CAO-PLM : Renault tire un premier bilan de sa transition vers le SaaS

Après un partenariat signé avec Dassault Systèmes en 2021, Renault poursuit sa migration vers la plateforme SaaS 3DSExperience. Le groupe tire déjà les premiers bénéfices de sa « Renaulution ».

En 2023, Renault a réalisé un chiffre d’affaires de 52,3 milliards d’euros, en hausse de 13,1 % par rapport à 2022. Sa marge opérationnelle atteignait 8 %. Au premier trimestre fiscal 2024, l’entreprise a enregistré un CA de 11,7 milliards d’euros, en hausse de 1,8 % par rapport à la même période en 2023. Sur ce Q1 2024, il a vendu 549 099 véhicules, soit une hausse de 2,6 %.

Le groupe souligne le succès des gammes Arkana, Megane E-TECH, Austral et Espace E-TECH Hybrid, qui représentent à elles quatre 37 % des ventes du groupe au premier trimestre 2024. Il faut dire qu’à l’instar de la Renault 5 E-TECH, dont la commercialisation devrait commencer dès l’année 2024, Renault a su proposer des designs visuellement attrayants et a relevé le niveau d’équipements.

Des temps de développement de plus en plus courts

Ce succès, Gilles Le Borgne, directeur de la technologie chez le groupe Renault, l’impute en partie au volet « transformation numérique » du programme et plan stratégique « Renaulution ». Il ajoute par ailleurs que la R5 E-TECH fait déjà l’objet de 70 000 précommandes.

« Nous avons assaini les écuries, nettoyé la maison, réduit la diversité technologique, baissé le temps de développement de 4 à 3 ans, baissé les coûts de développement de 40 % par voiture. Bref, nous avons fait un travail de fond. »
Gilles Le BorgneDirecteur de la technologie, groupe Renault

« Nous avons assaini les écuries, nettoyé la maison, réduit la diversité technologique, baissé le temps de développement de quatre à trois ans, baissé les coûts de développement de 40 % par voiture. Bref, nous avons fait un travail de fond », lance Gilles Le Borgne, lors du 3DExperience Forum, un événement organisé par Dassault Systèmes.

« C’est maintenant avec les nouvelles voitures que RVT va donner sa pleine mesure », poursuit-il. « Pour être clair, je promets à mon patron [Luca de Meo, directeur général de Renault, N.D.L.R.] un gain de productivité de 4 % par an pour le même budget et je dois passer de quatre à sept pour cent dans les années à venir. Nous devons développer la nouvelle Twingo en deux ans ».

RVT, ce sont les initiales de Renault Virtual Twin. C’est le nom de la plateforme accueillant les « jumeaux virtuels » des véhicules du groupe.

Celle-ci est motorisée par la plateforme 3DExperience de Dassault Systèmes.

Pour rappel, le constructeur automobile français avait signé en 2021 un contrat avec le spécialiste de la CAO et du PLM afin de remplacer ses environnements CATIA et ENOVIA V6 déployés sur des serveurs sur site en 2010. Le groupe souhaitait passer l’ensemble des utilisateurs de ces outils sur la plateforme 3DExperience hébergée dans le cloud de 3DS Outscale.

Plus de 500 000 composants accessibles depuis une seule plateforme

À la fin de l’année 2021, près de 2 000 utilisateurs avaient accès à des maquettes des véhicules conçus depuis la plateforme, mais le constructeur n’avait pas encore commencé la migration de son existant vers la 3DExperience.

Aujourd’hui, plus de 5 500 utilisateurs ont accès à la plateforme. « Nous avons pratiquement migré toutes les données existantes sur la plateforme. Aujourd’hui, elle accueille plus de 1 800 véhicules et variants de véhicules et plus de 500 000 composants », annonce Gilles Le Borgne. Ces 5 500 utilisateurs sont répartis entre la France, la Corée du Sud, la Roumanie, l’Amérique du Sud et l’Inde. Ils sont responsables de la conception, de la fabrication et de la simulation des véhicules du groupe.

Outre les outils CAO et PLM de Dassault Systèmes, Renault s’équipe des outils MBSE et ALM, mais c’est « classique », selon le CTO. « La puissance des outils que nous avons aujourd’hui permet d’obtenir un backbone complet pour l’ensemble de l’entreprise », avance le CTO de Renault. « J’espère que d’ici trois ans, certains outils de la plateforme seront dans les mains de 19 000 personnes, c’est-à-dire qu’ils équiperont l’entreprise étendue », ajoute Gilles Le Borgne.

Cette migration ne fut pas de tout repos. Renault a subi quelques errances de connexion au début de l’implémentation de cette offre full SaaS. Mais le fait de pouvoir effectuer une montée de version tous les deux mois, de profiter des ajouts fonctionnels sans véritable enjeu apporte un sentiment de robustesse. « Je me souviens des basculements de la V5 vers la V6 et de plans de formation complexes. Désormais, je n’en entends pratiquement plus parler », indique Gilles Le Borgne.

Ce passage au cloud aurait également entraîné un gain de résilience des systèmes. « Nous avons mesuré un MTBC (mean time before crash) de 450 heures et un MTBF (mean time before failure) de 120 heures. Ça n’a pas toujours été comme ça, mais je n’ai jamais bénéficié de résultats comme ceci sur site », assure le CTO.

Une seule source de vérité

« Évidemment, nous y allons étape par étape, mais l’idée c’est d’instancier dans un environnement unique toutes les données nécessaires à l’ensemble des métiers du groupe. »
Gilles Le BorgneDirecteur de la technologie, groupe Renault

La difficulté viendrait désormais des projets de développement et de réintégration des autres fonctions de l’entreprise. « Évidemment, nous y allons étape par étape, mais l’idée c’est d’instancier dans un environnement unique toutes les données nécessaires à l’ensemble des métiers du groupe », présente-t-il.

Les « outils d’autorité », ceux préalablement déployés, n’ont pas encore été décommissionnés. Pour autant, il y a des fonctions spécifiques infusées dans la 3DExperience.

Dans sa plateforme RVT, Renault a par exemple intégré un outil pour comparer les caractéristiques et les modèles 3D de pièces installées sur les véhicules Renault et ceux de ses concurrents. Dans la démonstration effectuée lors du 3DExperience Forum, un utilisateur comparait les caractéristiques de l’arbre de transmission de la Renault 5 E-TECH avec celui de la MG4 de MG Motor, le constructeur chinois qui a racheté la marque d’origine britannique, depuis l’outil Part360.

Ce module permet de visualiser l’ensemble des données en provenance des modèles CAO et des pièces enregistrées dans le PLM.

L’idée est de pouvoir vérifier la similitude de deux arbres de transmission ou d’autres composants, de tenter de réduire les coûts en utilisant l’outil Part Optimizer, qui permet à l’aide de fonctions de design génératif de trouver des moyens d’optimiser l’apport de matières ou le temps nécessaire à la fabrication de l’élément en question.

« Une fois qu’une fonction est rentrée dans la 3D expérience, et qu’elle a confiance dans cette source unique de vérité, cela promet un gain de temps incroyable. »
Gilles Le BorgneDirecteur de la technologie, groupe Renault

Il est également possible d’exploiter Part360, afin de se procurer la même pièce auprès d’un fournisseur ou d’en réutiliser une existante au sein de l’inventaire Renault. L’ensemble des métiers convoqués : ingénieurs, responsable des achats, logisticiens, responsable de la fabrication et de la maintenance peuvent interagir dans le but d’effectuer un remplacement de pièces en cas de problème ou d’opérer un « dual sourcing », c’est-à-dire de sourcer des pièces équivalentes chez deux fournisseurs ou plus.

« Ce projet est un voyage. À titre personnel, je pense qu’on est en train de faire une transformation extrêmement importante et qui va durer. Parce qu’une fois qu’une fonction est rentrée dans la 3D expérience, et qu’elle a confiance dans cette source unique de vérité, cela promet un gain de temps incroyable », croit Gilles Le Borgne.

Cette source unique de vérité deviendrait, selon le CTO, un « terrain de jeu fantastique » pour y exécuter des modèles d’intelligence artificielle. Un autre projet qui débute à peine, selon le CTO de Renault.

Crédits image : Renault, Dassault Systèmes, LeMagIT

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