IBM Cloud pourrait être le premier à se décliner en cloud de confiance

Alors qu’Orange et Thalès doivent décliner les clouds Azure et GCP en version souveraine d’ici à 2024, la direction d’IBM France laisse entendre qu’elle proposerait une alternative dès 2023.

IBM pourrait en 2023 dĂ©cliner son cloud public en un cloud de confiance français, sous la tutelle d’un acteur français. Telle est l’information, tout aussi explosive qu’au conditionnel, qu’a glissĂ© BĂ©atrice Kosowski, la Directrice gĂ©nĂ©rale d’IBM France, lors d’un dĂ©jeuner avec la presse cette semaine.  

« Concernant un cloud de confiance en France, pur SecNumCloud, nous travaillons sur un projet. Une alliance avec un acteur local. Si ce projet se concrĂ©tise – et j’espère bien qu’il se concrĂ©tise très prochainement â€“, notre offre arrivera plus tĂ´t que celle des autres Â», a-t-elle rĂ©pondu Ă  une question posĂ©e par LeMagIT.

Cette question concernait le positionnement d’IBM France par rapport aux dĂ©clinaisons en cloud de confiance des offres amĂ©ricaines Azure et GCP, respectivement sous la tutelle d’Orange (projet Bleu) et Thalès (projet S3ns).

Le cloud de confiance est une doctrine que l’État français a énoncée en 2021 et qui vise à promouvoir la souveraineté IT en travaillant exclusivement avec des fournisseurs qui ne sont pas soumis au CLOUD Act américain. Par ailleurs, un cloud de confiance est forcement labélisé SecNumCloud, une certification attribuée par l’ANSSI aux infrastructures de cloud installées en France après qu’elles ont démontré leur faculté à ne pas laisser échapper les données.

De fait, selon les rĂ©glementations des diffĂ©rents secteurs d’activitĂ©, il n’est plus possible en France d’hĂ©berger des donnĂ©es critiques ailleurs que dans un cloud de confiance. Ceux qui en manipulent le plus sont les opĂ©rateurs d’importance vitale, les banques, les assurances, les industriels, la grande distribution. Et les plus importants de ces acteurs sont tous clients d’IBM.

L’enjeu de se décliner en cloud de confiance

En France, les fournisseurs de cloud OVHcloud et 3DS Outscale ont Ă©tĂ© labĂ©lisĂ©s SecNumCloud et sont, de fait, automatiquement cloud de confiance dans la mesure oĂą ce sont des acteurs français. Pour autant, les entreprises qui ont commencĂ© Ă  travailler avec des clouds publics amĂ©ricains – principalement AWS, Azure, GCP et, dans une moindre mesure, OCI et IBM cloud â€“ ne retrouvent pas forcĂ©ment chez OVHcloud et 3DS Outscale un catalogue de fonctions aussi riche.

« Notre cloud est le premier utilisĂ© par les banques parce qu’il propose 290 contrĂ´les de sĂ©curitĂ© en temps rĂ©el qui rĂ©pondent exactement Ă  leurs besoins rĂ©glementaires, c’est une caractĂ©ristique exclusive. Bien entendu, il est le seul Ă  proposer en ligne les technologies IBM, ce qui lui permet par exemple d’exĂ©cuter du SAP sur des instances Unix, ce qui est unique Â», illustre BĂ©atrice Kosowski.

Pour rĂ©soudre la problĂ©matique d’avoir tous les services amĂ©ricains dans des clouds de confiance français, certains hyperscalers ont rĂ©cemment pris l’initiative de cĂ©der leurs technologies sous licence Ă  des acteurs locaux. C’est ainsi qu’Orange a hĂ©ritĂ© des technologies d’Azure pour commercialiser d’ici Ă  2024 le cloud de confiance Bleu et que Thalès proposera en mĂŞme temps, sous la marque S3ns, un cloud de confiance qui clone GCP.

L’intérêt que les hyperscalers américains trouvent dans cette démarche est que leur déclinaison en cloud de confiance chez un prestataire français sera facturée bien plus chère aux entreprises. Dès lors, la proposition serait d’exécuter les applications sur le cloud public américain quand elles ne manipulent pas de données critiques, puis de transférer les traitements sur le cloud de confiance uniquement dans les cas où le CLOUD Act pose un risque. L’avantage étant qu’il n’y a aucun effort à fournir pour passer d’un cloud à l’autre puisqu’il s’agit de la même technologie.

« Je suis certaine que 100 % des banques ne vont pas aller Ă  100 % dans un cloud de confiance. En Europe, 60 grandes banques travaillent avec nous pour dĂ©finir dans IBM Cloud des caractĂ©ristiques qui rĂ©pondent Ă  leurs exigences rĂ©glementaires. Si bien que nombre de traitements peuvent s’exĂ©cuter dans notre cloud public sans que cela soit contraire aux rĂ©glementations Â», commente BĂ©atrice Kosowski.

En l’occurrence, la rĂ©gion europĂ©enne du cloud public d’IBM est installĂ©e Ă  Francfort, dans un datacenter labĂ©lisĂ© C5, l’équivalent allemand du label français SecNumCloud. IBM compte Ă©tendre la prĂ©sence europĂ©enne de son cloud public en installant bientĂ´t une nouvelle rĂ©gion Ă  Madrid. Si ce choix gĂ©ographique pouvait surprendre dans un premier temps, dans le sens oĂą Paris est a priori une plaque tournante plus importante que Madrid dans l’écosystème bancaire, il peut apparaĂ®tre finalement comme complĂ©mentaire avec une implĂ©mentation en France sous la forme d’un cloud de confiance.

Arriver un an avant les autres, avec le quantique en mire

Donc, non seulement IBM a l’intention de suivre un modèle de cloud de confiance similaire à celui d’Azure et GCP, mais son objectif serait même d’arriver sur le marché un an avant eux. Et selon la DG de la filiale française, l’enjeu pourrait aller au-delà de la rivalité sur le tout venant des services en cloud.

« La France est un pays très important au sein de la stratĂ©gie quantique d’IBM. Le fait est que nous aurons en 2023 le premier ordinateur quantique Ă  1 000 qbits. Il est donc très intĂ©ressant que celui-ci soit disponible Ă  ce moment-lĂ  depuis un cloud de confiance en France. Â» Accessoirement, 2023 est aussi la date fixĂ©e par Emmanuel Macron pour que la France soit dotĂ©e de son premier ordinateur quantique.

En l’occurrence, IBM France peut se targuer d’avoir mis au point et de gérer, depuis Montpellier, Qiskit, la plateforme d’IBM qui sert de boîte à outils au monde entier pour développer dès à présent des applications quantiques. La filiale serait par ailleurs à la pointe dans le conseil aux entreprises sur les cas d’usages du quantique et des talents nécessaires.

La question Ă  laquelle BĂ©atrice Kosowski a refusĂ© de rĂ©pondre est de savoir quel partenaire local construirait un cloud de confiance Ă  partir des technologies IBM. LeMagIT n’a d’autre choix que de s’adonner aux pronostics.

L’un des candidats probables serait Atos, le spécialiste français des supercalculateurs, qui se trouve lui-même très investi dans l’aventure quantique. Atos vend ainsi dans le monde entier un simulateur qui permet dès aujourd’hui de former les entreprises et les laboratoires de recherche à l’écriture d’algorithmes. Son agenda prévoit aussi de mettre à disposition du public un module quantique pour supercalculateur d’ici à 2023.

Surtout, Atos a nouĂ© une alliance avec IBM sur les traitements bancaires : quand ceux-ci sont traitĂ©s dans le cloud IBM, ils sont sĂ©curisĂ©s par Atos, lequel est capable de dĂ©tecter toute intrusion non sollicitĂ©e ou exfiltration de donnĂ©es. GCP a de la mĂŞme manière confiĂ© sa sĂ©curitĂ© Ă  Thalès, qui dĂ©tient les clĂ©s de chiffrement des traitements effectuĂ©s dans la toute rĂ©cente rĂ©gion française du cloud de Google. Or, Thalès est le prestataire qui opĂ©rera le cloud de confiance S3ns.

La limite de cette théorie est que les technologies quantiques d’Atos et d’IBM sont, a priori, plus concurrentes que complémentaires.

Un autre candidat probable est OVHcloud, qui s’est récemment lancé dans une stratégie d’hébergement des technologies quantiques. C’est depuis ses datacenters qu’Atos propose son simulateur quantique. On devrait bientôt y trouver aussi l’équipement photonique de la startup française Quandela, qui planche sur la cryptographie quantique, ainsi que celui, à base de lasers, de Pasqal, la startup née de l’Institut d’Optique. Surtout, OVHcloud a déjà obtenu le label SecNumCloud, ce qui expliquerait pourquoi IBM parviendrait à se décliner en cloud de confiance un an avant les autres.

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