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GIPHAR prend une dose de S/4 pour booster ses données

La coopérative pharmaceutique GIPHAR entame une migration vers S/4HANA pour moderniser son SI et ouvrir la voie à la transformation digitale de ses 1 250 officines adhérentes.

« On ne change jamais d’ERP par plaisir », dit le dicton des DSI. Et pourtant, il arrive toujours un temps où il faut le faire. Autant, à ce moment, engager une transformation plus stratégique qu’une simple migration technologique. C’est justement ce qu’est en train de faire GIPHAR, une coopérative pharmaceutique qui pèse tout de même 2,5 milliards € de chiffre d’affaires.

600 000 lignes de commandes par semaine

Dans le milieu de la pharmacie, GIPHAR est une exception. Il est à la fois un groupement de pharmacies et un grossiste répartiteur. Le groupement rassemble 1250 officines indépendantes et gère lui-même sa logistique. Il possède quatre entrepôts, qui livrent tous les jours ses pharmacies. « Les commandes qui arrivent avant 20 h sont dans le camion au plus tard vers 1 h, et dans l’officine avant l’ouverture », explique le DSI de la coopérative, Rodolphe Sallio.

Cette promesse logistique s’appuie depuis quelques années sur un ERP (SAP ECC), qui gère 600 000 à 800 000 lignes de commande par semaine. Mais ce système « robuste » est aussi vieillissant.

« Notre ECC “ronronne”, il tourne bien, avec très peu d’incidents » vante Rodolphe Sallio. « Mais il ne nous permet pas d’aller vers le temps réel, l’agilité et de nouvelles expériences utilisateurs. » En résumé, l’ancien ERP fonctionne, mais il atteint ses limites, en particulier pour exposer ses données et interagir avec d’autres outils.

Une migration Brownfield

Une décision a donc été prise en novembre 2024. GIPHAR changera d’ERP et prendra une dose de SAP, mais de S/4 cette fois. Plus exactement, S/4HANA Private Cloud Edition, dans le cadre du programme RISE, avec un hébergement sur Google Cloud.

GIPHAR a par ailleurs choisi une migration Brownfield. « L’objectif était de faire une conversion technique, sans toucher à nos processus. En tout cas pas dans un premier temps », explique Alexis Dolci, directeur Business Solutions de la coopérative. « Dans un deuxième temps, nous lancerons un autre projet, par métier, où nous mettrons en œuvre toutes les fonctionnalités [de S/4] pour digitaliser et transformer nos processus ».

Le Brownfield a été favorisé par le fait que GIPHAR n’a pas développé (ou très peu) de spécifiques. Mieux, plusieurs mois avant la migration, l’équipe IT a poussé pour revenir le plus possible « au standard ».

La bascule vers S/4 ne se contentera cependant pas de reproduire l’existant IT. « C’est un enabler », résume Alexis Dolci. Le nouvel ERP doit devenir « la fondation » d’une nouvelle architecture data, renchérit son DSI. « S/4 doit devenir l’endroit où nous stockons nos données et où l’on gère “les master data” ».

GIPHAR en a profité pour nettoyer son historique. « Nous avions énormément d’enregistrements dans ECC. L’archivage n’avait pas été fait, », concède Alexis Dolci. « Le faire optimise notre empreinte carbone, notre coût de migration et cela va nous permettre d’optimiser les opérations de conversion le jour du go live » prévu pour dans 10 mois.

Quant à la volumétrie du projet, elle avoisine les 2 To de données avec des tables qui dépassent le 2 milliards d’enregistrements sur 10 ans.

Ouvrir les données SAP

L’architecture IT actuelle de GIPHAR se compose d’un portail de commandes pour les officines, développé avec Intershop (baptisé « Je Commande »), d’un WMS (Reflex), d’un CRM (Efficy), d’un SIRH (ADP) et d’une brique data, elle-même composée de Talend, Snowflake, Tableau et Power BI.

Pourquoi repenser cette architecture ? Pour ouvrir la donnée SAP, répondent de concert les deux responsables.

« Aujourd’hui, on duplique les données », confie le DSI. « Demain, SAP sera un socle data, et nous saurons exposer cette donnée. SAP devra être notre système source ».

Les interfaces entre les éléments du SI seraient également complexes. S/4 doit simplifier cette interconnexion. « L’objectif est de réduire le time-to-market des projets digitaux », ajoute Alexis Dolci.

Objectif temps réel

« Il y a 10 ans, ce n’était pas grave de ne pas avoir le stock en temps réel […]. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. »
Rodolphe SallioDSI de GIPHAR

Un autre objectif affiché est de passer au temps réel. « C’est devenu indispensable dans un environnement “rupturiste” », justifie Rodolphe Sallio. « Il y a 10 ans, ce n’était pas grave de ne pas avoir le stock en temps réel […] Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Je ne peux pas dire à un de nos pharmaciens, “désolé, tu n’auras pas le médicament pour ton patient”. »

Côté ROI, le premier objectif de la migration vers S/4 reste la continuité de service. « Notre KPI numéro un, c’est de livrer les pharmaciens comme avant, et dès le premier jour », insiste Rodolphe Sallio. Des gains sont aussi attendus pour améliorer la performance opérationnelle du système et la réduction des tickets (SAV, supply chain, etc.).

Vers une nouvelle application mobile pour les pharmaciens

D’un point de vue technique, le but sera donc de faciliter l’interopérabilité avec d’autres outils – en premier lieu le portail de e-commerce pour les pharmaciens (déjà interfacé au travers d’un bus) et demain avec d’autres solutions. Plus largement, cette transformation doit permettre de créer de nouvelles applications mobiles ou web, en s’appuyant sur un SI déjà conteneurisé et demain « APIfié », et sur des services comme SAP Datasphere et SAP BTP.

« L’application est une demande des pharmaciens », assure le DSI de GIPHAR. « Par exemple un transport peut, la nuit, avoir un accident. L’idée, c’est d’avoir un système – par SMS, par mail, par notification dans une application – qui transmette l’information au groupe de pharmaciens liés à une tournée, ou liés à un entrepôt. Ou de manière plus générale, à tous les pharmaciens s’il y a une rupture d’un produit », illustre-t-il.

Un cloud privé compatible avec la réglementation

Alors qu’une migration vers S/4 est parfois présentée comme un « big bang » (une migration totale plutôt qu’un upgrade), le choix de GIPHAR de rester chez SAP semble s’être imposé de lui-même. « Changer de fournisseur d’ERP aurait été un tout autre type de projet. Là, la reprise de données reste relativement “simple” », assure Rodolphe Sallio. « On passe d’un modèle SAP à un autre modèle SAP ».

Côté infrastructure, l’hébergement sur Google Cloud aurait lui aussi été une évidence.

D’une part, GCP serait le seul à permettre l’hébergement de la totalité des besoins de la coopérative, dont celui de SAP et Reflex (son WMS).

Photo de la plateforme logisitique de Giphar à Dijon
La Pplateforme logisitique de GIPHAR à Dijon

D’autre part, la relation avec l’hyperscaler aurait été bonne. Très bonne, même. « Chez tous les fournisseurs de cloud, il y a des technologies innovantes : conteneurs, bases de données, serverless, etc. Mais l’accompagnement est très important », insiste Rodolphe Sallio. Or GIPHAR reste une « petite » organisation : 550 collaborateurs et une DSI de 50 personnes. « Ce n’est rien pour un Google, un AWS ou un Microsoft. Eh bien, Google a quand même mis une énergie dingue pour nous accompagner, dans une logique de partenariat », se réjouit le DSI. « C’est le seul. »

La coopérative a opté pour la « private edition » pour pouvoir garder la main sur ses cycles de mise à jour et conserver certaines spécificités. Un impératif dans un secteur réglementé. « Nous sommes dans l’univers pharmaceutique. Le moindre spécifique doit être validé. Notre système doit être audité et certifié », rappelle Alexis Dolci. D’où la nécessité de valider les mises à jour de manière plus granulaire que ce que permet le cloud public.

Ce sont ces mêmes exigences réglementaires qui ont fait prendre l’option DRP (Disaster Recovery Plan, le PRA) à la coopérative.

Un accompagnement au changement anticipé

La migration changera le travail quotidien d’environ 150 personnes chez GIPHAR : les ex-utilisateurs d’ECC et futurs de S/4. Pour eux, la coopérative a anticipé un accompagnement sous plusieurs formes.

« Dans un premier temps, nous leur avons expliqué les raisons du projet, il faut donner du sens », raconte Alexis Dolci. Puis GIPHAR a mis en place des programmes de formation, des sessions et des webinaires – comme certaines UI Fiori ou la logique de « Business Partners » de S/4 qui remplace les notions de « clients » ou de « fournisseurs », précise le directeur Business Solution.

« Nous avons créé une communauté de key users », ajoute-t-il. Une page dédiée sous SharePoint a également été créée sur l’intranet. « On y trouve tout ce qu’il faut savoir sur le projet comme l’équipe projet, les points de contact, le planning, le rôle des key users ou les actualités » liste le responsable.

Enfin, le service communication de la coopérative a créé une identité visuelle pour le projet de migration, avec un nom « Alto », un logo, et un slogan pour « inclure et embarquer tout le monde ».

L’IA en ligne de mire

La coopérative réfléchit également à plusieurs cas d’usage dans l’intelligence artificielle.

Elle déploie un chatbot client pour aider le service client et elle envisage l’analyse automatique des comptes rendus de ses commerciaux (avec l’IA générative).

Des algorithmes de recommandation, enrichis de données exogènes (épidémies, météo), pourraient aussi renforcer les capacités prédictives du portail « Je commande ». Ces recommandations pourraient aider les pharmaciens à développer leur activité, par exemple en proposant des produits pour aider le patient.

Comme les pharmaciens sont, aussi, des décideurs dans la coopérative. Ils auront leurs mots à dire sur ces chemins vers l’IA.

« Avec quels partenaires ferons-nous cela ? Ce n’est pas encore défini. Nous voyons nos pharmaciens une fois par mois. Et douze d’entre eux sont volontaires pour participer aux projets IT », chiffre Rodolphe Sallio. « On verra tout cela avec eux ».

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