai dans les PME, selon Damien Charrier, Vice-président de l’IFEC (l’Institut Français des Experts-comptables et des Commissaires aux comptes).

 « Certaines entreprises vivent la “digitalisation” à marche forcée. C’est encore assez frais », constate-t-il. « Certains processus sont peu numérisés ».

La mise en qualité des données demeure une priorité

Malgré ces avancées, 46,6 % des personnes sondées estiment que leurs données financières ne sont « pas totalement fiables ». Les raisons de cette méfiance sont multiples, mais les deux principales sont « le manque de contrôle et de vérifications automatiques par rapport au volume de données » (28,1 %) et l’incertitude que la totalité des données est comptabilisée au regard de la diversité des sources (27 %).

La problématique de l’intégration revient sur le devant de la scène. Dans le cadre de la précédente étude, elle n’était un sujet que pour 20 % des sondés, contre 40 % les années précédentes.

Selon les propos de Maryse Lecutier, l’une des raisons pour lesquelles ces enjeux demeurent importants, c’est que les grandes transformations sont en cours.

Et si les données des entreprises semblent de meilleure qualité, c’est qu’elles sont moins nombreuses. « Il y a moins de données, mais celles remontées sont plus qualitatives, plus intégrées et permettent un pilotage immédiat », affirme la consultante.

« La préoccupation principale [des DAF] reste la mise en qualité des données. »
Maryse LecutierAssociée, Consulting, Finance Leader, EY France

Toutefois, 19,1 % des responsables financiers interrogés considèrent que « l’utilisation de feuilles de calcul et de processus obsolètes ne permet pas aux équipes financières de disposer d’une vision claire jusqu’à la fin du mois ». D’autres (15,7 %) jugent « le processus de collecte et de traitement de données trop complexe ».

De manière générale, « la préoccupation principale [des DAF] reste la mise en qualité des données », constate la consultante chez EY France. D’ailleurs, 39,8 % des cadres et professionnels de la finance interrogés en font leur défi numéro 1 pour l’année en cours.

Le télétravail fait de nouveau débat

Il y a aussi une bonne part de défiance des DAF envers leurs collaborateurs. Ainsi, l’incompréhension des équipes face aux données, l’erreur humaine lors de leur saisie manuelle et l’impossibilité de vérifier que les équipes en télétravail suivent les bons processus sont trois raisons arrivées ex aequo (24,7 %) pour expliquer le manque de fiabilité des données financières.

Ainsi, le télétravail, qui n’était plus qu’un problème pour 3 % des sondés l’année dernière, redevient un critère pour expliquer la moins bonne qualité des données financières (contre 36 % il y a deux ans).

Justement, Damien Charrier considère qu’il faut relativiser ce regain de confiance dans les données financières au regard du retour en présentiel.

« Comme c’est une opinion, je pense qu’elle est probablement un petit peu biaisée par le retour du présentiel que l’on a vécu après deux ans de COVID, période pendant laquelle on a pu avoir l’impression d’une perte de contrôle », déclare-t-il.

Quant aux questions envers l’efficacité des collaborateurs, elle s’explique aussi par la « complexification des tâches de la direction financière », selon Maryse Lecutier. Avec l’injonction de transformation, « nous constatons une évolution de la filière finance et cela demande d’avoir des profils différents que ceux que nous avions l’habitude d’avoir ».

Des défis dans un contexte de crise

Les entreprises doivent ainsi faire face à des évolutions réglementaires, par exemple la DPEF (déclaration de performance extrafinancière, plus communément nommée rapport RSE), corrélée à la nouvelle directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ou encore l’obligation de la facturation électronique. Elles impliquent de revoir les processus et les systèmes, d’ajouter des données qui n’étaient pas historiquement traitées par les directions financières.

« La préoccupation des directeurs financiers, c’est la partie extra financière. »
Maryse LecutierAssociée, Consulting, Finance Leader, EY France

« Les grands groupes ont bien intégré la généralisation de la facture électronique : ils en sont à la mise en œuvre », note Maryse Lecutier. « En revanche, la préoccupation des directeurs financiers, c’est la partie extra financière. Beaucoup me demandent : quels sont les indicateurs obligatoires ? Comment automatiser la remontée de ces indicateurs et comment piloter la performance à partir de ces nouveaux indicateurs ? »

Pour Damien Charrier, la généralisation de la facture électronique pose des difficultés aux ETI et aux PME.

« Quand nous observons que dans certaines organisations, le simple acte de paiement impose le présentiel, au vu de la multiplicité des plateformes, du niveau de maturité des systèmes d’information, nous savons qu’il y aura tout de même un sujet important sur la facture électronique », prévient-il.

Au sujet de l’application de la SCRD, le vice-président de l’IFEC estime que « la collecte et la structuration des données extrafinancières », comme les émissions de carbone, « peuvent très rapidement devenir un casse-tête ».

À cette injonction de modernisation, s’ajoute la nécessité de contenir, voire de réduire les coûts (pour 37,2 % des sondés), ce qui passe également par une réduction du nombre d’employés dans les services financiers (un défi pour 27,7 % des responsables interrogés). D’après la consultante chez EY France, l’automatisation – notamment des aspects transactionnels – « génère des économies qui sont allouées sur d’autres sujets ». Les autres sujets sont les nouveaux projets d’automatisation, la formation des talents, ou encore le recrutement de nouvelles compétences capables de mener à bien les grands projets en cours.

Ces défis s’inscrivent désormais dans un contexte de crises causées par la guerre en Ukraine. Plus de la moitié des directions financières (53 %) craignent l’entrée dans une récession mondiale dans moins d’un an.

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