IoT et géolocalisation : Eramet parie sur des capteurs sans batterie  

Eramet, Collins Aerospace et Michelin ont co-développé avec Uwinloc un système de géolocalisation s’appuyant sur des tags UWB. L’atout de la solution ? Son faible coût de possession. Les tags sont peu coûteux et fonctionnent sans pile.

Les usages de l’IoT sont aujourd’hui bien connus dans l’industrie. Les capteurs connectés sont souvent utilisés pour suivre des équipements, des outils, voire des pièces à haute valeur ajoutée. Malheureusement, ces systèmes sont difficilement déployables à grande échelle du fait de leur coût.

Les tags équipés de puces MtoM (4G et bientôt 5G) ou même LPWAN (LoRa ou Sigfox) restent relativement coûteux à l’unité et nécessitent une alimentation murale ou une batterie. Le remplacement de la pile vient grever le coût total de possession (Total Cost of Ownership, ou TCO) d’une telle solution au-delà de 5 ans, ce qui limite de facto le nombre de balises qu’un industriel va déployer sur le terrain.

Groupe minier et métallurgique français de 35 000 personnes, Eramet opère la division Alliages Haute Performance qui fabrique des pièces forgées, notamment des trains d’atterrissage et des pièces de moteurs pour le secteur aéronautique. Ces pièces dont la taille peut atteindre jusqu’à plusieurs mètres de longueur sont bien souvent stockées en extérieur.

Après deux années d’évaluation des solutions IoT pour assurer une géolocalisation de ces pièces, Éric Baldo, le responsable Usine du Futur chez Eramet, s’est tourné vers le Toulousain Uwinloc, concepteur d’une solution de géolocalisation intérieure (indoor) sans alimentation électrique.

« Après avoir longtemps cherché une solution de géolocalisation pour nos produits, nous avons finalement développé un partenariat avec Uwinloc afin d’adapter leur solution à l’extérieur et à un usage nomade », explique le responsable. « Nous avons souhaité créer une solution réellement adaptée à l’industrie, robuste et nous avons cherché des partenaires, Collins Aerospace et Michelin, afin de développer ensemble cette solution. »

Comment Eramet et ses partenaires ont mis au point un capteur sans batterie

L’industriel a déployé la solution dans trois salles de stockage d’un total de 500 mètres carrés pour valider la technologie avant de se lancer dans ce codéveloppement. L’idée du projet est de reprendre les briques technologiques développées par Uwinloc pour l’indoor, mais de les utiliser via un boîtier fixé sur les chariots élévateurs embarquant une balise GPS. Ce boîtier va tracer les caisses équipées d’un tag UWB (Ultra Wideband) déplacées par le chariot et ainsi garder une trace de l’endroit où elles ont été stockées.

« Avant même de lancer ce partenariat, nous avons estimé que le ROI de la solution serait obtenu trois fois plus rapidement qu’avec les autres produits du marché étant donné le prix du tag et des infrastructures réduites à mettre en œuvre » souligne Éric Baldo. « En outre, nous n’avons pas à réinvestir toutes les x années dans de nouveaux tags, car en outdoor ceux-ci doivent être sertis et doivent être jetés une fois la batterie vide. ».

Le Toulousain Uwinloc a développé une puce UWB qui lui a permis de créer une balise capable de fonctionner sans batterie. Elle est alimentée par des ultra hautes fréquences (UHF) émises depuis une source pouvant être positionnée jusqu’à une vingtaine de mètres de distance. Une fois énergisé, le tag émet un identifiant unique qui se propage via une communication UWB. On peut ainsi recueillir les identifiants de tous les tags situés dans la zone et les géolocaliser. Il suffit de déployer sept à neuf beacons UWB dans l’entrepôt afin d’atteindre une géolocalisation 3D d’une précision moyenne de 30 à 50 cm. Éric Cariou, co-fondateur et président d’Uwinloc, explique ce choix technique audacieux.

« En 2015, il s’agissait d’une technologie de niche face au BLE (Bluetooth Low Energy) ou LoRa. Notre constat était que ces technologies ne nous permettaient pas de faire une étiquette sans pile », se rappelle-t-il. « Nous avons choisi l’UWB pour sa robustesse. En 2019, Apple a lancé ses premiers smartphones dotés d’une puce UWB et maintenant tout l’écosystème des smartphones intègre cette technologie », poursuit le dirigeant. « Toutefois, les profils de consommation des puces UWB disponibles ne rendaient pas possible notre cas d’usage ».

Le boîtier qui équipe le chariot communique avec les tagsLe boîtier qui équipe le chariot communique avec les tags via UBW.
Crédit : Eramet

La puce d’Unwinloc consommerait ainsi « 10 fois moins d’énergie que les puces que l’on trouve sur le marché ».

Le projet a été mené chez Uwinloc et chez Eramet Aubert & Duval. Un groupe de travail a été formé et a rapidement inclus les opérateurs. C’est le site de Pamiers, au sud de Toulouse, qui a été choisi pour les expérimentations. Il s’agit d’une usine historique du groupe qui occupe un terrain de 700 mètres de longueur. Le projet s’est concentré sur la fin du flux de production, l’emballage des produits finis et les expéditions.

Sur ce site, l’on comptabilise 3 000 mouvements de pièces par jour. L’espace occupé par chacune des pièces varie de 30 cm à 5 mètres de stockage. Précisons que les zones de stockage elles-mêmes sont très éparpillées sur le site. Conséquence directe de cette topographie, les opérateurs passaient beaucoup de temps à chercher les pièces. Il y avait de bonnes possibilités d’optimisation.

« Les tests ont été menés chez Uwinloc sur le même chariot élévateur et avec des racks identiques aux nôtres. Nous leur avons fourni des caisses et des pièces », se rappelle Éric Baldo. « Les ingénieurs d’Uwinloc ont pu tester les différentes versions du dispositif dans leurs installations. Lorsque ces tests étaient concluants, nous testions la solution sur notre site de Pamiers, avec les opérateurs pour disposer d’un retour d’expérience en conditions réelles », raconte le responsable. « Nous validions les caractéristiques que nous voulions retenir, puis nous avons lancé de nouvelles itérations jusqu’à obtenir la solution actuelle ».

Géolocaliser les pièces et intégrer la plateforme d’Unwinloc

Selon le responsable, l’IT a été « impliquée très tôt dans ce processus ».

Un démonstrateur indoor a été mis en place afin de convaincre en interne de l’intérêt de passer à plus grande échelle. « Avoir Collins Aerospace et Michelin dans la boucle a contribué à ajouter de la crédibilité au projet. », affirme Éric Baldo.  

Chez Unwinloc, jusqu’à 20 personnes ont travaillé sur ce projet désormais en phase de déploiement. Manoloc, le loueur de chariots élévateurs du site industriel, a été intégré au projet pour modifier le tablier des chariots et adapter la connectique aux différents équipements de géolocalisation testés.

Initialement, pour le Proof-of-Value du projet, l’équipe projet avait équipé un chariot d’un boîtier dédié à l’énergisation des tags par émissions UHF et d’un deuxième pour réceptionner le signal UWB des tags aux alentours. Ensuite, ce dispositif de réception envoyait – par wifi ou 4G – la géolocalisation GPS au serveur Uwinloc. Quatre générations de boîtiers ont été testées.

« Une application permet de rechercher un outil à partir de son identifiant ou de mots-clés. Nous proposons une fonction d’inventaire sur une zone ou un site ».
Éric CariouCofondateur et président d’Uwinloc

Le produit final ? Un boîtier unique assurant toutes ces fonctions d’énergisation et de communication. Il est fixé sur la partie gauche du tablier du chariot. Lorsque le chariot se déplace, la position GPS est rafraîchie toutes les deux secondes. Le serveur Uwinloc stocke l’historique des mouvements. La dernière position connue est retenue comme la localisation de stockage de la pièce.

Cette solution permet même de se passer de toute infrastructure au plafond des entrepôts. En effet, il est possible de placer dans les bâtiments des balises de positionnement dont on enregistre les coordonnées GPS exactes. Si une caisse est stockée dans un local, son tag active la balise de positionnement, ce qui permet de la retrouver. La plateforme Uwinloc permet de superviser l’ensemble de l’infrastructure et les données de géolocalisation de tous les tags.

« La plateforme délivre plusieurs applicatifs pour les utilisateurs finaux », indique Éric Cariou. « Une application permet de rechercher un outil à partir de son identifiant ou de mots-clés. Nous proposons une fonction d’inventaire sur une zone ou un site ». Il s’agit de mettre en place des inventaires en continu et de créer des GeoEvents. « Un outil qui ne doit pas sortir d’une ligne de production génère une alerte si l’outil sort de sa zone », explique-t-il.

« La solution nomade codéveloppée avec Eramet, Collins Aerospace et Michelin fait aujourd’hui partie intégrante de notre offre. Les clients peuvent déployer la solution nomade en outdoor, en indoor et la solution fixe, pour avoir un rafraîchissement en continu à un point de leur ligne de production, par exemple. »

Cinq minutes pour retrouver une pièce

L’interfaçage de la plateforme Uwinloc avec SAP doit permettre d’afficher de nombreuses informations à l’opérateur et ainsi optimiser son choix des pièces. Il ne sélectionne qu’une seule caisse pour préparer une commande, ce qui fait gagner énormément de temps au cariste. En outre, sur l’écran présent dans son chariot, ce transport est sûr de déplacer la bonne pièce.

Une centaine de chronométrages réalisés sur le site de Pamiers avant le déploiement des tags ont permis de constater des gains de temps substantiels.

« Il fallait de 20 minutes… à plusieurs semaines pour trouver des pièces oubliées ! ».
Eric BaldoResponsable Usine du Futur, Eramet

« Il fallait de 20 minutes… à plusieurs semaines pour trouver des pièces oubliées ! », s’exclame Éric Baldo. « En écartant ces cas extrêmes qui sont résolus par la géolocalisation, nous étions à une moyenne de 25 minutes sur 100 chronométrages. La solution a permis de retrouver une pièce en cinq minutes, temps de transport sur le site inclus, et de n’avoir plus aucun raté ! » se réjouit le responsable Usine du Futur.

Selon Éric Baldo, les données de géolocalisation permettraient d’optimiser le parc de 65 chariots élévateurs du site. Dans le cadre de la sécurité du travail, ces mêmes informations facilitent le repérage des zones de forte coactivité. Avec cet indicateur, les directeurs des usines peuvent prendre la décision de déplacer un chemin piéton ou d’interdire les vélos sur une zone afin d’améliorer la sécurité des opérateurs.

Actuellement, 5 chariots ont été équipés et 2 000 tags sont en circulation sur le site de Pamiers. L’industriel étudie un déploiement sur son site d’Issoire, situé à environ 40 kilomètres de Clermont-Ferrand. Il s’agit non plus d’optimiser le stockage, mais de numériser le flux de pièces à la sortie de la bouche chaude de la forge, grâce à la géolocalisation et le traitement des données. Michelin et Collins Aerospace – les partenaires d’Eramet dans le projet Nomade – sont en train de déployer la solution.

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