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DSI : les conseils de Kaufman & Broad pour favoriser la culture IA

L’intelligence artificielle est déjà en production dans une dizaine de cas d’usage chez Kaufman & Broad. Pour réussir son adoption, le DSI du groupe immobilier français s’appuie sur une démarche progressive, orientée métiers, où la pédagogie et les gains concrets tiennent lieu de boussole.

Kaufman & Broad a initié sa stratégie IA en 2023. En quelques mois, plusieurs projets ont été lancés et mis en production. Aujourd’hui, le groupe immobilier utilise l’IA pour vérifier les plans d’architecte, automatiser la comparaison de devis ou encore assister la relation client.

Tous ces projets (une dizaine au total) ont suivi et continuent de suivre une logique d’expérimentation rapide. « Nous n’avons pas cherché à faire de grands chantiers techniques. Nous avons essayé de faire des démonstrateurs simples, utiles, qui parlent aux métiers », résume Philippe Minier, DSI du groupe qui partageait ses conseils lors de la journée de l’AUFO (club utilisateur d’Oracle).

Résultat, « aujourd’hui, c’est “IA first” chez nous », insiste-t-il.

Miser sur des cas d’usage visibles et utiles

Son premier conseil est de commencer par la pertinence métier. Chaque projet IA doit résoudre une difficulté opérationnelle réelle, identifiée par les équipes terrain, ou améliorer un processus concret.

« Il faut que l’IA nous fasse gagner quelque chose. Des gains de productivité, des gains de sécurité, des couvertures de risques. »
Philippe MinierDSI, groupe Kaufman & Broad

Les déploiements chez Kaufman & Broad concernent par exemple le contrôle automatique des plans d’architecte, avec une intelligence artificielle capable de gérer une quarantaine de points de vérification. D’autres cas concernent l’analyse et la comparaison des devis des entreprises du BTP, classés par lots techniques.

Le groupe a également automatisé la vérification des attestations d’assurance de ses sous-traitants, un point critique pour la conformité des chantiers, souligne le DSI.

Autre bon cas d’usage, une IA interne assiste les équipes commerciales dans la formulation des réponses aux clients et la sélection des lots disponibles les plus adaptés. « Il faut que l’IA nous fasse gagner quelque chose. Des gains de productivité, des gains de sécurité, des couvertures de risques », liste le DSI.

Human in the Loop

Ces projets ont tous un objectif commun : soulager les collaborateurs des tâches répétitives et chronophages, tout en améliorant la fiabilité des processus.

Soulager ne veut pas dire remplacer. Chez Kaufman & Broad, l’intelligence artificielle vient au contraire en soutien de l’expertise et garde l’humain dans la boucle.

« Il y a très peu d’IA aujourd’hui chez nous sans intervention humaine. On veut toujours mettre l’humain au centre de l’usage », insiste le DSI.

Quick Win et « rôles modèles »

Chaque cas d’usage est également co-construit avec les métiers.

Le service IT identifie quelques utilisateurs référents (deux ou trois « rôles modèles »), puis développe un démonstrateur rapidement, avant de l’évaluer avec eux.

« Nous allons vite, avec des quick wins », partage Philippe Minier. « En général, on le fait en 2-3 semaines. Cela nous est même arrivé d’en faire un en 3 jours. » Comme quoi la complexité est aussi, parfois, surestimée.

Cette logique de cycles courts et d’apprentissage par itération permet par ailleurs d’éviter les blocages tout en gardant un rythme d’innovation soutenu.

Créer des rituels pour évangéliser

Pour l’adoption à grande échelle, le DSI de Kaufman & Broad a décidé de miser sur la pédagogie. Pour désamorcer les craintes et faire émerger des idées, plusieurs formats récurrents ont été lancés. « On a réussi à transformer cette peur en envie », se réjouit aujourd’hui Philippe Minier.

Les « Jeudi de l’IA », par exemple, proposent chaque semaine une capsule vidéo ou un tutoriel sur un cas d’usage ou une technologie. L’objectif est d’acculturer progressivement les équipes.

Pour stimuler la participation, un concours d’idées a également été organisé. Les collaborateurs étaient invités à soumettre leurs propositions de projets d’IA, avec à la clé des week-ends Relais & Châteaux à gagner pour les plus pertinents.

Le succès aurait dépassé toutes les attentes. « 30 % des collaborateurs ont déposé un dossier. Cela a généré une vraie dynamique », se félicite Philippe Minier. Toutes les idées n’ont pas été mises en production, mais certaines le sont.

Organiser des retours d’expérience

« Il faut donner aux gens les moyens d’utiliser l’IA dans leur quotidien, sinon elle reste cantonnée à quelques experts ou à ceux qui s’y intéressent déjà. »
Philippe MinierDSI, groupe Kaufman & Broad

Dans le même esprit d’équipe et de partage des connaissances, des sessions régulières, les « KB Lives », sont organisées pour que les équipes de Kaufman & Broad présentent régulièrement les cas d’usage qu’elles ont testés.

Les « KB Lives » permettent à d’autres départements de s’en inspirer et de reprendre les approches qui fonctionnent.

Cette logique de diffusion horizontale repose sur l’idée que pour être efficiente, l’IA ne doit pas rester cantonnée à un petit cercle d’experts, mais adoptée massivement. « Il faut donner aux gens les moyens de l’utiliser dans leur quotidien, sinon elle reste cantonnée à quelques experts ou à ceux qui s’y intéressent déjà. »

Un « store » de prompts collaboratifs

Le groupe immobilier dispose d’un ChatGPT interne (« KB GPT »).

Pour optimiser l’usage quotidien de cette IA générative, le DSI a mis en place une marketplace qui centralise les bons exemples de prompts. Les collaborateurs peuvent y partager les leurs.

Ce partage entre pairs des bonnes pratiques professionnelles de l’IA permet une montée en compétence collective, sans dépendre uniquement de la DSI ou d’un service formation.

Obtenir le soutien du Comex

« Chaque lundi, nous faisons un point. Et le président suit de près les avancées. C’est fondamental. »
Philippe MinierDSI, groupe Kaufman & Broad

Le soutien de la direction générale est un autre facteur clé. La DSI échange chaque semaine avec un membre du Comex sur l’avancement des projets. « Chaque lundi, nous faisons un point. Et le président suit de près les avancées. C’est fondamental », confie Philippe Minier.

Ce parrainage stratégique facilite les arbitrages, légitime les initiatives IA auprès des métiers, et montre que le sujet est pris très au sérieux.

Accepter l’échec (et y revenir plus tard)

À ce stade, Kaufman & Broad estime avoir couvert environ 20 % des cas d’usage IA qu’elle juge pertinent de cibler.

Les déploiements se font progressivement, par vagues, en fonction des retours terrain et des gains observés, ainsi que de la maturité des technologies.

« Si un cas d’usage ne fonctionne pas, on le met en pause. Mais on y revient plus tard », explique le DSI, comme un éloge au pragmatisme. Ce fut le cas du projet de contrôle des plans qui n’était pas possible en 2023, mais qui l’a ensuite été avec l’évolution technologique des LLMs, en particulier la partie graphique de GPT 4.5.

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