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Qu’y a-t-il dans le rapport de la Commission de l’intelligence artificielle remis au Président ?

Le mercredi 13 mars, un rapport a été remis au Président de la République pour que la France tire tous les bénéfices de l’IA. Entre optimisme sur le potentiel positif de la technologie, et appel à investir plus massivement, voici les principales conclusions et recommandations de ce document de référence.

La Commission de l’intelligence artificielle a remis au Président de la République son rapport et ses recommandations pour faire de la France un acteur majeur de l’IA.

Le constat de base de la commission, co-présidée par Anne Bouverot (présidente du conseil d’administration de l’ENS) et par Philippe Aghion (professeur au Collège de France et économiste), est que la France investit trois fois moins en IA que les États-Unis en proportion du PIB.

Résultat, notre pays « risque de manquer cette révolution qui affecte l’ensemble des secteurs et activités », avertissent les auteurs du rapport.

Des craintes et des espoirs

Après 600 auditions et 6 mois de travail, dont 25 séances de travail plénières, les 15 membres de la Commission et ses 15 rapporteurs constatent que l’IA suscite à la fois des craintes et des espoirs.

Côté craintes : la destruction d’emplois, l’utilisation dévoyée de l’IA (deep fake) et une dégradation de l’environnement (empreinte carbone élevée de la technologie).

Côté espoir : l’IA pourrait être un levier de croissance, lutter contre le réchauffement climatique (avec ses capacités d’optimisation des ressources) et améliorer la qualité de vie (travail, santé et éducation notamment).

La Commission se montre pour sa part optimiste sur la capacité à gérer les risques « à condition d’exiger une transparence sur les impacts environnementaux et sociaux, de favoriser le dialogue social et de créer les conditions d’une appropriation collective, en France, en Europe et à l’international », insistent les experts.

Doubler la croissance économique de la France grâce à l’IA

Pour eux, l’IA pourrait même augmenter le potentiel de croissance de la France en automatisant des tâches. « La croissance économique annuelle de la France pourrait doubler grâce à cela », explique un communiqué officiel qui annonce la remise du rapport. « En 10 ans, le PIB pourrait ainsi passer de 250 à 420 milliards d’euros, soit du même ordre de grandeur que l’activité actuelle de l’industrie dans son ensemble ».

Ces estimations ne prennent cependant pas en compte certains obstacles comme l’accès à la puissance de calcul ou l’accès aux données d’entraînement.

Pas d’effet global négatif avéré sur l’emploi

Sur l’emploi, la Commission est tout aussi optimiste. « L’IA n’a pas d’effet global négatif avéré sur l’emploi », conclut-elle.

« L’analyse empirique de la Commission conduite sur un large échantillon d’entreprises françaises suggère que l’emploi total des entreprises ayant adopté l’IA (non générative) augmente davantage que dans des entreprises similaires ne l’ayant pas adoptée », explique son communiqué. « D’une part, car l’IA permet d’être plus productif et donc plus compétitif. D’autre part, car l’IA remplace des tâches, et non des emplois ».

Reste que les effets de l’IA sur l’emploi ne seront pas uniformément positifs. Certains emplois (un petit nombre, assure le rapport) pourraient voir l’ensemble de leurs tâches prises en charge par l’IA.

Investir 5 Mds € par an pendant 5 ans.

La Commission de l’IA formule par ailleurs plusieurs recommandations (25 au total).

Celle qui retiendra le plus d’attention sera certainement l’appel à investir 5 Mds € par an pendant 5 ans.

Les experts appellent à consacrer la moitié de ces budgets à l’innovation technologique et industrielle, et l’autre moitié au déploiement de services pour les citoyens (santé, éducation, etc.), et pour sa diffusion (dans les entreprises, dans la formation et la recherche).

« Cette ambition est réaliste », insiste la Commission qui prend les devants des objections sur les caisses vides de l’État. « Elle représenterait 0,3 % environ des dépenses publiques – [un seuil] atteignable. »

La Commission recommande par ailleurs de réorienter structurellement l’épargne vers l’innovation et de créer, à court terme, un fonds « France & IA » de 10 Mds €, pour financer, d’une part, l’émergence de l’écosystème d’IA et, d’autre part, la transformation numérique du tissu économique français grâce à l’IA.

Les actions prioritaires parmi les 25 recommandations

Parmi les autres recommandations, une mesure « prioritaire » devra être de déployer un dispositif de sensibilisation et d’appropriation de l’IA pour tous les Français, avec le lancement d’une plateforme en ligne qui abritera des ressources, mais aussi physiquement, avec l’organisation de « Cafés IA » dans des lieux du quotidien.

Ces cafés permettraient, dit la Commission, de s’initier au code, de se former sur des problématiques spécifiques et de participer à des débats avec des acteurs du numérique.

Un autre défi sera celui de l’indépendance – ou de la souveraineté. La dépendance de l’Europe vis-à-vis du reste du monde, déjà forte dans les datacenters, est encore plus nette pour la puissance de calcul dédiée à l’IA. Un sursaut est indispensable, tant pour des raisons économiques que de souveraineté, regrette la commission.

Le groupe de travail propose donc de fixer une trajectoire minimale pour l’implantation de centres de calcul privés avec une garantie d’utilisation de la puissance de calcul et un accompagnement à l’implantation et au raccordement électrique.

Dans le même ordre d’idées, sur l’accès aux données, le rapport préconise de créer un marché des données pour entraîner des modèles d’IA sur des données culturelles françaises et européennes dans le respect des droits de propriété intellectuelle et des obligations de l’AI Act.

La commission insiste également sur un choc de simplification administrative et une évolution du rôle de la CNIL (par exemple en réduisant à 6 semaines le délai au-delà duquel l’avis sur un traitement présentant des risques particuliers est réputé favorable).

Un appel à une gouvernance mondiale de l’IA

Enfin, la Commission appelle de ses vœux – tout comme Sam Altman, co-fondateur d’OpenAI – de construire une coalition mondiale d’acteurs publics et privés pour établir une gouvernance internationale de l’IA et la doter d’un Fonds afin de financer des projets d’intérêt général.

Dans les membres de la Commission figurent aussi bien des représentants de grandes entreprises françaises (Renault, Decathlon) que des éditeurs français (Mistral, Dassault Systèmes), américains (Google Deep Mind, Meta), des personnalités du monde académique (PRAIRIE, INRIA, Université Paris-Saclay), des personnalités politiques (Gilles Babinet, Cédric O) ou associatives et syndicales (CFDT, Omidyar Network).

Le rapport de 130 pages est téléchargeable sur cette page.

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