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Migration vers SAP S/4 : le « clean core » est un chemin plus qu’une destination

Pour réussir leur migration vers S/4HANA Cloud, les clients de SAP auraient tout intérêt à adopter une approche progressive du clean core. Cette stratégie permettrait de concilier standardisation, innovation et introduction de l’IA.

De nombreux clients de SAP s’interrogent sur la manière de migrer leurs anciens environnements ECC vers le cloud, tout en intégrant de nouvelles technologies. L’un des principes mis en avant par l’éditeur allemand est celui du « clean core » : un cœur applicatif standardisé, plus facile à maintenir que les systèmes personnalisés en profondeur.

Mais, selon Michael Lemashov, responsable mondial de la transformation cloud et de l’innovation chez JDC Group, et Denis Malov, architecte en chef du cabinet, cette transition se heurte à des systèmes enrichis depuis des décennies par des développements spécifiques. Et la démarche ne peut donc pas être uniforme.

« Il n’existe pas une seule manière de l’aborder : il y a en réalité “cinquante nuances de clean core”, propres à chaque entreprise », affirme Michael Lemashov. « [Le clean core] n’est pas une destination, mais un parcours, et chaque organisation doit décider du degré de “propreté” qu’elle souhaite atteindre. »

SAP recommande d’aller le plus loin possible afin de simplifier les futures mises à jour, mais les réalités opérationnelles imposeraient souvent des compromis.

Innover sans attendre la fin de la migration

Les organisations ont accumulé au fil des années des milliers d’heures de développements pour compléter les fonctionnalités de leurs systèmes SAP. Revenir vers un cœur applicatif standard exige de revoir ces ajouts, voire de les abandonner.

« Ce n’est pas simple, surtout dans des organisations complexes où la pression pour innover est quotidienne », souligne Michael Lemashov.

La question se pose alors : faut-il attendre d’avoir atteint cette standardisation pour déployer des technologies comme l’intelligence artificielle ? « Non. On ne peut pas dire à un DSI ou à un directeur financier qu’il faut attendre d’avoir un clean core pour innover », répond Michael Lemashov. Il prône des démarches parallèles : avancer sur la migration tout en lançant des projets d’innovation.

L’expert illustre cette complexité par une image : « Vous essayez de faire atterrir l’avion pendant que vous coulez encore le béton de la piste. »

L’IA accessible même depuis ECC

Beaucoup d’entreprises fonctionnent encore avec ECC, souvent en mode on-prem. Elles ne seraient pas non plus exclues de cette course à l’innovation.

« Ces derniers mois, nous avons animé de nombreux ateliers autour de l’IA, et la majorité des participants utilisaient encore ECC », rapporte Michael Lemashov. Dans ces situations, la plateforme SAP Business Technology Platform (BTP) représenterait une option pour développer des applications et des cas d’usage IA sans attendre.

Le jour où ces entreprises basculeront vers S/4, il suffira d’adapter les appels API. « Au lieu d’interroger ECC, elles interrogeront S/4HANA. Ce n’est donc pas du temps perdu. », assure Michael Lemashov.

Concrètement, beaucoup d’entreprises encore sous ECC commenceraient par moderniser leur couche d’intégration. « Nous voyons que les organisations migrent d’abord leurs anciens systèmes PI/PO vers SAP Integration Suite sur BTP, puis qu’elles s’arrêtent souvent là », observe-t-il. « Mais c’est une erreur de ne pas aller plus loin. »

Une fois cette première étape franchie, la plateforme BTP ouvrirait en effet la voie à des développements plus ambitieux : applications métier personnalisées, capacités d’intelligence artificielle, ou encore nouveaux services digitaux.

« Cette approche progressive permet de se familiariser avec l’écosystème cloud de SAP tout en préparant le terrain pour des innovations plus poussées », souligne l’expert.

Cela étant, les clients ne partent pas tous du même point.

« Certains sont encore sur ECC, mais ils disposent déjà de stratégies IA matures, souvent non centrées sur SAP », constate Michael Lemashov. « Depuis des années, ils extraient leurs données de SAP pour les charger dans Snowflake ou dans d’autres plateformes, puis ils appliquent des technologies IA concurrentes ».

D’autres, au contraire, n’ont pas encore défini leur cap et hésitent entre les outils de SAP et ceux des hyperscalers.

Mais dans tous les cas, « l’innovation n’attend pas : s’il y a un besoin, les entreprises trouveront un moyen », ajoute-t-il.

Construire une stratégie IA orientée valeur

Pour Denis Malov, architecte en chef chez JDC Group, la clé serait d’éviter une approche technocentrée… ou trop « big bang ».

« L’important, c'est d’identifier les domaines où l’IA apporte le plus de valeur, pas de chercher à en mettre partout. »
Denis MalovArchitecte en chef chez JDC Group

« Ce qui compte, c’est de bâtir une stratégie IA orientée valeur, sans attendre. La technologie évolue très vite », invite-t-il. « Mais pour assurer la continuité des activités, il ne faut pas tout bouleverser d’un coup. L’important est d’identifier les domaines où l’IA apporte le plus de valeur, pas de chercher à en mettre partout. »

Michael Lemashov acquiesce. Il observe que de nombreux projets échouent parce qu’ils visent systématiquement les solutions les plus récentes et les plus coûteuses. En particulier dans la GenAI

« De grands modèles de langage (LLM) plus anciens suffisent parfois à réaliser des tâches utiles, pour un coût bien moindre. Pourquoi viser systématiquement le dernier outil, le plus cher, alors que des technologies stables et éprouvées répondent déjà aux besoins ? », questionne-t-il.

« Ce qui compte, ce sont les résultats et la valeur générée », insiste-t-il, « pas l’effet de mode ».

Propos recueillis par notre collègue Jim O’Donnell.

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