« Oui, nous continuerons à mettre de l’innovation à disposition de notre base On-Prem » (SAP France)

Le COO de SAP France, Orlando Appell veut rassurer les clients historiques « sur site » échaudés par les annonces de l’éditeur. Innovation sur site, SaaS, Green Ledger, IA générative, RISE. Autant de sujets clarifiés dans cet entretien, où le COO justifie également la stratégie de SAP.

En annonçant que certaines innovations – dont l’IA générative et le Green Ledger – seraient réservées aux versions cloud de S/4, SAP a suscité des inquiétudes chez certains de ses clients. Dans un échange avec LeMagIT, Orlando Appell, COO de SAP France, justifie cette stratégie et souhaite de rassurer ses clients historiques.

Innovation cloud

Tout d’abord, le COO insiste. Il y aura encore de l’innovation dans les versions sur site. « Sur l’On-Premise, c’est surtout le rythme de l’innovation qui est différent », explique-t-il. Il n’en reste pas moins, que certaines innovations ne seront pas accessibles On Prem, « car impossible à mettre en œuvre technologiquement ».

C’est le cas d’une partie de l’intelligence artificielle. « Et cela se comprend très bien : réentraîner un moteur d’Intelligence artificielle et mettre à jour son ERP tous les six mois serait aberrant. Nos clients, dans le meilleur des cas, mettent à jour leurs instances On-Premise tous les deux ans ».

Mais, ajoute-t-il, « il convient de ne pas oublier qu’au-delà de l’IA Générative, SAP a développé depuis de nombreuses années dans l’ensemble de ses offres, quel que soit leur mode de consommation On Premise ou cloud, un nombre important de fonctionnalités d’IA (comme le rapprochement automatisé de factures, forecast prédictif) qui sont accessibles à l’ensemble de ses clients ».

Les choses sont donc claires. Pas d’IA générative sur site pour des raisons techniques. Mais le Green Ledger sera-t-il accessible sur site ? « La réponse est à la fois non et oui indirectement ».

« Ce ne sera pas directement accessible On-Premise, mais indirectement une instance RISE sera capable de collecter et fédérer les informations d’instances On-Premise », précise le COO.

Ici, bien que l’on puisse penser qu’il s’agisse d’une stratégie commerciale qui expliquerait cette exclusivité cloud, Orlando Appell l’explique aussi par « la flexibilité que l’on souhaite avoir en fonction des normes européennes et mondiales – qui vont beaucoup fluctuer et évoluer – ce qui fait que SAP préfère le positionner dans un environnement d’ajustabilité beaucoup plus agile ».

Innovation sur site

Sans Gen AI et sans ESG, que reste-t-il dans « l’innovation » sur site ?

« L’innovation fonctionnelle. C’est quand même le sujet au cœur de nos métiers et de nos 25 industries ! », répond le responsable de SAP France. « On ne se départit pas du tout de l’innovation fonctionnelle [on-prem] », insiste-t-il. « Elle va continuer à être alimentée, avec un rythme moins soutenu, car comme je le disais, le rythme des mises à jour On-Premise est différent de celui du monde cloud [N.D.R. : SaaS] ».

« Et bien sûr que oui, nous allons continuer à mettre de l’innovation à disposition de notre base installée On-Premise », martèle-t-il. « Bien sûr que oui, nos clients auront accès aux fonctionnalités dont ils ont besoin ».

La polémique peut paraître d’autant plus « exagérée » à SAP, qu’il est l’un des derniers à proposer du « sur site ». Pour reprendre la réponse de Christian Klein au MagIT, lors d’un échange autour des résultats financiers 2023 de SAP : « essayez donc de demander à nos concurrents de vous vendre un ERP on-prem ! ».

« Nous sommes quand même un des rares éditeurs à maintenir un logiciel ERP jusqu’à 2040 […] On se projette dans le temps. On n’impose pas de timing démesuré. […] SAP s’engage à livrer ces innovations On-Premise en plus du réglementaire et du statutaire qui sont des obligations ».

Et pour cause, continue Orlando Appell, la chaîne de développement de S/4 est basée sur S/4HANA Private Cloud. « Puis, de manière rétroactive, nous mettons à disposition l’innovation fonctionnelle sur nos versions on-prem [avec un] rythme plus lent [lié aux] versions de cette gamme de produits. Mais c’est le même produit. Il est juste accompagné de services différents », résume-t-il.

« La seule bifurcation, c’est S/4 Public Cloud, où on recompile certaines transactions pour les limiter en capacité – le but étant ne pas faire effondrer les performances à cause des demandes d’un client dans un environnement multitenant. C’est un ajustement. Mais c’est bien la même ligne de développement qui alimente ces trois versions. ».

SAP France assure néanmoins que depuis trois ans, aucun nouveau client n’aurait fait le choix de démarrer son usage d’ERP SAP en On-Premise.

SaaS SAP = RISE

Autre clarification : désormais, le SaaS, chez SAP, c’est Rise. Et rien d’autre.

« Il faut que l’on parle de la même chose. Un client qui va dans le “cloud” en disant “j’ai mes licences, et je les héberge chez un hyperscaler ou par exemple chez OVH”, dans ma lecture d’éditeur, cela s’assimile à du On-Premise », tranche Orlando Appell. « C’est comme s’il faisait tourner ses licences sur son data center. […] Le client continue à gérer sa production avec ses propres équipes ou ses sous-traitants. Pour SAP ce n’est pas du cloud, puisque nous avons seulement vendu une licence et pas de services cloud. »

À l’inverse, « si j’achète chez SAP un service ERP privé ou public dans le cloud, j’ai accès à tous les éléments d’innovation, y compris l’IA ou le Green Ledger, moyennant l’achat des options correspondantes ».

La version S/4 Private Cloud Edition bénéficiera donc bien, elle aussi, du même régime d’innovations. Toujours à la même condition, de passer par RISE. « Dans un Private Cloud acheté auprès de SAP, vous avez, comme pour l’édition Public Cloud : le run avec tous les services associés à la gestion de sécurité par exemple, la location de la licence et l’accès à l’innovation ».

Idem pour les offres RISE with SAP Customer Data Center option (HPE Greenlake, Dell APEX, Lenovo Truscale) qui bénéficieront, elles aussi, des innovations SaaS. « modulo l’option RISE Premium achetée », ajoute Orlando Appell. Qui confirme au passage que l’IA Générative ou le Green Ledger implique d’avoir une licence RISE et des crédits d’IA (AI Unit) additionnels. Seule L’option RISE Premium+ intègre dès le départ une première enveloppe de crédits d’IA.

Pour les entreprises qui ont HANA Enterprise Cloud (HEC) – qui existait avant RISE, et qui était une offre cloud, mais avec moins de services intégrés –, SAP demande aux clients s’ils veulent continuer avec le même niveau de service, ou passer à RISE « avec des prix positivement différents ». S’ils restent sur HEC, ils n’auront en revanche pas accès à l’IA et au Green Ledger.

« Comme le prix de RISE est généralement plus optimisé que l’offre HEC, la question ne se pose pas souvent. L’équation est assez évidente. La bascule de HEC vers RISE a du sens économiquement. Vous pouvez acheter plus de services pour moins cher. Cela peut paraître caricatural, mais je vous assure que c’est souvent cela ». Le COO ajoute qu’il s’agit « d’une évolution plus contractuelle que technique. L’instance de production reste la même. »

Mode hybride (cloud first, mais pas cloud only)

Le Green Ledger – en SaaS dans RISE donc – pourra cependant s’interconnecter avec des systèmes sur site « pour collecter l’information dans un Green Ledger centralisé ».

Plus largement, le COO le répète pour faire passer son message : « on ne se déconnecte pas de la vie de nos clients On-Premise » qui, souligne-t-il, pourront garder leurs existants (SAP et autres) et prendre en complément une licence RISE pour accéder au Green Ledger ou à l’IA Générative via une instance cloud, dans un mode « d’hybridation ».

« Je peux mettre une Gen AI à tourner sur un landscape SAP, du moment que j’ai une licence RISE et que je sais l’interconnecter avec ce que vous avez on-premise », résume-t-il. Ce qui reviendrait à acheter un service cloud indépendant.

« Il ne s’agit pas de se dire que l’on ne s’en sortira pas si l’on ne passe pas au cloud. Un client peut faire de l’hybride, il peut aussi y aller en deux temps. La réalité opérationnelle est beaucoup plus nuancée que ce que l’on dit. Quand Christian Klein fait un lancement d’année, il est normal qu’il positionne la valeur du cloud avec ce qu’elle peut apporter comme innovation dynamique. Mais il l’a bien dit aussi : “No customer left behind” ! »

Quant à la BTP (Business Technology Platform), elle peut également entrer dans une hybridation cloud/sur site. « On peut parfaitement acheter un service BTP – ou une plateforme BTP – si on a une architecture full On-Premise ». Il est donc possible de connecter la BTP à un ECC, y compris sans avoir de licence RISE. « C’est même l’idée d’origine du produit : compléter le “sur site” ».

L’idée de BTP est aussi de compléter S/4 pour garder le plus possible un « clean core » et mettre les spécifiques en dehors de ce cœur de l’ERP. « Donc on continuera à garder BTP comme un outil indépendant de l’achat de l’ERP, cloud ou sur site », disponible dans RISE et hors RISE.

Conclusion : « On peut choisir de continuer On Premise en connaissance de cause, et migrer progressivement les briques nécessaires dans le cloud [ou d’aller vers un modèle hybride]. L’enjeu pour les entreprises est bien plutôt autour de leur agilité digitale, que seul le cloud permet d’apporter dans un contexte de normes et technologies changeant très rapidement. »

Pas de GenAI sur site

Restait un dernier point technique à éclaircir avec le COO. Certes, une IA générative de type ChatGPT est adaptée au cloud. Mais il existe des alternatives déployables sur site – comme le Français LightOn ou l’Allemand Aleph Alpha (dans lequel SAP a investi).

SAP pourrait-il envisager une option B pour la Gen AI ? « Aujourd’hui, nous ne communiquons pas sur nos moteurs d’IA », rétorque poliment Orlando Appell. « Nous ne les rendons ni transparents ni visibles ».

Mais la réponse est : non. « En tant qu’éditeur, nous nous laissons la possibilité d’optimiser et de changer de moteurs. [Et] nous avons une multitude de moteurs d’IA générative qui dépendent de solutions cloud. [Le déploiement sur site] ne serait pas une réponse en soi, car nous devrions dupliquer les initiatives avec une multitude d’opérateurs, ce qui n’est pas viable. La vente de licence et le déploiement de ces solutions d’IA sur site impliqueraient de les mettre à jour régulièrement, ou du moins les adapter de manière régulière. De plus, SAP pourrait décider de changer complètement un de ses moteurs d’inférence dans le cloud, ce qui impliquerait une réinstallation complète chez le client. Cela rendrait les choses beaucoup plus complexes à gérer. C’est le principal frein que SAP constate. C’est notre vision, elle nous semble réelle et pragmatique », détaille-t-il.

« Bien sûr que technologiquement [une Gen AI sur site] est tout à fait possible », admet le COO, « mais cela générerait une surcharge de travail telle que SAP se verrait accusé d’être en incapacité de gérer son IA. Le marché nous demande au contraire une agilité, une rapidité de déploiement – d’où les stratégies clean core et cloud – et de lui donner accès à une forme d’innovation plus facilement consommable », assure-t-il pour justifier les décisions de SAP.

Les clients historiques seront-ils rassurés et sensibles à ces arguments ? À suivre…

Article mis à jour le 14 février 2023, avec des précisions fournies par SAP concernant la possibilité d’acquérir des crédits d’IA pour accéder aux fonctions d’IA générative et Green Ledger, en sus de l’abonnement RISE Base et RISE Premium. RISE Premium Plus inclut par défaut une enveloppe fixe de crédits d’IA. 

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