Le cloud souverain de Thalès, qui réplique en France les services de l’hyperscaler GCP, est en campagne pour recruter des clients avant son ouverture officielle.
On a enfin une date. S3NS, la version de Google Cloud Platform (GCP) non soumise aux lois extraterritoriales, car exploitée dans un datacenter français sous l’autorité de Thalès, entrera officiellement en service à la fin de cette année. Après avoir enfin obtenu la qualification SecNumCloud 3.2, qui devrait arriver dans le courant de l’été.
« L’intérêt de ce projet est de prendre toute la technologie cloud développée depuis 20 ans par des dizaines de milliers d’ingénieurs, l’isoler, l’adapter et changer le modèle opérationnel afin d’être compatible avec la qualification SecNumCloud particulièrement exigeante », résume Cyprien Falque, le directeur général de S3NS, lors d’une récente conférence censée préparer les esprits à son arrivée.
Selon lui, il s’agit de l’un des programmes transverses les plus ambitieux de Google. En effet, s’il existe des partenariats similaires dans d’autres pays européens (Proximus en Belgique, T-Systems en Allemagne…), aucun n’atteindrait la dimension de S3NS.
« S3NS correspond à trois datacenters situés en Île-de-France, qui sont interconnectés avec 60 kilomètres de fibre noire. »
Yannis CrevoisierDirecteur des opérations, S3NS
« S3NS correspond à trois datacenters situés en Île-de-France, qui sont interconnectés avec 60 kilomètres de fibre noire. Cette infrastructure héberge 10 000 équipements informatiques (serveurs, baies de stockage, switches réseau et, aussi, des GPU H100) », précise pour sa part Yannis Crevoisier, directeur des opérations de S3NS. En somme, S3NS est comme une importante région de GCP, mais séparée de manière logique et physique du reste pour assurer la confiance et la conformité aux standards SecNumCloud.
Cela dit, l’objectif de la conférence était surtout d’inciter les entreprises présentes à ne pas attendre l’officialisation « sûre et certaine » de la qualification SecNumCloud 3.2 pour signer un contrat commercial avec S3NS.
« Il faut généralement neuf mois entre le moment où quelqu’un considère l’adoption de S3NS et le moment où il en tire vraiment les bénéfices. Parce qu’il faut commencer par clarifier votre stratégie, clarifier les aspects financiers. Il y a également des aspects contractuels, juridiques, de sécurité et de conformité interne. Il faut ensuite développer toutes les fondations, avant de pouvoir vraiment lancer des applications. Et en parallèle de tout cela, il faut former l’ensemble des développeurs. Tout ça est possible dès maintenant », a argumenté M. Falque.
On se souvient que Bleu, le projet similaire de cloud souverain proposé par AWS, Orange et Capgemini, a pareillement débuté ses prospections commerciales en janvier 2024. En revanche, sa qualification SecNumCloud, à l’époque annoncée pour 2025, ne sera finalement pas complète avant le premier semestre 2026. S3NS a fait sa demande de qualification en juin 2024.
Comme GCP, mais en version française
Jai Haridas, responsable de l’ingénierie au sein de la division « Trusted Cloud Program » de GCP, s’est félicité de l’existence de cette version française. « S3NS signifie que vous avez désormais un cloud souverain en Europe, qui s’appuie sur nos technologies et qui est entièrement opéré en France, dans le plein respect des réglementations française et européenne. »
« S3NS signifie que vous avez désormais un cloud souverain en Europe, qui s’appuie sur nos technologies et qui est entièrement opéré en France [...]. »
Jai HaridasResponsable de l’ingénierie, division « Trusted Cloud Program » de GCP
« J’ajoute que vous n’avez besoin d’aucun compromis sur la taille, la performance ou l’innovation, car ce cloud est mis à jour à la même cadence que le cloud public de Google », précise-t-il.
Pour mémoire, ce projet a été imaginé en 2020 avec l’intention d’adresser trois piliers de la souveraineté : la souveraineté des données, la souveraineté opérationnelle et la souveraineté des logiciels. S3NS utilise la majorité des briques technologies de GCP pour proposer de manière souveraine une quarantaine de services cloud prêts à l’emploi.
« Cette technologie cloud permet de transformer votre activité et votre métier. Je prends l’exemple de Walmart, le géant de la distribution, qui a réduit de 500 millions de dollars par an le gaspillage alimentaire en ingérant l’ensemble de ses données de points de vente et de supply chain dans l’outil Big Query », vante M. Falque, en citant l’une des applications phares de GCP. Il argumente que S3NS offrira, comme GCP, une capacité de traitement et une élasticité quasi infinies, mais dans un environnement ultra-sécurisé.
M. Falque cite aussi l’exemple de la société ASML, le leader mondial des équipements industriels pour la fabrication de semi-conducteurs. Cette entreprise a automatisé un processus de tests pour ses mises à jour logicielles en utilisant une dizaine de services managés que propose GCP. Le résultat serait une durée d’une heure pour effectuer des opérations qui prenaient auparavant une journée. Et au-delà du gain de productivité, le changement principal serait culturel, dans la manière d’aborder l’ingénierie, en permettant aux experts d’avoir un retour direct sur leurs développements.
Un des points intéressants de la similarité entre S3NS et GCP sera que le cloud souverain proposera les technologies dernier cri de l’hyperscaler américain en matière d’intelligence artificielle. On y retrouvera notamment l’ensemble du catalogue de LLM Model Garden.
Une initiative de Google
« Il fallait que nous ayons un partenaire solide en termes de cybersécurité, en termes de souveraineté, en termes de Défense et de secteur public. »
Isabelle FraineDirectrice générale de GCP, France
Selon Isabelle Fraine, directrice générale de GCP pour la France, c’est Google qui aurait été à l’initiative de confier à Thalès l’exploitation d’un cloud Google « selon les termes de l’Europe » et pas l’inverse. « Il fallait que nous ayons un partenaire solide en termes de cybersécurité, en termes de souveraineté, en termes de Défense et de secteur public. Or, qui mieux que Thalès pouvait remplir tous ces objectifs ? Et puis, nous avons dans nos ADN cette chose commune qui est l’innovation. Nous sommes deux sociétés d’ingénieurs. »
Depuis le démarrage effectif du projet, il y a trois ans, la filiale S3NS de Thalès a recruté une centaine d’ingénieurs. Ils ont suivi une formation académique de huit à seize semaines sur la base d’un cursus partagé avec Google, puis ont été immergés quelques mois avec des équipes de GCP.
L’un des sujets décrits par les intervenants est la différence de culture d’entreprise qui existait initialement entre Thalès, et Google et comment ils ont su surmonter ces disparités. Ils se félicitent d’avoir réussi à travailler vraiment ensemble pour consolider un projet que beaucoup considèrent comme une première mondiale, par son envergure.