« Keep it Simple » : l’USF interpelle SAP sur la complexité de ses offres

Confrontés à la nécessité d’adopter l’ERP cloud de l’éditeur allemand, les clients francophones se heurtent à la complexité de ses offres avant même d’aborder la mise en œuvre technique. Et ce malgré Rise With SAP.

Lors du deuxième jour de la convention des Utilisateurs francophones de SAP, son président, Gianmaria Perancin, a fait part des doléances de la communauté de clients qu’il représente. Une habitude bien ancrée pour l’association qui a fêté cette année son trente-cinquième anniversaire.

Les enjeux sont récurrents. Bien que SAP annonce plus de 11 000 clients pour son ERP cloud, dont 200 entreprises françaises, la majorité des organisations n’ont pas complètement sauté le pas, juge l’USF. 

Simplifier les contrats et les migrations

« Nous sommes passés en quelques années d’un modèle on premise structuré, solide, ouvert aux spécifiques certes, mais un peu rigide à un environnement cloud, si possible SaaS, où l’innovation est constante, mais dont les contours – les modalités d’application, les offres, le licencing – paraissent parfois encore un petit peu flous », constate Gianmaria Perancin.

« Lors du dernier SAPPHIRE à Madrid, j’ai entendu Christian Klein, PDG de SAP, annoncer une ambition forte : faire du passage au tout cloud une transformation plus simple, plus efficace et moins coûteuse. Je veux que cette promesse soit réalisée », ajoute-t-il.

Pour les adhérents de l’USF, la migration vers le cloud doit s’inscrire dans « un projet maîtrisé, cohérent et porteur de valeurs pour les métiers ». Pas question de céder au marketing.

« Clarté, visibilité et stabilité » sont les maîtres mots pour le président de l’USF et du SUGEN.

En commençant par l’aspect contractuel. « Nous perdons, à notre sens, beaucoup de temps sur les sujets de “price list”, temps que nous ne passons pas sur les projets, sur l’innovation. S’il vous plaît, SAP, “Keep it Simple” », lance Gianmaria Perancin, en référence à la lettre S de S/4HANA, qui signifie simple.

Les utilisateurs veulent participer davantage à la feuille de route de SAP

Les spécifiques seront de moins en moins nombreux. Idéalement, le « standard » doit répondre aux besoins des métiers et de l’IT. Pour ces deux raisons, les membres de l’USF aimeraient être impliqués en amont du lancement des offres et des fonctionnalités.

« Je sais qu’il y a une question de confidentialité, mais nous saurions le faire », affirme-t-il, lors d’une conférence de presse à l’adresse d’Olivier Nollent et Véronique Hangard, Chief Business Officer chez SAP France.

Les spécifiques ne devront représenter qu’une petite part des déploiements SAP. En ce sens, Véronique Hangard rappelle que les partenaires de l’éditeur s’appuient sur la BTP et d’autres outils pour aider les clients à les porter.

Mais certaines solutions verticalisées proposées par SAP ont été codéveloppées par des clients.  

« C’est une voie qui pour l’USF reste encore à explorer et éventuellement à développer davantage », commente Gianmaria Perancin. « Je sais qu’il y a des demandes de nos adhérents en ce sens ».

 De même, il a rappelé la nécessité pour l’USF d’obtenir l’aide de SAP afin de mieux comprendre les services permettant d’accélérer la transition vers le cloud et « construire des cas réalistes et fiables ». Ces échanges servent ensuite à informer les adhérents de l’USF.  

Puis, vient l’un des sujets phares de la convention de cette année : faire face à la transformation nécessaire des centres de compétences SAP. « Ce besoin, nous le voyons arriver depuis au moins deux ans. Aujourd’hui, il est là », souligne Gianmaria Perancin.

« Nous manquons de profils formés aux nouvelles architectures, à l’automatisation, à l’intelligence artificielle, à la BTP », liste-t-il. « Passer de l’ABAP au low-code/no-code, des aspects de pur développement à la gestion de paysage de développement hybride, de la simple livraison d’applications à la notion de planification de capacités et de gestion de contrats associé au cloud, vous le comprendrez, ce n’est pas si simple ».

« Nous considérons que nous sommes au milieu du quai : nous avons besoin de temps, d’outils, et surtout de cohérence dans le plan de transformation éditeur – partenaire – entreprise », évoque-t-il.

Ce sujet fait l’objet d’une note de perspectives présentées lors de la convention. LeMagIT y reviendra plus longuement dans un prochain article.

USF-SAP France : des échanges plus apaisés

Il y a une bonne nouvelle tout de même. Les relations entre la branche française de l’éditeur allemand et l’USF sont en cours de « reconstruction ». Olivier Nollent est à la tête de SAP France depuis 2022. En revanche, Orlando Appell, Chief Business Officer, tient désormais ce rôle au niveau EMEA. Véronique Hangard l’a remplacé à ce poste en France à partir du mois de décembre 2024.

« Après plusieurs mois de changements dans nos équipes, nous sommes en train de reconstruire une relation de confiance, que nous voulons durable, basée sur l’écoute, la transparence et la coconstruction », affirme Gianmaria Perancin. Un travail qu’il invite à poursuivre.

Et de paraphraser Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur intervenu la veille lors de la convention de l’USF. Il invitait SAP à prendre en compte l’avis de ses « stakeholders », ses parties prenantes au sens large, dont ses clients. Un message qui ne serait pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

« Nous souhaitons poursuivre ce dialogue constructif, fondé sur la confiance et de plus en plus sur la co-innovation », a approuvé Olivier Nollent.

Cloud de confiance : SAP étudie les possibilités pour pallier le retard de Bleu

En la matière, Gianmaria Perancin a souhaité revenir sur deux sujets d’actualités. Le président de l’USF a rappelé l’enthousiasme de l’association après les annonces d’investissement de SAP dans les offres de cloud souverain.

La communication de l’éditeur allemand était jusqu’alors timide et prudente.

« Pour autant, il y a beaucoup d’utilisateurs qui ont besoin d’une offre qualifiée SecNumCloud 3.2. À l’USF, nous estimons que cela concerne au moins 15 % de nos adhérents. Nous avons compris qu’il y avait des discussions avec plusieurs acteurs. Nous nous mettons à votre disposition », déclare-t-il.

« Nous avons prévu 20 milliards d’euros d’investissement dans le cloud souverain en Europe. C’est en partie pour adapter nos solutions existantes aux exigences du cloud souverain, mais aussi investir dans des infrastructures supplémentaires », déclare Véronique Hangard, sur scène. « En France, la qualification SecNumCloud est un peu plus complexe, donc cela nous prend un peu plus de temps. En revanche, je peux vous garantir que nous travaillons tous les jours pour vous proposer une solution qualifiée SecNumCloud dès que possible ».

L’année dernière, Olivier Nollent avait évoqué lors de la convention de l’USF « l’intention » de SAP d’héberger S/4HANA sur Bleu, la future offre de cloud de confiance poussée par Capgemini, Orange et Microsoft. C’était la solution la plus pratique pour l’éditeur. SAP a bâti son offre de cloud souverain spécifique à l’administration allemande sur les technologies Azure (Delos Cloud).

Or, comme La Lettre l’a rapporté en début d’année, Bleu accuse « des retards à l’allumage ».

« Nous déplorons le retard. Ce n’est pas un problème d’engagement de la part de SAP », insiste Olivier Nollent, lors de la conférence de presse.  

Depuis, S3NS, issu de la joint-venture entre Google et Thales, gagne en traction. Le fournisseur est en bonne voie pour obtenir sa qualification d’ici au début de l’année prochaine

« La France est un pays prioritaire en matière d’investissement dans le cloud souverain. Aujourd’hui, nous étudions toutes les possibilités », a déclaré Olivier Nollent qui n’a pas confirmé si S/4HANA cloud arrivait sur S3NS.

Toutes les possibilités dans le cadre de RISE with SAP. Contractuellement, l’éditeur doit pouvoir assurer lui-même la maintenance, le support et les mises à jour. « Nous sommes in fine responsables des SLA », rappelle le PDG de SAP France. Cela éliminerait certaines options déjà dotées du précieux sésame.

« Nous pouvons aussi présenter certaines propositions auprès de SAP, mais à l’éditeur de faire son choix », ajoute Gianmaria Perancin. L’USF envisage de créer une commission cloud souverain afin de décortiquer les offres quand elles seront disponibles dans les zones francophones (ces questions se posent aussi en Belgique et en Suisse). L’association est également attentive au surcoût que pourraient représenter de telles offres.

ECC risque de survivre à la fin du support en 2030

Concernant le sujet épineux de l’enquête entamée par la Commission européenne sur les pratiques de l’éditeur en matière de maintenance et de support des ERP sur site. Le président affirme que l’USF « n’est pas inquiète » sur son issue.

Elle est toutefois l’occasion d’une clarification pour les adhérents, répète Gianmaria Perancin. L’USF estime que la maintenance et le support des systèmes SAP sur site « restent un élément important » des dépenses IT de ses membres dans les 4 à 7 ans à venir. « Si vous faites les comptes, cela risque d’être vrai au-delà de 2030 », souligne-t-il. 2030 étant la date de fin du support étendu d’ECC.

SAP a bien proposé une offre d’extension de ce support, mais Gianmaria Perancin juge les conditions contractuelles et techniques « trop contraignantes pour pouvoir l’adopter ».

« C’est un problème que j’ai signalé à SAP en septembre. Maintenant, il faut que nous travaillions avec l’éditeur afin de proposer des réponses », déclare-t-il en revêtant sa casquette de président du SUGEN. « Je ne dis pas qu’il faut prolonger la maintenance [d’ECC]. Je crains qu’en 2030, tout le monde ne soit pas passé sur S/4HANA. Et je ne parle pas de S/4HANA cloud, mais de S/4 ». La fin du support de S/4HANA est prévue en 2040.

Ces dernières années, les coûts de maintenance de l’ERP ont augmenté. Dans un même temps, cela fait deux ans de suite que SAP prône l’innovation liée à l’IA générative lors de la convention de l’USF. « Nous sommes convaincus que nos adhérents préfèrent payer pour des investissements avec SAP dans l’innovation plutôt que pour la maintenance », souligne-t-il.

En 2023, le président de l’USF considérait qu’il était encore trop tôt pour évoquer les sujets liés à la GenAI. La commission IA créée en 2025 par l’USF a déjà réuni plus de 300 personnes. L’éditeur observe un engouement similaire.

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