Alcatel Submarine Networks adopte les préceptes de l’industrie 4.0

Face à la demande croissante sur son marché, ASN a entamé une transformation numérique d’envergure, en commençant par l’activité la plus récente du groupe. Le fabricant et gestionnaire de câbles sous-marins déroule un programme dont le socle réside sur l’interconnexion de son PLM, de son ERP et de son MES.

Alcatel Submarine Networks (ASN) est une filiale française appartenant à 100 % au groupe finlandais Nokia. Sa spécialité ? Fabriquer, acheminer et installer des systèmes de câbles sous-marins intercontinentaux. « Nous partons de la R&D jusqu’à la pose et le service en mer, en passant par toutes les étapes de développement produit, de production, de vente, de chargement des navires », résume Christophe Béjina, DSI d’Alcatel Submarine Networks.

ASN revendique l’installation de plus de « 750 000 km de systèmes optiques sous-marins déployés dans le monde entier, soit assez pour faire 15 fois le tour de la terre ». L’entreprise dispose pour cela d’une flotte de sept câbliers (île de Sein, île de Batz, île de Bréhat, île d’Aix, île de Ré, île d’Ouessant, île de Molène), des navires possédés par l’armateur Louis-Dreyfus.

La société, considérée comme l’un des leaders dans son domaine, est majoritairement présente en France, au Royaume-Uni et en Norvège, mais dispose également de bureaux commerciaux en Asie et en Amérique du Nord. Elle possède deux usines. L’une se situe à Calais et est le lieu de fabrication des câbles, l’autre, à Greenwich, produit des répéteurs et des boîtiers amplificateurs.

Le DSI et ses équipes sont de plus en plus sollicités. Christope Béjina pilote l’ensemble des projets IT et de cybersécurité du groupe.

« J’ai également une forte activité liée à la transformation numérique et au déploiement de nouvelles plateformes applicatives pour digitaliser et automatiser nos opérations industrielles », déclare-t-il.

Cette transformation va de pair avec une « explosion de la demande » provoquée par les GAFAM qui sont actuellement les « plus gros clients d’ASN partout dans le monde ». « Les contrats sont de plus en plus complexes, les consortiums sont de plus en plus nombreux, les capacités et les tailles de projet augmentent », témoigne le CIO.

ASN collabore au déploiement du système 2Africa. D’une longueur de 37 000 km, 2Africa sera l’un des plus grands projets de câble sous-marin au monde et interconnectera l’Europe vers l’est, via l’Égypte, le Moyen-Orient via l’Arabie saoudite, et 21 points d’arrivée dans 16 pays d’Afrique. « Un projet énorme », commente le DSI.

Moins de papiers pour de meilleurs câbles

« Au vu de cette demande et de la complexité des projets, il a fallu déclencher assez rapidement une réelle transformation de nos processus de production », poursuit-il.

Pour ASN, cela revient à adopter les préceptes de l’industrie 4.0 en « digitalisant les ateliers ».

« Nous voulons qu’il y ait beaucoup moins de procédures papier, nous souhaitons des données et des sources de données uniques, accessibles à tous nos opérateurs et à toutes les équipes ».
Christophe BéjinaDSI, Alcatel Submarine Networks

« Nous voulons qu’il y ait beaucoup moins de procédures papier, nous souhaitons des données et des sources de données uniques, accessibles à tous nos opérateurs et à toutes les équipes », évoque Christophe Béjina.

Outre la réduction des opérations papier, ASN entend interconnecter son système de production à son SI et automatiser les procédures de fabrication afin de réduire drastiquement les procédures manuelles.

« Nous étions sur des procédures assez obsolètes basées sur des documents Word ou PDF souvent imprimés », rappelle le DSI.

« Le suivi de la production restait très fortement manuel. Les fiches de production étaient gérées à travers des saisies Excel ou sur papier. Cela rendait les processus longs, compliqués et non dénués de certains risques », poursuit-il.

ASN interconnecte sa CAO, son PLM, son ERP et son MES

ASN remet à plat cette organisation, en commençant par une ligne produit, la plus jeune, celle dédiée au secteur pétrolier.

En effet, en Norvège, ASN a acquis en 2014 une filiale énergie dont le cœur repose sur un centre de R&D installé à Trondheim.

Ce centre conçoit PRM, pour Permanent Reservoir Monitoring. Cette infrastructure de capteurs optiques doit permettre d’améliorer la découverte, la gestion et l’exploitation des nappes pétrolières en détectant les activités sismiques qui pourraient affecter l’activité des plateformes offshore.

Si le système est imaginé en Norvège, il est fabriqué à Calais et à Greenwich. Un meilleur échange de données entre les trois sites était nécessaire.

« Il fallait s’assurer de mettre en place une fonction PLM qui permet de construire une base de données agissant comme une source unique de vérité des données produits et des procédures de fabrication », indique Christophe Béjina.

Les équipes de R&D utilisaient déjà l’outil de CAO Creo de PTC. Au lieu d’extraire les données CAD, puis de les formater dans des feuilles Excel avant de les charger dans l’ERP, il s’agissait de les rendre disponibles aux opérateurs des usines le plus rapidement possible en passant par un PLM.

« Logiquement, nous avons choisi Windchill pour rassembler les données de conception dans un seul environnement. Au vu de notre ligne produits, ce PLM semblait plus avantageux que celui de Dassault Systèmes. ».

Ce choix a été effectué en 2019, alors qu’ASN terminait la phase 1 de l’installation d’un système PRM pour le compte d’Equinor, afin de surveiller l’un des plus grands gisements de pétrole norvégien, Johan Sverdup. 

Cela ne veut pas dire que le progiciel de gestion intégré disparaît de l’équation. « Il faut que l’on s’assure que les ordres de fabrication basés sur ses données PLM soient connectés avec notre ERP », souligne Christophe Béjina.

L’ERP doit contenir les données relatives aux matières premières et aux sous-éléments utilisés lors de la fabrication ainsi que leurs fournisseurs.

ASN a profité de cette occasion pour établir une feuille de route consacrée à son ERP SAP ECC6. « Nous avons révisé notre architecture d’entreprise en décidant de ce qui restait et qui sortait de l’ERP et en implémentant les nouvelles fonctions autour de l’ERP », explique Christophe Béjina. « Désormais, nous savons exactement ce que nous voulons faire et ce que nous ne voulons pas faire avec notre ERP. Cela devrait simplifier la migration ».

Le dernier maillon de cette chaîne n’est autre que le MES. « Nous souhaitions constituer une base de données fiable et mise à jour en temps réel de tous les événements, les mesures et les informations liées à la fabrication », résume le dirigeant.

Pour concevoir ce MES, ASN s’est appuyé sur la plateforme IIoT ThingWorx. « Ce n’est pas à proprement parler un MES, mais elle sert de base middleware pour notre MES et pour interconnecter cela avec notre ERP de façon à ce que l’ensemble des systèmes soient synchronisés automatiquement », présente le DSI.

Les opérateurs doivent gérer les opérations et les ordres de fabrication depuis les terminaux à leur disposition, principalement des tablettes.

Le MES contient des tableaux de bord permettant d’afficher des mesures de qualité et les événements lors du processus de fabrication. Dans un second temps, les données sont analysées à l’aide de la suite BI Tableau afin de « mettre en évidence les patterns, les renseignements, les informations plus précises sur les coûts de fabrication ».

Le DSI a considéré qu’il était plus aisé de s’appuyer sur la combinaison de Creo, de Windchill et de ThingWorx.

La prochaine étape sera d’étendre cette combinaison PLM/MES/ERP à l’ensemble des lignes de produits du groupe. Cela implique la connexion de ce triptyque IT aux systèmes OT d’ASN, en commençant par son SCADA. Ensuite, il s’agira de déployer davantage de capteurs IoT afin d’enrichir les types de données à sa disposition. Dans un même temps, le groupe compte bien exploiter des algorithmes consacrés à la maintenance prédictive de ses machines-outils.

« C’est un travail de réarchitecture complet », signale le DSI. « La première étape nous a pris trois ans de travail. Nous avons beaucoup collaboré avec les métiers afin d’orchestrer ce grand changement ».

« Là où chacun se contentait de faire des mises à jour à son niveau, sans forcément propager l’information, l’écosystème en place implique une gouvernance de données plus élaborées et structurées », continue-t-il. « L’intégration est très métier ».

Selon le responsable, il faut déterminer qui autorise la mise à jour des données, la manière de propager les opérations et sa prise en compte par les parties prenantes. Un travail de longue haleine.

5G privée et data center « souverain »

Outre le fait d’améliorer ses processus, ASN doit composer avec des contraintes en matière de sécurité, de confidentialité et de performance.

« Nous avons la nécessité d’avoir nos données confidentielles et nos plateformes critiques sur un cloud souverain, un data center situé en France qui est aujourd’hui opéré par Free Pro. Les serveurs sont isolés des autres systèmes du data center et sont opérés par des équipes françaises », indique Christophe Béjina.

Le triptyque PLM, ERP, MES est hébergé sur ce data center et est accessible depuis les usines britanniques et françaises du groupe.

De la même manière, ASN a déployé avec l’aide de Free Pro des infrastructures de 5G privée dans ses usines de Greenwich et de Calais.

« Les activités liées à l’industrie 4.0 devront s’opérer à la fois sur des réseaux sans fil pour répondre aux besoins de mobilité et de facilité des opérateurs », décrète Christophe Béjina. « Comme ce sont des opérations critiques, il faut que l’infrastructure sans fil soit robuste et hautement sécurisée ».

Le réseau sans fil privé permet aux opérateurs de connecter leurs terminaux aux systèmes d’information.

Avec Free Pro, ASN a déployé une dizaine d’antennes à Greenwich et une soixantaine à Calais, des antennes qui couvrent également les quais de chargement sur le port.

« Il y avait quelques plaques Wi-Fi dans les usines, mais ce n’est pas une solution fiable d’un point de vue industriel », considère Christophe Béjina.

« La 5G, c’est l’air qu’on respire à Calais, l’on a éradiqué les problèmes de connectivité ».
Christophe BéjinaDSI, Alcatel Submarine Networks

« La 5G, c’est l’air qu’on respire à Calais, l’on a éradiqué les problèmes de connectivité. Il est possible de se connecter à ce réseau sans fil partout dans l’usine », se réjouit le responsable. « Tous nos robots, tous nos équipements sont progressivement connectés à la 5G ».

ASN a connecté des équipements de supervision d’énergie, des automates, des capteurs sur les cuves de stockage de câbles et continue d’équiper ses opérateurs en terminaux compatibles.

Pour Christophe Béjina, il s’agit là de la face d’une même pièce. « Surtout, ne sous-estimez pas l’infrastructure », conseille-t-il. « Nous observons de plus en plus un découplage mental entre les applications et l’infrastructure, mais si l’on n’a pas les réseaux, les plateformes, les data centers dimensionnés correctement avec des niveaux de fiabilité, les limites se font rapidement sentir ».

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