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Processeurs : Scaleway lance une offre IaaS de serveurs RISC-V

L’hébergeur de cloud public français entend favoriser les développements sur cette architecture plus économe et plus souveraine que les machines ARM. Il est l’un des premiers au monde à proposer une telle offre.

Fidèle à sa réputation d’innovateur, l’hébergeur de cloud IaaS public français Scaleway lance une offre de serveurs en ligne basés sur un processeur RISC-V. Perçus comme une alternative Open source – comprendre libre de droits – aux processeurs basse consommation ARM, les processeurs RISC-V portent la double promesse d’être encore plus économes en énergie et de favoriser la construction d’ordinateurs débarrassés de toute technologie américaine propriétaire.

« Nous sommes ravis d’être les premiers à proposer des serveurs RISC-V dans le cloud, ouvrant ainsi de nouvelles opportunités pour nos clients afin de répondre aux exigences croissantes en matière de souveraineté, d'efficacité et de durabilité. Cette innovation est un pas de plus vers notre vision d'un cloud européen indépendant et compétitif », déclare Damien Lucas, le PDG de Scaleway dans un communiqué.

En l’état, l’offre de Scaleway doit surtout permettre aux développeurs de se familiariser avec la plateforme. S’il n’existe pas encore d’offre applicative qui permettrait de mettre une machine RISC-V au niveau fonctionnel d’un serveur x86 ou ARM, l’architecture RISC-V est d’ores et déjà utilisée dans les ASIC qui animent diverses cartes électroniques destinées au marché des objets connectés, de l’informatique embarquée et des équipements réseau ou de stockage.

Parmi les perspectives notables, signalons aussi le supercalcul. En Europe, le consortium European Processor Initiative (EPI) planche ainsi depuis l’année dernière sur la mise au point d’ASIC à base de cœurs RISC-V afin d’accélérer les traitements HPC. L’EPI avait déjà conduit à la naissance du français SiPearl pour fabriquer le processeur ARM surpuissant Rhéa. Concernant les puces RISC-V, la mission commerciale – emploi d’ingénieurs, commandes à des usines tierces pour la fabrication, vente – est cette fois-ci confiée à l’entreprise espagnole Semidynamics.

L’offre RISC-V existe

Imaginée dès 2010 par les étudiants de l’université de Berkeley, dans la Silicon Valley, l’architecture RISC-V s’est depuis développée petit à petit au rythme des renforts financiers et techniques d’acteurs tels que Google, Nvidia, AMD, Qualcomm et IBM. Chacun d’eux voit dans RISC-V l’opportunité d’implémenter des microcontrôleurs (réseau, stockage) ou des ASIC (accélérateurs) pour épauler leurs produits sans dépendre d’une quelconque propriété intellectuelle.

Dernièrement, Intel – ou plutôt son entité industrielle plus ou moins autonome Intel Foundry – a promis qu’il dédierait des chaînes entières à la production de ces puces. Le fondeur a d’autant plus intérêt à supporter cette technologie qu’elle lui permettrait de mieux positionner ses usines face à celles de son concurrent TSMC qui s’est enrichi avec la fabrication des divers processeurs ARM pour mobiles.

De nos jours, l’architecture RISC-V n’est plus un projet de laboratoire. Une offre existe bien sur le marché. Des cartes similaires à des Raspberry Pi comme la VisionFive2 de StarFive Tech, la Lichee Pi 4A de Sipeed ou la BeagleV-Ahead de BeagleBoard ont ainsi été commercialisées l’année dernière avec un SoC comprenant des cœurs RISC-V. Diverses versions de Linux ont été recompilées pour ces cartes, notamment Debian, Fedora et Ubuntu.

On trouve aussi, bien entendu, des OS temps réel Open Source conçus pour le monde de l’embarqué (FreeRTOS, HarmonyOS, Zephyr, Arduino, OpenWrt...), ainsi que les classiques déclinaisons de BSD (FreeBSD, NetBSD, OpenBSD) pour les équipements réseau.

Avant Scaleway, c’est le chinois Alibaba qui a déployé le premier, fin 2023, une offre de machines RISC-V en cloud. Pour la Chine, l’architecture RISC-V présente l’opportunité de disposer de processeurs standards qui échappent aux interdictions américaines. Alibaba a de fait négocié avec Google le portage d’Android sur cette architecture et son cloud doit permettre l’écriture ou le portage d’applications pour appareils mobiles à base de cœurs RISC-V.

Scaleway veut « booster » l’écosystème

L’offre de Scaleway est baptisée Elastic Metal RV1. Elle consiste pour l’heure en un serveur EM-RV1-C4M16S128-A comprenant 4 cœurs RISC-V 64 bits à 1,85 GHz. Ils sont embarqués dans un SoC T-Head 1520 qui comprend également un GPU graphique, un VPU pour l’encodage et le décodage des vidéos, ainsi qu’un NPU pour accélérer les fonctions matricielles (parmi lesquelles la reconnaissance d’images).

À côté du SoC, le serveur propose 16 Go de RAM LPDDR4, 128 Go de stockage en mode bloc (Flash eMMC), et une connectique réseau Ethernet de 100 Mbit/s.

De taille relativement modeste (LeMagIT a calculé que Scaleway parvient à en mettre 168 dans une seule étagère rack), ce serveur consomme en moyenne 5,2 watts et est facturé 15,99€ HT par mois.  

« Le lancement des serveurs RISC-V, c’est un acte concret et immédiat de Scaleway, pour booster un écosystème où la souveraineté technologique est possible au plus bas niveau. Cette initiative audacieuse et visionnaire sur un marché émergent ouvre de nouvelles perspectives pour tous les acteurs », commente Sébastien Luttringer, le directeur de la R&D chez Scaleway.

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