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Les quatre piliers de la stratégie GenAI d’AG2R La Mondiale

Dans une optique d’accélération de l’IA au service de son plan d’entreprise 2026, AG2R La Mondiale déploie une stratégie IA générative basée sur quatre piliers : la formation, la fiabilisation technologique, la gouvernance, ainsi que la plateforme IA et ses services.

Banques, assurances, mutuelles… Tous les principaux acteurs de ces métiers mettent en œuvre des plans dédiés à l’intelligence artificielle, voire à sa seule composante générative. C’est le cas, notamment, du Crédit Agricole, de BNP Paribas ou d’Axa. AG2R La Mondiale s’inscrit, lui aussi, dans cette dynamique comme en témoigne, à l’occasion du DIMS 2025 de l’IMA, son directeur Data & AI Factory, Ludovic Letort.

LeMagIT a évoqué, cet été, l’approche Data Mesh au sein du groupe d’assurance et sa nouvelle architecture de données. C’est un des volets d’un vaste programme de modernisation IT censé se terminer en 2028.

Concernant la diffusion de l’IA dans ses activités – santé, retraite, prévoyance et patrimoine –, l’entreprise (aux 15 000 salariés et 15 millions de clients) dispose d’une direction Data & IA, ainsi que de fournisseurs technologiques.

Les briques GenAI, des actifs stratégiques pour l’entreprise

AG2R La Mondiale n’a pas attendu ChatGPT pour déployer des systèmes d’IA. Les usages se sont cependant diversifiés depuis deux ans grâce à l’IA générative, intégrée comme une composante de la stratégie du groupe, déclare Ludovic Letort.

La GenAI est qualifiée « d’asset stratégique pour le nouveau plan d’entreprise, qui démarre en 2026 ». En préparation de cette échéance (et ce, depuis 2023), AG2R « met en place toutes les briques qui nous serviront dans les années à venir ».

Pour « guider » ses initiatives et sa feuille de route, l’entreprise a identifié cinq axes principaux. Et le premier, c’est « l’intérêt », soit la pertinence ou l’utilité de la GenAI. La direction IA estime avoir répondu à cette question de l’intérêt « au début » de sa démarche.

« Aujourd’hui, je pense que tout le monde est convaincu, et nous aussi […]. Nous savons pourquoi nous avançons sur l’IA générative et sur quels sujets la prioriser », commente Ludovic Letort. L’assureur a par ailleurs consacré des efforts sur un deuxième pilier : la fiabilisation et sécurisation.

PoC et expérimentations ont permis de tracer une trajectoire vers l’industrialisation, avec à la clé « beaucoup de cas d’usage en production ». Le socle de l’industrialisation, c’est une plateforme technologique, officialisée en novembre 2024 : Almia.

Choix des LLM : une approche agnostique

La construction d’Almia a constitué l’essentiel du travail des équipes Data & IA l’année dernière. La plateforme repose « essentiellement » sur les services cloud de Google (GCP). Les données sont ou seront stockées à l’aide de S3NS (co-entreprise de Thales et Google), qui sert actuellement de service de chiffrement externe.

Client Google, AG2R La mondiale se revendique néanmoins agnostique en ce qui concerne les modèles eux-mêmes, les LLM. La plateforme permet « d’interroger n’importe quel type de LLM. C’est la volonté du groupe d’être totalement agnostique du point de vue des modèles ».

« C’est la volonté du groupe d’être totalement agnostique du point de vue des modèles. »
Ludovic LetortDirecteur Data & AI Factory, AG2R La Mondiale

Agnostique, donc, mais avec la capacité « d’industrialiser dans un environnement extrêmement sécurisé » l’utilisation de tout type de LLM. Pour Ludovic Letort, les fondations sont ainsi posées, même si des changements interviennent fréquemment.

La mutation rapide des modèles et de leur écosystème technologique explique cette évolution constante. Pour s’adapter à cette spécificité des LLM, l’expert précise qu’une « batterie de tests » a été mise en place.

Faisant appel à des outils d’évaluation comme Giskard, les tests ont pour but de « vérifier assez rapidement les problématiques de régression et de non-régression ». Mais pour des modèles intégrés dans une application métier, un autre aspect doit être adressé.

Plusieurs versions des modèles sont maintenues simultanément et utilisables par les organisations. « Les modèles subsistent même s’ils évoluent rapidement. La question qu’on se pose, c’est : change-t-on oui ou non un modèle à un instant T ? C’est ce processus que nous cherchons à optimiser », détaille le directeur IA.

Almia bot : Secure GPT et assistants personnalisés

Un tel changement est susceptible d’affecter de multiples systèmes hébergés sur la plateforme Almia. Globalement, trois types de services sont disponibles : Almia Bot, Almia Apps et Almia Dev. Comme dans la plupart des grands groupes, Almia Bot se présente comme un GPT sécurisé – et donc une alternative au Shadow AI.

« Nous sommes allés un peu plus loin » que le ChatGPT interne, ajoute toutefois Ludovic Letort. Par ailleurs, le service Almia Bot donne la possibilité aux collaborateurs d’AG2R La mondiale de concevoir leurs propres assistants.

Ces « agents IA légers » sont alimentés avec des données des utilisateurs. Ils peuvent être réservés à leur développeur, ou partagés (avec quelques salariés ou l’intégralité). Outre son apport en matière d’acculturation à la GenAI, Almia Bot a les atouts d’un « cheval de Troie » pour la détection d’usages pertinents et mutualisables.

L’étude des assistants existants, et en particulier de leur taux d’adoption, permet d’identifier les meilleurs candidats pour l’intégration à une marketplace des bots. De manière générale, AG2R entend favoriser l’industrialisation des usages par une plus grande exposition des projets exemplaires.

Les applications sont d’ailleurs la cible d’un deuxième service de la plateforme GenAI d’AG2R : Almia Apps. Précisons que l’interconnexion d’Almia Bot avec les applications présente des limites. Le service Apps vise à y répondre et à traiter des problématiques métiers précises, « de manière plus industrielle ».

Almia Apps et Dev pour diffuser la GenAI dans les applications

Par exemple, à l’intention des équipes marketing et communication a été déployée une application complète pour la création « d’assets de communication ». L’outil comprend des fonctionnalités multiples, dont la création de persona, afin de générer des supports pour des campagnes.    

Almia Dev, le troisième service, cible les développeurs en simplifiant la diffusion de l’IA générative dans les processus métiers. Comme pour les bots, l’ambition est d’accélérer l’intégration et de favoriser la réutilisation des actifs de développement.

« C’est une autre manière de déployer de manière industrielle de l’IA dans le groupe. »
Ludovic LetortDirecteur Data & AI Factory, AG2R La Mondiale

Cela vaut, en outre, pour l’anonymisation de documents. AG2R La Mondiale disposait déjà d’un outil d’anonymisation automatique. L’IA générative a permis d’améliorer ce processus, avec à la clé un haut niveau de performance, constate Ludovic Letort. 

Ces outils intégrant de la GenAI sont exposés sous forme d’API et ainsi utilisables « par n’importe quel développeur de projet. C’est une autre manière de déployer de manière industrielle de l’IA dans le groupe ».

L’analyse de flux entrants (RAD LAD), réalisée par de multiples acteurs de l’entreprise, fait également appel à des API et à Almia Dev. Des API, basées sur la GenAI, sont à présent exposées pour l’analyse de tout type de document et de l’extraction de données.

Un accès à l’IA conditionné par la formation

Outre l’identification des cas d’usage et la plateforme, la stratégie GenAI d’AG2R La Mondiale mobilise deux autres piliers principaux : la formation et la gouvernance IA. « Former et s’approprier » constitue ainsi un « autre chantier », aujourd’hui en cours de mise en œuvre.

Pour Ludovic Letort, la GenAI a introduit une rupture par rapport aux projets d’IA antérieurs. Ceux-là étaient souvent pilotés par les data scientists et selon une approche « top down ». Avec l’IA générative, place au « bottom-up » et à une plus grande prise en compte et pertinence des cas d’usage en provenance du terrain.

Mais l’introduction de ces technologies rime également avec transformation des métiers ; d’où l’implication des ressources humaines pour mesurer les impacts sur les emplois et préparer leur transformation.

Formation, acculturation et analyses d’impact sur chacun des métiers du groupe sont réalisées dans ce cadre. Sur les deux premiers items, Almia Bot est directement mis à contribution, en complément des « IA Champions » (une centaine de collaborateurs).

Le GPT sécurisé est disponible depuis avril 2024. En fin d’année, le groupe comptait moins de 2 000 utilisateurs. Depuis janvier 2025, Almia Bot est ouvert à tous, mais son accès est conditionné au suivi de trois formations (acculturation IA, prompting, sécurité, éthique).

En mars, le service d’IA comptait plus de 4 500 utilisateurs et 15 000 formations avaient été suivies en deux mois. « Le score n’est pas mauvais. Cela démontre qu’il y a un attrait », juge le directeur data & IA. Pour alimenter le mouvement, une communauté d’utilisateurs est animée (SharePoints, contenus, événements hebdomadaires…).

L’émergence d’un cercle vertueux

Ces actions participent à la création d’un véritable cercle vertueux, considère Ludovic Letort. La formation des collaborateurs nourrit l’adoption et la création de nouveaux assistants au travers d’Almia Bot.

Ces agents (ou assistants IA outillés) vont ensuite « alimenter le backlog des usages, constitué avec les champions et le développement d’Almia Apps. Le cercle vertueux prend forme grâce à la communauté et à la manière d’attirer les individus vers la formation ».

La croissance de l’adoption et la diffusion de l’IA doivent cependant s’accompagner, notamment en matière de gouvernance. Ses principes, à la demande de la direction générale, ont été formalisés deux ans plus tôt.

La gouvernance IA, moins une contrainte qu’un « point essentiel pour accélérer »

« Au-delà de la validation stratégique et éthique, la gouvernance permet de suivre les mises en production futures. »
Ludovic LetortDirecteur Data & AI Factory, AG2R La Mondiale

La gouvernance IA englobe différentes dimensions, dont la conformité réglementaire (en commençant par l’AI Act). Elle impose notamment une cartographie des applications d’IA. Comme les applications SaaS sont utilisées dans la majorité des strates de l’entreprise, l’IA est omniprésente. Et ce, sans que les éditeurs en informent toujours leurs clients.

Une telle cartographie (dynamique), dans un groupe de la taille d’AG2R La Mondiale, « n’est pas un long fleuve tranquille », prévient l’expert. La gouvernance IA repose en particulier sur un « comité IA », dont la mission consiste à passer en revue toute expérimentation.

Le comité fait intervenir différents profils et expertises, dont le directeur IA, le DPO, le RSSI, la DRH, la conformité et la RSE. « Tous les mois, nous balayons une dizaine de cas d’usage annoncés en expérimentation ».

« Cela offre de la cohérence, de la visibilité et aussi de l’acculturation », juge Ludovic Letort. « Au-delà de la validation stratégique et éthique, la gouvernance permet de suivre les mises en production futures. N’oubliez donc pas la gouvernance. C’est un point essentiel pour accélérer », conclut-il.        

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