37signals achève sa sortie du cloud avec l’abandon d’AWS S3
L’éditeur danois avait déjà quitté AWS et GCP il y a deux ans pour réinternaliser ses serveurs, générant une économie de 7 millions de dollars. Son contrat pour le service S3 se terminant, il estime que ne pas le renouveler lui fera encore gagner 4 millions.
Dire adieu au cloud, la suite… Il y a un peu plus de deux ans, 37signals, l’éditeur danois des plateformes collaboratives Basecamp et Hey, défrayait la chronique en annonçant sortir du cloud public pour revenir à deux authentiques datacenters physiques, en propre, remplis de serveurs Dell. L’opération lui faisait économiser 7 millions de dollars sur cinq ans. David Heinemeier Hansson, le PDG, revient aujourd’hui à la charge en se félicitant d’une économie supplémentaire de 4 millions de dollars sur les cinq prochaines années, cette fois-ci en abandonnant le service de stockage S3 d’AWS.
« Le fait est que nous avions initialement obtenu un tarif bas de 1,5 million de dollars par an sur AWS S3, moyennant la signature d’un contrat de quatre ans. Et ce contrat expire enfin en juin prochain ! Nous allons remplacer ce service par des baies de stockage Pure Storage dans nos deux datacenters […] pour un coût d’achat de 1,5 million de dollars en matériel, plus environ 1 million de dollars pour une garantie et un support de cinq ans », écrit-il dans une récente note de blog.
Le calcul de l’économie est fait selon le tarif dont 37signals bénéficiait jusqu’ici chez AWS. Mais David Heinemeier Hansson estime que l’économie sera encore plus importante si l’on considère que, à l’échéance de son contrat, AWS aurait appliqué une augmentation de prix. Selon lui, le nouveau tarif aurait été de 5 000 dollars par jours, soit 1,83 million de dollars par an.
Les datacenters en colocation moins chers que le cloud
On pourrait argumenter que 37signals ne comptabilise pas, dans sa nouvelle facture d’équipements sur site, le coût de l’électricité et du refroidissement nécessaires à leur fonctionnement. Interrogé sur LinkedIn à ce sujet, le PDG assure que c’est un faux problème. Car, dans les faits, les 7 millions d’économies qu’il avait précédemment estimées pour déployer des serveurs sur site à la place d’autant de VM dans les clouds AWS et GCP se traduisent plutôt par une économie de 10 millions de dollars.
« La raison pour laquelle l’économie est meilleure que celle estimée est que nous avons été en mesure de réutiliser tout l’équipement énergétique que nous possédions déjà. De plus, les 700 000 dollars que nous ont finalement coûté les serveurs Dell ont été rentabilisés dès le premier semestre d’exploitation. Et nous sommes à présent persuadés que ces machines dureront deux ans de plus que les cinq années initialement envisagées », écrit David Heinemeier Hansson dans une autre note de blog.
L’intéressé avait précédemment publié une FAQ dans laquelle il s’efforçait de lister point par point les arguments usuels à la faveur du cloud et ses observations concernant les bénéfices d’en sortir. Un détail important à prendre en compte est que 37Signals possédait déjà des racks prêts à accueillir des serveurs dans deux datacenters – il évoque la marque Equinix – auxquels il loue des emplacements.
Selon ses explications, les équipements modernes qu’il y installe sont plus denses que ceux d’origine, permettent de déployer plus de puissance et de capacités sans devoir louer de la surface en plus, ne consomment pas plus d’électricité et ne nécessitent pas de nouvelles compétences pour leur maintenance. Selon ses calculs, passer par l’hébergement de ses infrastructures dans un datacenter en colocation resterait « bien moins cher que le cloud ».
Des baies Pure Storage plus avantageuses que le stockage en ligne
Concernant le stockage, 37signals a pour le moment mis près de 10 Po de données dans S3, essentiellement des fichiers dans deux instances redondantes pour parer aux incidents. Sur site, les nouvelles baies Pure Storage devraient offrir un total de 18 Po de capacité, répartis sur deux sites éloignés de plus d’un millier de kilomètres.
« Cette configuration coûtera à peu près le même prix qu’un an d’AWS S3 pour le matériel initial. »
David Heinemeier Hansson PDG 37signals
« Ce sont des baies extrêmement denses, avec des modules Flash de 150 To chacun, qui occupent moins d’une étagère rack. Cette configuration coûtera à peu près le même prix qu’un an d’AWS S3 pour le matériel initial. Mais grâce à l’incroyable densité et efficacité énergétique des baies Pure, nous pouvons également les intégrer dans nos racks existants. Les coûts continus seront donc des contrats de service modestes », écrit encore David Heinemeier Hansson.
Les applications de 37signals utilisent des fichiers auxquels elles accèdent en mode objet. « Les baies Pure Storage s’accompagnent d’une API compatible S3 pour accéder aux contenus [LeMagIT suppose qu’il s’agit donc de modèles FlashBlade, N.D.L.R.]. Nous n’avons pas besoin de déployer des systèmes plus complexes comme Ceph, ou MinIO qui servent à apporter du stockage objet sur des serveurs génériques », assure le PDG.
Il avait précédemment minimisé de la même manière la nécessité de déployer toute une infrastructure « web-native » pour exécuter des applications en containers. Selon lui, toute la complexité d’une pile au-delà d’un Kubernetetes de base se justifie uniquement dans le cas d’une proposition de services « serverless ». C’est-à-dire pour un mode de facturation propre aux hyperscalers où l’on quantifie l’utilisation de l’infrastructure au nombre d’accès et pas au nombre d’instances.
« Ces calculs ne valent pas pour nos usages », dit-il, justifiant qu’il n’est pas non plus nécessaire de déployer toute une pile de stockage objet de haut niveau, qui mimerait toutes les fonctions d’AWS S3.
Reste que 37signals va devoir rapatrier toutes ses données. David Heinemeier Hansson estime que l’opération prendra au minimum trois semaines, en tenant compte d’un accès en 40 Gbit/s spécialement loué pour l’occasion. Ce genre d’accès rapide est habituellement proposé en option par les hébergeurs de datacenters en colocation. « Trois semaines sont largement suffisantes pour entrer dans la fenêtre des 60 jours d’export gratuit que propose désormais AWS », conclut-il.