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Google Apps for Work vs Office 365 : un choix plus culturel que technique

Dans la guerre des suites collaboratives en ligne, Microsoft capitalise sur sa base installée d’utilisateurs très attachés à Office. Mais Google a aussi ses fans.

Quand Joe AbiDaoud, DSI de Hudbay Minerals, a migré sa plateforme mail depuis Exchange vers le Cloud de Google, et donc vers les Apps for Work, le message envoyé aux employés était simple : « utilisez Google, Outlook ne sera plus disponible ».

C’était en 2012 et la réaction a été plus que glaciale.

« Beaucoup de gens haïssaient l’interface de Google. Elles l’a trouvaient limitée, difficile à utiliser inadaptée pour retrouver de mails », se souvient Joe AbiDaoud. « Il y avait plein de nouvelles manières de faire les choses, et ça n’a pas plu ».

Ce mauvais départ ne s’est pas amélioré. « Vous pouvez nous rendre Outlook ? », est devenu un refrain courant.

Après deux ans, le CIO jette l’éponge. Ceux qui veulent utiliser Outlook pourront utiliser Outlook. Mais avec une contrepartie importante. Plus question d’avoir les outils de collaboration en temps réel de Google, comme l’édition simultanée et à plusieurs d’un document, ou le chat vidéo depuis un document.

Résultat, « quand nous avons ouvert le plan de retour à Outlook à nos 1.300 collaborateurs, à peu près une douzaine l’ont effectivement réinstallé ».

Ce que cette histoire met en lumière sur cette compétition à couteaux tirés entre Microsoft (Office 365) et Google (Apps for Works), c’est que le choix se fait sur une base culturelle. Il y a ceux qui veulent le confort et l’assurance d’une suite éprouvée et familière, et ceux qui veulent – immédiatement ou avec le temps - comme chez Hudbay Minerals – de nouvelles manières de travailler. Que ce soit avec un client mail différent, dans la manière de rédiger des documents ou d’organiser sa journée.

Choc de Titans

C’est un fait, les entreprises cherchent de plus en plus à externaliser leurs outils de collaboration (bureautique, calendrier, communications unifiées). Avec le SaaS, elles cherchent un coût prévisible, a priori plus bas, une meilleure flexibilité et l’assurance d’une continuité d’activité.

Mais le marché est encore naissant. Une étude de 2016 de Gartner montre que pour les mails seules 13 % des sociétés cotées utilisent une suite Cloud de Microsoft ou de Google.

Office 365 atteint à peine les 8 % de part de marché, quand Google Apps for Work est en dessous des 5%. Les 87% restants sont intégralement du sur site ou du Cloud privé.

Des lignes de fractures existent entre types d’entreprises (même si elles ne sont pas toujours aussi marquées).

Pour l’analyste Guy Creese de Gartner, les Google Apps sont populaires auprès des start-ups et des PMEs, principalement pour ses prix très clairs, son administration simplifiée et un coût plus bas. A l’inverse Office 365 séduit les grands groupes.

Les secteurs aussi diffèrent. La publicité, la technologie et les médias préfèrent Google Apps for Works. Les industries à fortes réglementations – banque, pharmacie, énergie – vont, elles, plus souvent vers Office 365.

Mais ce n’est évidemment pas toujours le cas.

Il y a quatre ans, quand Hudbay Minerals (un exploitant canadien de mines) a évalué les options clouds qui se présentaient à elle, l’entreprise se développait en Amérique du Sud. « Nous voulions une expérience utilisateur cohérente pour tous nos employés, peu importe là où ils seraient », explique AbiDaoud. A cette époque, le choix de Google est une évidence, Office 365 était encore une suite Cloud limitée et balbutiante.

Le choix serait peut-être un peu moins clair aujourd’hui. Le succès actuel de Microsoft s’appuie en effet sur une amélioration consistante de l’offre et d’investissements massifs de la part de l’éditeur pour rattraper son retard fonctionnel –c’est en tout cas l’avis de Guy Creese de Gartner.

Autre facteur, la popularité du Cloud est grandissante. « Ce n’est pas tellement que Microsoft prend des clients à Google. C’est que son produit est devenu bon et qu’il capte une grosse part des nouveaux utilisateurs des suites en mode Cloud », analyse-t-il.

Prime aux anciens

Une fois la maturité atteinte pour Office 365, le décollage de Microsoft était prévisible. Sa nombreuse base installée témoigne d’un attachement particulier à sa suite bureautique. Un fait encore plus vrai pour des professions comme les avocats qui écrivent leurs accords et les contrats avec Word, qui les envoient à des conseils et qui récupèrent les documents annotés avec des surbrillances et des suppressions enregistrées dans le Track Change. Les grosses entreprises (qui ont des armées d’avocats) qui vont vers le Cloud ne veulent pas le changement radical que l’alternative de Google peut induire.

« Pour elles, passer à Office 365 est moins perturbant d’un point de vue administratif que de passer à quelque chose d’entièrement nouveau comme les Google Apps », confirme Guy Creese. Même son de cloche pour le secteur public où les habitudes sont – là-aussi – dures à changer. « Less employés municipaux étaient habitués aux produits Microsoft. Ils les ont utilisés pendant 20 ou 30 ans. Quand on a décidé de passer au Cloud, nous n’avons pas voulu faire de la conduite du changement et réapprendre à nos équipes à utiliser des apps – on n’avait vraiment pas envie de ça », illustre à sa manière Jonathan Reichental, DSI de la ville californienne de Palo Alto.

Mais les jeunes n’ont pas dit leur dernier mot

Ceci étant, aux Etats-Unis, Google peut revendiquer 50 % de part de marché sur les entreprises qui réalisent moins de 50 millions de dollars de CA. Pour Guy Creese, ces sociétés apprécient le prix d’entrée par utilisateur (5 $ contre 8.25 $ pour Microsoft), les capacités natives de collaboration, de partage et d’édition de documents, et ce quelle que soit la localisation de l’utilisateur à l’instant T.

Certaines de ces sociétés expérimentent même et utilisent Google Docs pour faire et enregistrer des meetings minutes et les partager dans la foulée. Elles utilisent également la vidéo et Hangouts, nativement imbriqués aux Docs, pour planifier des budgets. Un processus qui, typiquement, se fait habituellement avec un tableur Excel qui passe de main en main et de mails en mails pour des modifications successives. Ce qui peut générer des versions différentes du document et prendre des jours voire plusieurs semaines pour finaliser le processus.

« Avec les Google Sheets, cela ne se passe plus comme cela », constate Guy Creese. « A la place, quelqu’un dit : "bon, moi je pense qu’on devrait augmenter ça de 10%". Et quelqu’un d’autre répond : "Non, moi je pense que +5, c’est bien". Dans la version Apps for Work du tableur de Google vous discutez directement depuis la feuille de calcul avec des collaborateurs. C’est beaucoup plus simple de dire : "Bon, Ok, on tranche à +7%". Et c’est fait, on passe à autre chose ».

Chez Hudbay Minerals, Joe AbiDaoud confirme que ces méthodes de travail changent beaucoup de chose. « Nos employés utilisent Hangouts tout le temps, pour tout, sur tous leurs appareils - leurs PCs, leurs smartphones ou en salle de réunion ».

Question de culture on vous dit.

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