Antitrust : Google mûr pour remplacer Microsoft au banc des accusés

Les autorités antitrust américaines poursuivent leur enquête sur l’accord Yahoo / Google et reçoivent un allié de poids : l’association des gros annonceurs américains a envoyé un courrier faisant part de leurs sérieux doutes. Au plus grand dam de Yahoo – qui joue certainement sa survie – et de Google – dont l’image commence à sentir le souffre.

La pression monte autour de Google. Les autorités antitrust américaines observent les mouvements du groupe avec assiduité et viennent de recevoir un allié de poids : l’association des annonceurs américains (Association of National Advertisers, ANA). Tous émettent de sérieux doutes sur l’accord signé au printemps dernier avec Yahoo, au plus fort de la pression imposée par les velléités de rachat de Microsoft. Pour désamorcer des critiques pourtant légitimes, les deux partenaires avaient alors donné 100 jours à l’antitrust américain pour livrer son verdict, tout en se disant très sereins.

De l’eau au moulin de l’antitrust américain

Aujourd’hui, non seulement le DoJ – ministère américain de la Justice – a diligenté une enquête. Mais les procureurs généraux de pas moins de 11 états américains mènent leurs propres investigations. Reste qu’aucun détail n’a filtré sur l’objet exact de la procédure. Quelques semaines avant de signer un accord de régie avec Yahoo, Google avait racheté Doubleclick et déjà dû donner des gages en promettant de revendre certains segments de l’un des acteurs historiques de la publicité en ligne. La semaine dernière, l’un d’eux a d’ailleurs trouvé preneur avec Publicis.

Insuffisant, selon l’association des annonceurs américains, qui se méfie d’un partenariat Google-Yahoo qui contrôlerait « 90 % de la publicité via les liens sponsorisés aux Etats-Unis ». Selon la lettre de l’ANA transmise aux autorités antitrust fédérales, le partenariat entraînera une diminution de la concurrence, un accroissement de la concentration du marché, une limitation du choix des supports et des interlocuteurs disponibles et un risque d’augmentation des tarifs.

Une voracité de plus en plus suspecte

Si Yahoo et Google avait bien anticipé la résistance que ferait naître leur rapprochement, ils ne s’attendaient certainement pas à susciter autant de méfiance. Un phénomène accru par la nébuleuse qui entoure de plus en plus Google. De société louée pour son succès, le géant de Mountain View est devenu suspect.

Son appétît qui le fait investir tous les pans de la toile, jusqu’à ceux occupés par ses partenaires, le rendent peu aimable. Au printemps, il s’employait à jouer un jeu trouble dans la lutte Microsoft / Yahoo. Au début de l’été, c’était la sortie de Knol, qui s’en prend directement à Wikipédia. Et plus récemment le lancement en grande pompe du navigateur Chrome, alors même que Google venait de reconduire son partenariat avec Firefox. Sans compter que Chrome a également provoqué une vaste discussion autour de la protection des données personnelles et de la manière dont Google comptait utiliser les données liées au trafic, qu’il pourrait désormais contrôler tant par le navigateur que par le moteur de recherche.

Yahoo en danger

Face à cette méfiance grandissante, l’accord Google/Yahoo pourrait quand même être accepté moyennant quelques contraintes dictées par l’antitrust. Car si pour Google il s’agirait d’un premier camouflet, pour Yahoo la survie est en jeu. Après avoir résisté presqu’au delà du raisonnable à Microsoft, Yahoo s’est payé un psychodrame avant son assemblée générale qui a accouché d'un compromis, mais également fragilisé la direction. D’autant que la stratégie n’est toujours pas claire. Dans ce contexte empêcher l’accord, c’est obliger Yahoo a renoncer au 800 millions de dollars de rentes annuelles qu’il en attend à partir de 2010 (et à 400 M$ dès l’an prochain). Un coup qui serait certainement fatal pour le portail.

Du coup, la solution Microsoft pourrait réapparaître. L’éditeur de Windows en avait - dès l’annonce du partenariat – appelé aux autorités antitrust, trop content de pouvoir compter sur une réglementation qui lui a valu bien des déboires par le passé. Ensuite, s'il n’est plus question de rachat depuis quelques mois, rien ne dit que Carl Icahn - partisan d’une opération Yahoo / Microsoft dès le printemps et désormais au conseil d’administration de Yahoo – n’attend pas son heure.

Pour approfondir sur Editeurs

Close