Intel nomme un nouveau PDG, Lip-Bu Tan

Jusque-là connu pour être l’un des plus fervents détracteurs de l’ex-PDG Pat Gelsinger au conseil d’administration d’Intel, Lip-Bu Tan a devant lui les enjeux de redresser le cours en bourse, d’hériter d’usines enfin prêtes et d’aviser concernant leur revente à TSMC.

Intel a un nouveau PDG : Lip-Bu Tan, un membre historique de son conseil d’administration, dont il avait néanmoins claqué la porte en août 2024 après de profonds désaccords avec le PDG d’alors, Pat Gelsinger. Lip-Bu Tan estimait que Pat Gelsinger maintenait trop de salariés en poste chez Intel, qu’il ne prenait pas assez de risques pour relancer l’activité commerciale et qu’il était incapable de mettre en place une stratégie autour de l’intelligence artificielle. Il est probable que le nouveau PDG cherche par conséquent à développer ces trois axes.

En creux, les actionnaires d’Intel étaient surtout irrités de voir leur cours en bourse s’être effondré de 61 % sous l’ère Pat Gelsinger. La déclaration, ce jour, du président du conseil d’administration, Frank D. Yeary, suggère que le cours de l’action reste la priorité du nouveau PDG : « Lip-Bu est un leader exceptionnel. Son expertise dans l’industrie technologique, ses relations profondes auprès des écosystèmes de produits ou de fonderies, et ses antécédents prouvés de création de valeur pour les actionnaires sont exactement ce dont Intel a besoin », écrit-il dans un communiqué.  

Lip-Bu Tan est par ailleurs membre du conseil d’administration de Schneider Electric et fondateur de la firme d’investissement Walden International.

Pat Gelsinger victime du temps long

Vrai visionnaire technologique, mais adepte du temps long, l’ex-PDG Pat Gelsinger avait été rappelé à la tête d’Intel au début de l’année 2021 pour relancer l’activité du fondeur. Son plan consistait à réinvestir dans les usines, pour que les processeurs d’Intel soient fabriqués avec des technologies de pointe, qui leur permettraient de redevenir plus intéressants en matière de performances, de consommation d’énergie et de prix.

Problème, parvenir à ce but avait un prix : quatre ans de travaux, 30 milliards de dollars d’investissement. Pour finir, les usines en question, dites « 18A », viennent de sortir de terre et commenceront enfin à produire des puces compétitives à partir de cet été. Mais la patience des actionnaires d’Intel n’a pas tenu jusque-là. En décembre dernier, Pat Gelsinger s’est retrouvé à devoir annoncer qu’il partait subitement à la retraite. On ne saura jamais s’il s’agissait réellement de sa décision ou si elle a été imposée par le conseil d’administration.

Pour rappel, Intel a pour ainsi dire inventé les processeurs et est resté le leader de ce secteur jusqu’aux débuts des années 2000, mais le fondeur a raté le virage des processeurs pour smartphones un peu avant 2010. Cela a favorisé l’essor des usines asiatiques de semiconducteurs, lesquelles ont ensuite offert à AMD, Nvidia ou Apple les moyens de mieux concurrencer Intel.

Aujourd’hui, AMD est devenu le numéro un des processeurs pour serveurs, Nvidia le numéro un des puces accélératrices et Apple fabrique lui-même ses puces, alors qu’il était auparavant l’un des plus importants clients d’Intel. Et tout cela grâce au fondeur taiwanais TSMC, qui s’est enrichi en fabriquant des puces pour smartphones au point de pouvoir investir plus vite qu’Intel dans la modernisation de ses usines. La modernisation consiste en l’occurrence à repousser la finesse de gravure, pour que les puces calculent plus vite et fonctionnent avec moins d’électricité.

Une partie du plan de Pat Gelsinger consistait à ouvrir les usines d’Intel à des fabricants extérieurs de puces, soit le modèle économique qui a permis à TSMC de s’enrichir. Apparemment, les actionnaires d’Intel, qui avaient d’abord applaudi cette stratégie, n’avaient pas nécessairement compris que cette activité ne pourrait décoller qu’après la mise en production des usines de nouvelle génération. 

Quel avenir pour Intel ?

Après le départ de Pat Gelsinger, le conseil d’administration avait nommé le directeur financier d’Intel, David Zinsner, et la patronne des produits, Michelle Johnston Holthaus, comme PDG par intérim. En l’espace de deux mois et demi, leur action s’est limitée à accompagner la mise sur le marché du dernier processeur pour serveurs Xeon 6P.

En première approche, Lip-Bu Tan pourrait se contenter de tirer les lauriers des usines enfin fonctionnelles que Pat Gelsinger avait décidé de construire. Cependant, le nouveau PDG pourrait aussi mettre en œuvre des stratégies plus radicales.

L’une des options actuellement sur la table est qu’Intel revende ses usines à TSMC. Les actionnaires du premier seraient a priori satisfaits de récupérer ainsi beaucoup de cash en peu de temps, ce qui leur a fait cruellement défaut ces dernières années. Le second s’approprierait quant à lui de nouvelles ressources industrielles qui risquaient de lui faire concurrence et qui, avantage supplémentaire, sont sur le sol américain. Ce détail est devenu particulièrement important depuis que l’Administration Trump a décidé de fortement taxer les importations de semiconducteurs.

Aux dernières nouvelles, TSMC viendrait de se rapprocher de ses clients AMD et Nvidia pour les inviter à participer à ce rachat. 

Sans ses usines, Intel ne pourrait plus compter que sur l’originalité de ses puces et sur leurs prix pour espérer reprendre des parts de marché. Reste à savoir quelles sont ses marges de manœuvre dans ces domaines. Par exemple, Intel a bien l’idée de se positionner sur le segment des puces accélératrices pour concurrencer les GPU Nvidia, comme AMD l’a fait avec ses GPU MI300. Mais après un premier galop d’essai avec son Gaudi3, Intel a annulé la commercialisation du successeur Gaudi4, afin de mieux préparer le lancement d’un futur Gaudi5.

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