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MuleSoft veut orchestrer et gouverner des réseaux d’agents IA
La filiale de Salesforce lance une solution pour établir des ponts entre Agentforce et le reste du monde. Mais piloter et gouverner des réseaux d’agents IA.
Les agents IA sont promis à proliférer au sein des organisations. Et les éditeurs de plateforme SaaS, chacun de leur côté, de proposer des outils pour les bâtir. Problème, ces agents IA doivent maintenant communiquer.
MuleSoft, une filiale de Salesforce, ramène ces enjeux à une activité qu’elle connaît bien : l’intégration.
D’où le lancement de Mulesoft Agent Fabric (MAF pour les intimes). Cette solution rassemble quatre briques principales, dont la disponibilité générale est prévue en octobre 2025. Il y a d’abord Agent Registry, accessible en version bêta. Sous le vernis, l’éditeur ne le cache, pas il s’agit ni plus ni moins qu’Anypoint Exchange.
C’est une variante du portail d’API capable de lister les serveurs MCP (Model Context Protocol), les agents IA et les éléments connexes à un projet agentique.
Agent Broker, lui, cache un LLM chargé de router les requêtes vers les bons agents IA capables d’effectuer la tâche demandée. Les entreprises peuvent sélectionner le modèle de raisonnement de leur choix pour opérer ce routage.
Agent Visualizer est un outil qui, comme son nom l’indique, permet de visualiser les agents, leurs relations entre eux, avec les serveurs MCP et les SI en place.
Enfin, Agent Governance n’est autre que l’évolution de Flex Gateway. La passerelle API, garde-fous des LLM, est désormais capable de prendre en charge les protocoles MCP et A2A (Agent2Agent).
« Ce n’est pas un renommage », insiste Lila Dorato, directrice senior Solution Engineer MuleSoft chez Salesforce. « Nous sommes dans la continuité des choses. […] Fondamentalement, les socles techniques n’ont pas changé, avec l’IA agentique, le périmètre s’est élargi ».
MuleSoft « fait évoluer sa plateforme pour permettre la création, la gouvernance, l’observabilité des agents IA au sein de l’écosystème Salesforce et au-delà », ajoute-t-elle.
Agent Broker, l’une des fonctionnalités clés de MuleSoft Agent Fabric
Oui, MuleSoft Agent Fabric permet de créer des agents IA. Mais ce n’est pas sa fonctionnalité principale, selon Kiet Yap, architecte client stratégique distingué chez Salesforce.
« Nous nous apercevons que chez les clients il y a une panoplie d’outil en matière de création d’agents IA », déclare-t-il. « La bataille ne joue pas nécessairement dans la création des agents ou des serveurs MCP. Bien sûr, nous proposons de le faire depuis la MAF. Les interactions avec Agentforce de Salesforce, pour se connecter à des agents spécialisés dans le domaine du CRM, sont de mises. Mais il faudra travailler avec les autres ».
Lila Dorato illustre ce mécanisme par un processus d’onboarding d’un nouveau collaborateur. « Il faut créer le badge, commander son ordinateur, lui ajouter des accès aux logiciels dont il a besoin avec la bonne gestion des rôles et des accès, etc. », liste la directrice. Ce processus peut faire intervenir des agents IA développés dans les plateformes de Workday, Zendesk, ServiceNow, Salesforce ou encore SAP. « Ces agents IA peuvent être créés de toutes pièces dans MAF pour répondre à un besoin spécifique, mais nous continuons d’assurer l’interaction entre des systèmes hétérogènes ».
C’est le rôle de l’agent Broker.
« Nous voulons cette ouverture pour que les clients puissent, quelque part, créer un chef d’équipe par rapport à une mission. Et de décider quels sont les agents et les outils MCP que ce chef d’équipe peut manipuler », image Kiet Yap.
Ce routeur n’agit pas de manière autonome. Avant cela, il faut qu’il ait accès aux outils et agents catalogués dans le registre Anypoint Exchange. Ces actifs « agentiques » sont également déployés à travers CloudHub 2.0 ou Runtime Fabric (en disponibilité limitée), qui héberge la Flex Gateway.
Le broker doit être configuré à l’aide d’instructions.
Une fois cela fait, un broker peut être utilisé par un autre broker qui a lui-même accès à ses propres agents et ses serveurs MCP suivant son domaine d’activité. Les brokers sont aussi listés dans le registre Anypoint Exchange.
Orchestrer des réseaux d’agents IA
Les relations entre les agents, les serveurs MCP et les brokers utilisés dans un domaine peuvent être définies dans un réseau d’agents. Ce réseau est configuré à travers un fichier YAML que MuleSoft propose de concevoir à l’aide d’Anypoint Code Builder ou de son Dev Agent. Si des agents IA issus de domaines différents interagissent, ils dépendent de réseaux différents. Le fichier YAML permet de configurer les liaisons entre ces « réseaux d’agents » internes et externes.
MuleSoft considère que l’usage de cette syntaxe permet de simplifier la réutilisation de ces flux multiagents. Le Visualizer cartographie l’ensemble des réseaux, leur rôle, les liens avec les systèmes sous-jacents et le ou les LLM qui les propulsent.
La Flex Gateway (basée sur Envoy) fait le lien avec les agents externes. Elle permet de guider le comportement des agents IA et d’empêcher la transmission de certaines données sensibles, comme des mots de passe ou des numéros de sécurité sociale. Bien configurée, elle « réduit les hallucinations », selon Kiet Yap. Il est également possible d’ajouter des règles de gouvernance à travers le fichier YAML qui définit un réseau d’agents.
Mais la passerelle a un autre rôle : collecter les logs, les traces et les métriques au sein des réseaux d’agents. Ces données de supervision et d’audit peuvent être retrouvées dans Anypoint Monitoring.
Pour l’instant, les réseaux d’agents sont uniquement compatibles avec les API d’Azure OpenAI et d’OpenAI. Les LLM doivent être capables de fournir une réponse structurée dans un fichier JSON.
Faire avec des protocoles balbutiants
Agent Fabric prend en charge la version 0.3 d’A2A, mais pas les fonctionnalités d’historicisation des tâches, de configuration des notifications Push et de Streaming du protocole. « A2A est un protocole aussi jeune que MCP, mais qui est conceptuellement plus complexe », analyse Kiet Yap.
À l’inverse, MCP peut être considéré comme le « système nerveux qui manque au LLM pour mettre en action ses plans », comprend l’architecte. « MCP a permis de combler ce fossé très rapidement. Le souci, c’est la sécurité très limitée dans la mesure où le protocole ne formalise pas complètement la notion de propagation d’identités », nuance-t-il.
La Flex Gateway permet d’appliquer des logiques de moindre privilège et jouer de la jonction de l’authentifiant d’un utilisateur avec des autorisations pour exécuter les LLM, les agents IA et les outils MCP. Reste que de nouveaux types de menaces apparaissent qu’il faudra prendre en compte.
Salesforce croit proposer là une solution qui se distingue d’AI Control Tower et d’AI Agent Fabric de ServiceNow. De fait, avec Agent Fabric, l’acteur concurrent ne prend pas encore en charge A2A et se limite pour l’instant à la prise en charge des serveurs MCP distants. La gouvernance des agents IA est séparée de l’orchestration multiflux.
Les capacités de Flex Gateway ressemblent à celles offertes par Solo.io à travers le projet open source Agentgateway, également compatible avec A2A et MCP. Agentgateway permet aussi d’appliquer des règles de sécurité de configuration réseau.
L’automatisation traditionnelle conserve sa place
Reste une grande inconnue. Kiet Yap et Lila Dorato n’ont pas su renseigner le prix de la solution. Une chose est sûre : MuleSoft continuera de proposer ses outils et processus d’intégration aux clients. « Certains processus sont très déterministes. Il n’est donc pas nécessaire d’impliquer des agents IA. Et dans ce cadre, nous savons estimer précisément les besoins », affirme l’architecte.
« Dans le cadre d’un appel d’offres, nous avons toujours une phase de sizing. Je pense que nous pourrons aider les clients à déterminer la meilleure solution entre l’automatisation traditionnelle et agentique », conclut Lila Dorato.