Cet article fait partie de notre guide: CRM : un booster de l'engagement client

Bouygues Telecom s’attaque à son taux d’attrition avec une (vraie) vision 360 de ses clients

En se restructurant, la filiale de Bouygues a simplifié drastiquement son offre et cherché à optimiser sa relation client en s’appuyant sur un CRM Salesforce. Premiers ROI attendus en 2016. Mais le churn serait d’ores et déjà en chute libre.

Le marché français des opérateurs et des FAI est un des plus férocement concurrentiels. A tel point que les tarifs y sont parmi les plus bas du monde et que la moindre variation d’attrition est scrutée à la loupe et donne lieu à des stratégies commerciales poussées.

En tout cas sur le papier. Car dans cette lutte pour retenir ses clients, toutes les entreprises ne sont pas impliquées de la même manière.

C’est en substance ce que constate Olivier Derrien, VP EMEA Salesforce.com, qui compte plusieurs opérateurs parmi ses propres clients. Des opérateurs qui n’ont pas tous la même maturité dans la vision 360° de leurs abonnés ou de leurs prospects.

Pour lui, un des plus avancés dans le domaine (avec le déploiement d'une stratégie CRM cohérente) est, de loin, Bouygues Telecom.

Transparence vis-à-vis du client et information en self-service

Bouygues Telecom compte aujourd’hui 14 millions de clients (11 millions dans le mobile, et 3 millions pour le fixe). L’entreprise – qui emploie 7.500 collaborateurs et génère 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires – a refusé de se faire racheter par SFR mais a accepté de témoigner sur son projet de transformation initié dans un contexte de restructuration industrielle.

Première étape de ce plan, Bouygues Telecom a radicalement simplifié son offre. « Nous avions 1.500 forfaits, nous n’en avons plus que 14 », tranche Richard Viel, Directeur Général de Bouygues Telecom.

Cette manière de repenser l’offre a évidemment eu des conséquences sur la relation avec les clients, sur la formation des conseillers et des vendeurs dans les 500 boutiques du réseau, et sur le SI de la société.

« Le SI a été refondu pour être moins couteux à exploiter », confirme Alain Angerame, Directeur de la relation client de l’opérateur. Une refonte qui affiche quatre objectifs : fournir des outils plus simples aux conseillers (aussi bien en terme d’UI que de process), être capable d’appréhender « l’omnicanalité sans couture » (autrement dit, de remonter les informations de tous les moyens de communication utilisés par les clients : téléphone, site web, boutiques physiques, applications mobiles, chat, forums, courriers, réseaux sociaux), l’agilité (« avoir un outil qui évolue à la vitesse de la technologie ») et dernier point - mais pas des moindres - donner au client quasiment le même niveau d’information que l’opérateur par souci de transparence.

« Ce point était au centre de notre stratégie. Avec ce nouvel espace utilisateur, qui est également l’outil qu’utilise le conseiller, on a cassé les barrières avec les clients», insiste Alain Angerame.

Cet espace Cloud, développé en interne, s’appuie sur Salesforce Services Cloud. Il centralise dans un ticket historicisé classique toutes les interactions clients quel que soit le canal. Simple sur le papier. Mais visiblement pas mis en place par tous les concurrents de Bouygues Telecom.

L’outil propose également un « next best move » - une proposition de cross-selling (changer de téléphone, ou ajouter un forfait à prix préférentiel pour un deuxième appareil) ou d’up-selling (enrichir son forfait d’un abonnement à Netflix par exemple) – en fonction de cet historique.

Stratégie « croissance first, client first »

En plus d’avoir simplifié sa gamme, la stratégie commerciale de Bouygues a voulu se concentrer - de manière originale - sur ses abonnés existants, là où le discours habituel vise à « gagner de nouveaux clients ».

Autrement dit, Bouygues Telecom a fait le constat qu’il avait plus de leviers à portée de main et qu’il lui était plus rentable de réduire son taux d’attrition que de démarcher les abonnés des autres (même si l’un ne va pas sans l’autre). Encore fallait-il avoir une vision 360 (réellement) unifiée de ses clients.

La mise en œuvre du projet a été des plus rapides. Environ 6 mois pour la conception et le déploiement du CRM de Salesforce, sur une base très peu modifiée. « En associant à chaque fois les utilisateurs ! », insiste Richard Viel. Un déploiement qui continue néanmoins puisque les boutiques sont en train de migrer vers ce nouvel outil. « Cela prend plus de temps. C’est en effet plus difficile de fermer une boutique, donc cela se fait progressivement ». Normalement, le réseau devrait avoir accès à l’outil et être entièrement formé d’ici le début 2016.

Une « V2 » du CRM est d’ores et déjà prévue. « Elle devrait permettre de mieux gérer les files d’attente dans les magasins », indique Alain Angerame, sans plus de précision – confidentialité et concurrence obligent.

Sus aux silos d’informations (internes et externes)

Ceci étant, la plateforme technique est, elle, déjà bien en place. La rapidité du déploiement tient au fait que Bouygues Telecom a pris le CRM de Salesforce quasiment tel quel. « Ce sont les histoires de connecteurs qui prennent du temps », analyse Olivier Derrien, « si on personnalise trop, cela devient aussi complexe que les anciens systèmes. Il n’y a pas de secret, pour déployer un outil en cinq mois, il n’est pas possible de tout câbler avec l’existant du premier coup ».

Bouygues Telecom a donc « câblé » avec l’essentiel : Genesis pour les flux de routage des appels (grâce à un connecteur maison enrichi) et avec le système de facturation interne.

Mais même réduit à l’essentiel, cet interfaçage a permis de casser les barrières internes, « y compris avec les services techniques ». Un point crucial quand on sait qu’une grande partie des questions des clients touchent cette dimension technique du réseau (date de raccordement, dysfonctionnement, etc.).

En clair, un conseiller peut ajouter une question à une fiche client, question qui est transmise avec le dossier client aux experts réseaux compétents qui reviennent directement – ou via le conseiller – vers l’abonné pour lui répondre. Le tout sans quitter l’outil Salesforce.

Les fonctionnalités de collaborations (de type réseaux sociaux) permettent également de remonter des informations en temps réel, soit sur une fiche mal conçue destinée à être utilisée en self-service sur le site public (et qui doit donc être mise à jour par les experts) soit sur une offre commerciale d’un concurrent qui viendrait d’être lancée et qui séduirait un abonné Bouygues (et à laquelle le service marketing doit donc répondre le plus rapidement possible).

Salesforce.com oui, mais avec des données anonymisées

Côté utilisateur, ce souci de transparence se traduit par un espace web en libre-service et par une application mobile.

Deux outils qui s’appuient sur Salesforce, donc, mais au travers d’APIs. L’application n’a pas été générée par Salesforce1 Mobile App. Tout comme le site Web (et l’outil des conseillers), elle fonctionne par des appels au back-end de l’éditeur (en Angleterre et en Allemagne, en attendant un datacenter en France l’année prochaine).

Une architecture qui fonctionne avec des interactions permanentes et qui permet surtout à Bouygues Telecom de ne pas confier ses données clients brutes à Salesforce. « Toutes nos données sensibles restent en interne », confirme au MagIT Olivier Heitz, Directeur des opérations et de la qualité de service SI mobile et fixe.

Concrètement, Bouygues Telecom transmet des données avec un code référence au fournisseur de CRM, qui les traite, puis l’opérateur récupère les informations demandées avant de les relier – grâce au code - à ses données clients pour reconstituer un dossier abonné complet. « En fait, la fiche client complète avec nom, prénom, adresse, etc. n’est visible que sur le poste de travail ou sur le mobile », conclue Olivier Heitz.

D’autres outils CRM (à peine) envisagés

Avant de se lancer, Bouygues Telecom a bien sûr envisagé d’autres options. Mais pas longtemps.

« Nous avons regardé les CRM Cloud d’Oracle et de Microsoft, mais ils n’ont pas la même maturité. Salesforce a un train d’avance… voire deux », déclare un cadre de Bouygues Telecom, qui ne souhaite pas être nommé, à la rédaction.

Un autre acteur pur SaaS, Zendesk, a également répondu à l’appel d’offres. Mais l’éditeur qui vient de racheter la très prometteuse start-up française BIME, s’est désisté. Spécialisé dans les centres d’appels, Zendesk n’aurait en effet pas souhaité donner suite face à l’envergure du projet.

Enfin, le fait de pouvoir partager des « best practices » (aussi bien sur le CRM que sur la relation client en général) avec une communauté mondiale d’entreprises utilisatrices de Salesforce a terminé d’emporter la décision.

ROI

Lancé il y a 6 mois, les premiers retours montrent « une adoption de l’outil très rapide, que ce soit par nos collaborateurs (actuellement 5.000 personnes l’utilisent en interne), que par nos clients », se félicite Alain Angerame. Le Directeur de la Relation Client explique cette adhésion par le fait que la formation de ses équipes ne prend que quelques heures, grâce à une interface très simple et claire.

« On verra au bout de 18 mois », temporise néanmoins le Directeur Général de Bouygues Telecom sur la question du ROI. « Pour l’instant, on fait des temps de passage tous les mois ».

Avant de glisser, avec bonhommie et non sans une pointe de malice, « mais je peux déjà vous dire que notre taux de churn (NDR : attrition) a bien baissé ». Et pour cause, d’après ces temps de passage, il a reculé de près de 20 %.

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