Processeurs : les ventes d’AMD en pleine forme
Même s’il reste le numéro 2 des fournisseurs de puces x86 derrière Intel, AMD réduit de plus en plus l’écart. Près d’un quart des nouveaux serveurs et un nouveau PC sur cinq sont équipés de ses puces.
AMD, le concurrent d’Intel dans la fourniture de processeurs x86 pour serveurs et PC, est en pleine forme. C’est ce qui ressort d’un rapport récent du cabinet d’études Mercury. Selon celui-ci, AMD aurait gagné 4 % de parts de marché sur les processeurs pour serveurs entre fin 2022 et fin 2023, si l’on compte en chiffre d’affaires, et 5,5 % de parts de marché en plus si l’on compte en nombre d’unités vendues.
À l’heure actuelle, 23,1 % des processeurs x86 qui se vendent pour équiper les serveurs seraient des AMD Epyc, contre 17,6 % un an auparavant. Le rapport note que c’est sur les modèles les plus chers – ceux avec le plus de cœurs – qu’AMD rattrape le plus son concurrent Intel. Ainsi, la totalité de ses ventes d’Epyc au quatrième trimestre 2023 aurait concentré près d’un tiers – 31,1 % – des revenus générés sur le marché des processeurs pour serveurs.
Côté PC, AMD équiperait à présent, avec ses Ryzen 7000, un peu plus d’une nouvelle machine sur cinq (20,2 % des PC vendus). Mais, à l’inverse de puces pour serveurs, le fabricant joue ici la carte des puces moins chères que celles de son concurrent. Ainsi, au dernier trimestre 2023, les ventes de ses Ryzen n’ont représenté que 15,4 % des revenus générés sur ce segment de marché. Le rapport de Mercury détaille ce point : AMD équipe plus exactement 19,8 % des nouveaux PC fixes (15,9 % des revenus sur ce segment) et 20,3 % des nouveaux PC portables (15 % des revenus sur ce segment).
Ces chiffres relatifs aux ventes de processeurs Ryzen ont aussi augmenté entre fin 2022 et fin 2023 : AMD vend 1,2 % de processeurs en plus sur le segment des PC fixes (+1,3 % de parts, des revenus) et 3,9 % de processeurs en plus sur le segment des PC portables (+2,5 % de parts, des revenus).
Des ventes en progression de 38 % pour les processeurs Epyc
La publication de ce rapport coïncide avec celle des derniers résultats financiers d’AMD. Sur le dernier trimestre de l’année 2023, AMD a réalisé un chiffre d’affaires de 6,17 milliards de dollars, soit une augmentation notable de 10 % par rapport à la même période en 2022. Sur l’année entière, en revanche, AMD a réalisé un CA de 22,68 mds $, en baisse de 4 % par rapport à l’année précédente (23,6 mds $).
Dans le détail, les ventes de puces pour serveurs ont généré 2,3 mds $ de CA sur le dernier trimestre, soit une augmentation spectaculaire de 38 % des revenus en un an. Cela dit, ces ventes-là ne se limitent plus aux processeurs Epyc. Elles comprennent aussi les tout derniers GPU MI300 qu’AMD a lancés en fin d’année dernière. Sur l’année entière, les puces serveur d’AMD ont généré un CA de 6,5 mds $, soit une augmentation plus modeste – mais tout de même remarquable – de 7 % par rapport à l’année 2022.
Les ventes de puces pour PC se divisent en deux catégories.
Les processeurs Ryzen 7000 ont généré 1,5 md $ de revenus sur le dernier trimestre (+62 % en un an) et 4,7 mds $ de revenus sur l’année entière, soit 25 % de moins que lors de l’année 2022. AMD explique que le marché du PC s’est écroulé entre la fin de l’année 2022 et l’été 2023.
L’autre catégorie est celle des cartes graphiques qui ont généré 1,4 md $ de revenus sur le dernier trimestre (-17 % en un an) et 6,2 mds $ de revenus sur l’année entière (-9 % par rapport à 2022).
La dernière famille de produits qui compose le chiffre d’affaires d’AMD est celle des puces embarquées, destinées aux petites cartes mères d’appoint qui sont utilisées aussi bien dans les véhicules, que dans les machines-outils des usines, ou encore dans les équipements urbains connectés. Ce segment a généré 1,1 milliard de dollars de revenus lors du dernier trimestre (-9 % par rapport au dernier trimestre 2022) et 5,3 mds $ de revenus sur l’année entière (+17 % par rapport à 2022).
L’augmentation de revenus liés aux puces embarquées entre l’année 2022 et l’année 2023 est à analyser à la lumière de l’acquisition de Xilinx (puces FPGA), dont les ventes ont commencé à être comptabilisées avec celles d’AMD dès la fin de l’année 2022.
Intel, une avance qui s’effrite
Comparativement, Intel, le concurrent direct d’AMD dans la fourniture de puces x86, annonçait sur les périodes similaires un CA trimestriel de 15,4 mds $ (+10 % en un an, comme AMD) et annuel de 54,2 mds $ (-14 % par rapport à 2022, moins bon qu’AMD).
Ses ventes de processeurs Xeon ont généré lors du dernier trimestre 4 mds $ dans les serveurs (-10 %) plus 1,5 md $ dans les équipements réseau (-24 %). On y lit sans difficulté les prises de part de marché d’AMD dans ce domaine. Y compris sur l’année entière : 15 mds $ pour les Xeon des serveurs (-20 %) et 5,8 mds $ pour ceux des équipements réseau (-31 %).
Sur le PC, Intel a évidemment souffert de la même conjecture qu’AMD. Lors du sursaut des achats du dernier trimestre, Intel a vendu pour 8,8 mds $ de puces Core, soit 33 % de mieux que l’année d’avant. Mais l’on observe qu’il a moins bénéficié de ce rebond qu’AMD. Et lorsqu’on additionne ces résultats aux trois autres trimestres en berne de l’année 2023, son résultat annuel plafonne à 29,3 mds $, soit 8 % de ventes en moins que sur l’année 2022. Cette chute est néanmoins limitée par rapport à celle qu’a connue AMD dans les PC.
En somme Intel reste toujours numéro 1 sur le marché des processeurs x86, mais son avance s’effrite au fil des ans. Pour autant, Intel multiplie les signes qui suggèrent un rattrapage à terme de ses retards industriels. Les retards de ses usines, qui conditionnent le prix et les performances de ses puces. Et ceux de ses activités commerciales dans les GPU et les puces embarquées, où il persiste à ne présenter que des prototypes.
Vers beaucoup plus d’Epyc en 2024
En 2024, AMD espère étendre encore plus ses parts sur le marché des processeurs pour serveurs avec, désormais, trois familles d’Epyc. Tout d’abord la série classique des 9004 devrait continuer à s’imposer dans les serveurs haut de gamme, car des modèles de cette puce grimpent désormais à 112 (Epyc 9734), voire 128 cœurs (Epyc 9754) quand les tout derniers Xeon d’Intel plafonnent encore à 64 cœurs (Xeon 8592+).
Ensuite, il y a la série des Epyc 8004 qui consomment près de 150 W de moins que les 9004 et qu’AMD destine aux équipements en Edge. Car, comme Lenovo, AMD est persuadé que les entreprises achèteront en 2024 beaucoup de serveurs d’appoint pour équiper leurs succursales – plus particulièrement les points de vente et les sites industriels – de capacités de traitement locales. Notamment pour analyser automatiquement par IA les images des caméras de vidéosurveillance.
Mais, surtout, AMD a récemment relancé sa génération précédente d’Epyc 7003 dans le but de proposer des puces deux fois moins chères aux entreprises qui acceptent d’utiliser des serveurs seulement 14 % moins performants que ceux équipés de 9004.
Les Epyc 9004 et 8004 ont des cœurs Zen4 gravés en 5 nm, tandis que les Epyc 7003 ont des cœurs Zen3 gravés en 7 nm. La prochaine génération d’Epyc, sans doute numérotée 9005, est attendue pour 2025.
Toujours dans les serveurs, le marché est impatient de mesurer les performances, commerciales comme techniques, des nouveaux GPU MI300 lancés en fin d’année dernière. Pour l’heure, ils représentent la seule alternative crédible à l’écrasante domination de Nvidia dans les puces liées aux calculs de l’intelligence artificielle.
Côté PC, AMD a dévoilé en décembre une nouvelle génération Ryzen 8000. En fait, cette évolution reprend les caractéristiques des Ryzen 7000 – ce sont toujours des cœurs Zen4 gravés en 5 nm, avec un maximum de 8 cœurs dans la puce – mais avec des fréquences un peu plus élevées, qui culminent jusqu’à 5,2 GHz.
Une architecture embarquée inédite : à la fois x86 et ARM
Mais c’est surtout dans le domaine des puces embarquées qu’AMD a fait en ce début d’année les annonces les plus significatives. La nouvelle architecture appelée Embedded+ comprend deux puces vendues pour fonctionner ensemble.
La première est le processeur x86 Ryzen Embedded R2000. Il intègre jusqu’à quatre cœurs Zen+, huit circuits GPU Radeon Vega et gère 16 canaux PCIe 3.0. La seconde puce est l’accélérateur de traitement de données Versal Adaptive. Il dispose de quatre cœurs de processeurs ARM – deux Cortex A72 et deux Cortex R5 – plus un FPGA reprogrammable selon les cas d’usage. Le résultat est assez inédit : l’architecture d’AMD va servir à fabriquer des petites cartes mères capables d’exécuter à la fois du code x86 et du code ARM.
AMD semble encourager les développeurs à répartir leurs codes sur les circuits les plus adaptés. Le but est de réduire au maximum les goulets d’étranglement que l’on rencontre classiquement sur les architectures où des flux de données très différents se bousculent sur le bus d’un processeur uniquement x86 ou uniquement ARM.
Ici, les données en provenance des sondes (images de caméras de vidéosurveillance…) devraient être traitées par la puce Versal Adaptive. Et tout ce qui a trait au pilotage du système, y compris l’affichage d’une console sur un écran d’appoint, serait à exécuter sur le processeur x86.