Workday licencie massivement pour se recentrer sur l’intelligence artificielle
Le spécialiste du SIRH/HCM et du Core Finance va se séparer de 8,5 % de ses employés. Workday continuera dans le même temps de recruter et d’investir dans de nouvelles zones prioritaires. Un « plan de restructuration » qui n’est pas sans rappeler celui de SAP, il y a tout juste un an.
Douche froide chez Workday. Malgré des résultats financiers attendus comme plutôt bons pour l’année en cours, l’éditeur de SIRH et de Core Finance va se séparer de 8,5 % de ses employés. Soit 1 750 licenciements.
L’annonce a été rendue publique avec le dépôt d’un formulaire 8-K, ce mercredi 5 février. Pour mémoire, ce type de document est utilisé par les sociétés cotées pour communiquer des événements importants qui peuvent affecter les actionnaires.
« Un plan de restructuration » mondial
« Workday a annoncé un plan de restructuration qui vise à prioriser ses investissements et à continuer à faire progresser son objectif de croissance continue » y explique l’éditeur, qui estime que ce « plan » se traduira par des charges de 230 à 270 millions de dollars.
Dans le détail, 145 millions $ à 175 millions $ (en liquidité) couvriront les indemnités de licenciement et leurs coûts connexes. Et 50 millions $ à 60 millions $ (hors trésorerie) seront affectés aux rémunérations supplémentaires en actions pour les licenciés.
Le reliquat (35 millions $) anticipe « la dépréciation des espaces de bureaux que Workday prévoit d’enregistrer au cours du premier trimestre de l’exercice 2026 ».
Workday espère avoir achevé son « plan de restructuration » à la fin du deuxième trimestre de l’exercice 2026, « sous réserve des lois locales et des exigences de consultation ».
« Les estimations des charges et des dépenses […] ainsi que leur calendrier sont soumis à un certain nombre d’hypothèses, y compris les exigences de la législation locale dans diverses juridictions », insiste bien l’éditeur.
Ce qui confirme que le plan est mondial.
Un recentrage stratégique
Ces licenciements n’interviennent pas dans un contexte de crise particulière pour Workday.
L’éditeur anticipe en effet un exercice 2024/2025 « conforme aux attentes, voire supérieur [aux objectifs] annoncées le 6 novembre 2024 » – resitue le formulaire 8-K.
Certes la marge d’exploitation (GAAP) sera inférieure à celle de l’année précédente (et au Q4 de cette année, inférieure de 22 points à celle du Q4 de l’année précédente), mais en raison des charges évoquées plus haut, liées au plan de licenciements.
C’est plutôt une logique de « recentrage » stratégique qui est invoquée pour ses départs.
« Nous sommes à un moment charnière. […] nous devons procéder à certains changements pour mieux adapter nos ressources à l’évolution des besoins de nos clients. »
Carl EschenbachPDG, Workday
« Nous sommes à un moment charnière. Partout, les entreprises ré-imaginent la façon dont le travail est effectué, et la demande croissante d’IA a le potentiel de conduire à une nouvelle ère de croissance pour Workday », écrit Carl Eschenbach, le PDG de l’éditeur, dans une lettre interne à ses employés. « Ce contexte est une grande opportunité, mais nous devons procéder à certains changements pour mieux adapter nos ressources à l’évolution des besoins de nos clients », continue-t-il, avant d’annoncer les licenciements.
Dans le même temps, « pour mieux adapter » ses ressources, Workday prévoit d’embaucher dans « des domaines et des lieux stratégiques clés ».
Dans ceux qui ne le sont plus, en revanche, « Workday prévoit de quitter certains bureaux dont elle est propriétaire ».
Clarification des responsabilités et des processus
Courant 2026, le plan prévoit également de prioriser les investissements de Workday « dans l’IA et le développement de plateformes ».
Les autres investissements verront « leurs ROI rigoureusement évalués », prévient le PDG.
Autres décisions : les postes et les responsabilités internes seront « clarifiés » (sic) et les processus seront repensés pour « accélérer la prise de décision et l’innovation ».
Carl Eschenbach devrait en dire plus sur les recrutements et les zones prioritaires (et celles qui le seront moins) demain en interne à ses employés et lors de l’annonce des résultats 2024/2025 fixée ce 25 février.
L’IA n’explique pas tout, d’après les analystes
Josh Bersin, analyste du marché RH, explique que Workday, à l’instar de Salesforce et d’autres éditeurs, « réoriente ses ressources vers les produits et les commerciaux spécialisés dans l’IA, ce qui se justifie [parce que l’IA] est un nouveau relais de croissance ». Mais Josh Bersin pense également que Workday tente d’augmenter sa rentabilité et d’améliorer son ratio revenu par employé, alors que la croissance ralentit.
Evelyn McMullen, analyste chez Nucleus Research, confirme que toutes les réductions de Workday ne sont pas nécessairement liées à l’IA. Il s’agit plutôt d’une action plus globale qui suit les tendances du secteur des logiciels,
Evelyn McMullen s’interroge d’ailleurs sur le fait de savoir si la demande pour les outils d’IA est aussi forte que ce que veulent bien dire les éditeurs. Dans de nombreuses grandes entreprises, elle constaterait au contraire que « les préoccupations en matière de sécurité et les politiques internes ont empêché l’adoption à grande échelle [de l’IA], malgré un réel intérêt ».
Il n’en reste pas moins que l’IA est devenue incontournable pour les logiciels. Ce qui signifie que « pour les éditeurs, l’investissement est un pari, mais un pari indispensable et nécessaire », résume-t-elle.
En 2023, Workday avait déjà réduit ses effectifs de 3 %. Et déjà à l’époque pour cause de « restructuration ».
Article paru le 5 février et mis à jour avec les réactions des analystes (recueillis par notre collègue Patrick Thibodeau).