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Remplacer les juniors par l’IA, pas une bonne idée
Le cabinet de conseils Korn Ferry constate que les recrutements pour les postes débutants chutent, l’IA pouvant les remplir à moindre coût. Mais à long terme, cette stratégie pourrait être toxique pour les directions des entreprises.
Pour le cabinet de conseil international en organisation Korn Ferry, c’est un fait avéré. L’IA prend de plus en plus la place des débutants sur les postes juniors. Problème : en fermant cette porte d’entrée dans l’entreprise, l’IA tarirait aussi une source essentielle au recrutement et au développement des futurs dirigeants.
Selon un rapport Korn Ferry publié fin octobre, environ 4 entreprises sur 10 prévoiraient de remplacer des postes débutant par une IA (37 % exactement).
Une autre étude, du cabinet LHH (groupe Adecco) celle-ci, et menée auprès de 2 000 dirigeants dans 13 pays, confirme. 46 % des entreprises auraient déjà réduit leurs effectifs à cause (ou avec) l’IA.
Yale et Hellowork relativisent
Et 54 % prévoiraient d’employer moins dans les cinq prochaines années.
La société française de recrutement Hellowork nuance cependant ce constat. Elle rappelle qu’une étude de Yale (The Budget Lab) ne verrait pas de choc visible sur l’emploi global. Pour l’instant, en tout cas.
D’après la prestigieuse université américaine, les métiers évolueraient plus vite, certes, mais la tendance aurait commencé avant l’essor de l’IA générative fin 2022.
L’impact de l’IA pourrait ainsi prendre des années à se matérialiser.
Un danger pour l’avenir des talents
Quoi qu’il en soit, lorsque Korn Ferry a interrogé plus de 1 670 responsables, le cabinet a confirmé que la réduction des recrutements juniors pourrait générer des économies pour les entreprises sur 2026 et sur 2027. Mais il avertit aussi que réduire ce vivier de futurs dirigeants pourrait bien aboutir à une crise de leadership à plus long terme.
« À mesure que l’IA se déploie – et qu’elle devient un vrai collègue, et plus un simple outil – les dirigeants doivent mesurer avec précaution l’équilibre entre l’innovation et le développement de la prochaine génération de leaders », insiste Jeanne MacDonald, CEO, Recruitment Process Outsourcing chez Korn Ferry.
Pour relever ce défi et s’assurer que la mise en œuvre de l’IA est bien alignée sur les ambitions à long terme de l’entreprise, l’une des priorités serait que la direction générale communique sa vision à l’ensemble du personnel, quitte à se faire aider par les responsables RH de l’acquisition de talents, conseille Korn Ferry.
L’esprit critique toujours aussi critique
Son rapport confirme un autre point. Il y a certes une « hype IA », mais 73 % des recruteurs cherchent toujours à évaluer en priorité l’esprit critique des candidats.
Les entreprises recherchent des personnes capables d’évaluer les recommandations de l’IA, d’analyser ses résultats, de repérer les erreurs, voire de savoir quand il faut passer outre ses conclusions, liste le rapport.
Lors de son Symposium, Gartner était arrivé exactement à la même conclusion.
Former à l’IA ou laisser former à l’IA ?
Sur ce sujet, un autre rapport, de l’entreprise spécialisée dans la formation General Assembly (également du groupe Adecco), estime que les jeunes employés seraient très mal préparés à la montée en puissance de l’IA.
Les entreprises – du moins aux États-Unis et au Royaume-Uni – estimeraient de leur que se former à l’IA relèverait de la responsabilité des employés. Il n’est pas certain que la situation soit très différente en France.
Mais General Assembly prévient : si l’IA affecte de plus en plus le vivier de talents, c’est aux employeurs qu’il revient d’investir dans la formation des prochaines générations. Sans quoi, les entreprises seront bientôt confrontées à une pénurie critique de compétences.
Avec nos collègues de HR Dive (groupe Informa Techtarget dont fait partie LeMagIT)
