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Safran Aero Boosters fait de son MES « la clé » de sa transformation numérique

La filiale du groupe industriel français a décidé de se doter d’un MES construit à partir des briques fournies par PTC. Safran Aero Boosters mise sur l’interopérabilité entre ses systèmes OT et IT, notamment pour combiner son MES, son PLM et son ERP.

Aero Boosters, une division de Safran, est animée par 1 700 collaborateurs. Environ 1 500 d’entre eux se répartissent sur deux sites (Liège et Bruxelles) en Belgique. La filiale travaille principalement au service des fabricants de moteurs d’avion et d’autres acteurs du secteur de l’aérospatial et de la défense.

Plus particulièrement, Safran Aero Boosters conçoit, développe et fabrique des compresseurs basse pression, des systèmes d’huile, des bancs d’essai pour tester des pièces ou des moteurs entiers (quatre sont installés dans ses usines belges) et des vannes de régulation de fluides utilisées dans les lanceurs spatiaux.

Une activité de pointe. Pourtant, la filiale du groupe français doit poursuivre sa transformation numérique. De fait, c’est tout le secteur qui doit évoluer rapidement pour répondre aux enjeux économiques, environnementaux et techniques qui se présentent à lui.

Pour accompagner ces évolutions, Safran Aero Boosters considère qu’elle doit adapter son outil de production, ce qui intime la refonte de son architecture de gestion de données.

ERP+PLM+MES = « un triangle d’or » (sic)

Historiquement, l’entreprise a isolé les données clients, des informations de conception, de production et de supply chain. Ces silos doivent en partie disparaître. « En tant que Chief Data Officer, je dois mettre en place un système dans lequel nous pouvons appliquer la gouvernance des données en nous assurant de disposer d’une seule source de vérité, sans redondance », déclare Jean-Louis Jacquerie, Chief Data Officer chez Safran Aero Boosters.

Pour cela, le CDO estime que les différentes directions métier de l’organisation doivent disposer des bons outils. Pour la gestion de la production et de la supply chain, Jean-Louis Jacquerie considère un triptyque clé, un « triangle d’or » (sic) : l’ERP, le PLM et le MES.

La filiale de Safran doit prochainement préparer la migration de son ERP vers une édition de SAP S/4HANA. Côté PLM, elle s’appuie sur les technologies de Dassault Systèmes. Or, jusqu’alors, elle n’avait pas de MES pour gérer sa production.

« Dans notre entreprise, les activités de production sont principalement gérées sur papier. Les données des machines n’étaient pas collectées et unifiées à l’aide de logiciels », relate le CDO.

Avant d’adopter un MES, le responsable rappelle qu’il fallait trouver la bonne norme pour intégrer les trois briques majeures de ce SI industriel. « Nous avons cherché sur le Web et nous avons trouvé ISA-95. C’est un standard qui permet de gérer les activités entre l’ERP et les machines installées dans un atelier », évoque Jean-Louis Jacquerie.

Safran Aero Boosters adopte le standard ISA-95

Plus particulièrement, ISA-95 « définit un modèle abstrait incluant les fonctions de gestion et d’exécution » d’une entreprise. La norme sous-tend une terminologie pour brosser les fonctions de pilotage et les processus, ainsi qu’une définition – un modèle de données – des échanges d’information entre les SI sous-jacents.

« Une fois cette collecte effectuée, le module analytique du MES doit permettre de réaliser des tableaux de bord qui décrivent l’état de la production. ».
Jean-Louis JacquerieChief Data Officer, Safran Aero Boosters

Dans le cas de Safran Aero Boosters, le CDO décrit un processus de bout en bout, allant de la prise de commandes de pièces, en passant par la planification et la répartition, jusqu’à la réception des ordres de fabrication dans les ateliers.

Cela induit une bidirectionnalité des flux de données : l’ERP et ses logiciels satellites doivent recevoir les données de production afin que l’usine puisse planifier la fabrication et la livraison des sous-systèmes aéronautiques.

Il faut donc pouvoir collecter les données sur le terrain, les rassembler, puis les envoyer au MES. « Une fois cette collecte effectuée, le module analytique du MES doit permettre de réaliser des tableaux de bord qui décrivent l’état de la production. Cela permet également de générer des rapports de qualité qui seront renvoyés vers l’ERP ».

 Or, les logiciels du marché testés à partir 2017 ne couvraient pas tous les aspects propres au standard ISA-95. « Nous avons testé un ensemble de logiciels qui ne couvraient pas tous nos critères jusqu’à ce que l’on trouve ThingWorx et que nous la testions à partir de 2020 », indique le CDO.

ThingWorx est une plateforme IIoT éditée par PTC. Elle permet de développer des applications exploitant les données des machines industrielles.

« Nous avons commencé à travailler avec PTC pour développer nos propres logiques en nous appuyant sur ThingWorx, puis l’éditeur a intégré dans sa feuille de route une fonctionnalité : la prise en charge de B2MML ».

B2MML (Business To Manufacturing Markup Language) est un standard MESA permettant de reconnaître et de traiter des transactions XML dans différents systèmes IT-OT. En clair, B2MML est le langage qui permet de traduire le modèle opérationnel décrit par la norme ISA-95. « Cela veut dire que nous pouvons faire communiquer notre ERP, notre PLM et notre MES, en respectant le standard ISA-95 », résume le Chief Data Officer.

Une architecture « data » complexe

Pour récolter les données, Safran Aero Boosters a d’abord choisi Edge Microserver et Kepware, deux types de serveurs-passerelles de collecte de données vendus par PTC. Edge Microserver permet de récolter des fichiers depuis les machines qui n’envoient pas nativement de données time-series, contrairement à Kepware. Les deux types de données sont ensuite enregistrés dans deux bases de données différentes, la première étant Microsoft SQL Server, la seconde n’est autre qu’InfluxDB, une technologie orientée time series. En mai 2023, la filiale avait connecté un tiers de ses équipements sur ses sites belges.

Pour l’instant, les données sont jointes avec les informations provenant du PLM et de l’ERP au sein d’un data warehouse. Les équipes d’Aero Boosters utilisent Power BI pour la visualisation des données et Rapidminer pour la préparation des modèles de prédictions et d’analyses avancées.

Depuis environ deux ans, ces analyses sont embarquées dans le MES bâti sur les briques de ThingWorx. L’une d’entre elles permet d’analyser les données de production des différentes machines, puis de les comparer avec les informations obtenues après l’inspection visuelle des pièces. Safran Aero Boosters exploite par ailleurs le module RTPPM (Real-Time Production Performance Monitoring). Celui-ci sert à superviser les statuts et les alarmes provenant d’une dizaine de machines.

Des premiers cas d’usage à généraliser

L’entreprise suit par ailleurs la consommation d’énergie de ses machines. Un « grand nombre de capteurs IoT » permettent de rassembler des données sur les ateliers les plus gourmands en énergie. Les ingénieurs ont fait en sorte de décliner cette analyse à l’heure ou à la journée. À l’avenir, le fabricant de pièces de moteurs d’avion compte bien multiplier les analyses avancées pour piloter plus finement son empreinte environnementale.

« Les équipes dans les usines n’ont pas forcément l’habitude des nouvelles technologies. Il est donc très important que nous leur apportions des applications simples, flexibles et légères. »
Jean-Louis JacquerieChief Data Officer, Safran Aero Boosters

Dernier cas et non des moindres, ThingWorx est la fondation d’un cockpit déployé sur six machines permettant aux opérateurs de s’informer sur les procédures à suivre avant de lancer la production. Les opérateurs peuvent également déclarer des demandes d’opération de maintenance, par exemple.

À la fin de l’année 2024, Safran Aero Boosters aura connecté tous ses équipements à son MES et compte bien déployer l’ensemble de ses applications dans ses ateliers. « Les équipes dans les usines n’ont pas forcément l’habitude des nouvelles technologies. Il est donc très important que nous leur apportions des applications simples, flexibles et légères », juge Jean-Louis Jacquerie.

D’autres défis attendent Safran Aero Boosters. Elle discute avec PTC pour renforcer la prise en charge de la norme ISA-95, notamment pour assurer la traçabilité des opérations, mais aussi pour l’aider à développer un outil de planification sous contraintes (Advanced Planning and Scheduling, APS). La filiale doit connecter directement son PLM et son nouvel ERP à son MES. Si l’intégration des technologies de Dassault Systèmes demande un peu plus d’effort, la liaison à S/4HANA devrait être aisée, considère le CDO. « ThingWorx, Edge Microserver et Kepware sont ouverts, contrairement à d’autres solutions du marché ».

Pour Jean-Louis Jacquerie, le MES est la « clé de la transformation numérique de l’entreprise ». Si les premiers usages visent à superviser les opérations de production, Safran Aero Boosters compte bien investir en profondeur le domaine de la maintenance prédictive, en croisant les données de production, de planification, financières et de ressources humaines.

Propos recueillis lors de l’événement LiveWorx 2023 à Boston.

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