Serveurs Unix : HP a le plus à perdre dans le retard de l'Itanium Tukwila

De tous les constructeurs membres de l'alliance Itanium, HP est sans doute aujourd'hui celui qui a le plus à perdre du fait du n-ième report par Intel de son processeur Itanium quadri-coeurs Tukwila. Alors que Sun et Fujitsu d'un côté, et IBM et Bull de l'autre continuent à doper leurs plates-formes, HP n'espère plus lancer ses nouveaux serveurs Integrity avant Octobre 2009. La précédente mise à jour Itanium remonte à octobre 2007 et au lancement de l'Itanium Montvale. Même dans le monde Unix, cela commence à faire long...

La semaine dernière, Intel a annoncé le report à l'été 2009 de ses puces Itanium Tukwila. Déjà retardé à plusieurs reprises (les premiers systèmes étaient à l'origine attendus pour le début de l'automne 2008), le dernier-né des Itanium ne fait que suivre une longue tradition : aucune puce Itanium n'est jamais sortie à l'heure et, pire, rares sont les lancements qui se sont effectués avec le niveau de performances attendu. Les retards répétés d'Intel ont des conséquences détestables pour ses partenaires de l'Itanium Solutions Alliance dont les principaux supports sont Bull, Fujitsu, Hitachi, HP, Intel, NEC, SGI et SuperMicro. Tous n'ont d'autre choix que de repousser le lancement de leurs systèmes Tukwila et de s'en remettre au bon vouloir d'Intel.

Ironiquement, cette fois, cela n'est pas parce que la puce souffre d'un quelconque défaut mais parce qu'Intel veut valider son dernier né pour une nouvelle technologie de mémoire, baptisée Scalable Memory Buffer. Cette dernière devrait permettre de supporter des quantités de mémoire vive sensiblement augmentées grâce à l'ajout sur les cartes mères - ou plus vraisemblablement sur les cartes fille mémoire - d'un composant spécifique à Intel permettant de doper le nombre de modules gérés sans impact notable sur les performances. Bref une sorte de successeur, version Intel, à la technologie FB-Dimm. Une question reste en suspens alors que nombre de constructeurs n'attendent plus que les processeurs en volume pour livrer leurs machines : qu'est ce qui a bien pu pousser Intel a intégrer au dernier moment cette technologie au prix d'un nouveau report du processeur ?

Chez Bull, le retard affecte surtout le marché Mainframe GCOS

Pour Bull, le retard affecte le lancement de la nouvelle gamme de serveurs Itanium "Fame 2", à l'origine attendus au printemps et qui ne devraient plus apparaître qu'à l'automne. Reste que cet impact est largement limité au monde des mainframes GCOS. Pour les applications HPC, un secteur où Bull avait historiquement poussé Itanium, le constructeur français a eu la prudence de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Récemment, il a ainsi multiplié les succès avec son offre Xeon (supercalculateur Tera100 du CEA, supercalculateur Iter de Jülich...). Pire, pour Intel, l'offre de serveurs Power6 de Bull, OEMisée d'IBM, taille des croupières à tous ses concurrents sur le territoire français, y compris l'Itanium. Bull gagne ainsi des parts de marché et contrôlerait près du quart des ventes de systèmes Unix dans l'Hexagone.

Pour SGI, le n-ième retard d'Itanium n'est qu'une péripétie supplémentaire. Les échecs des générations précédentes de la puce l'ont déjà quasiment mené à la faillite et le constructeur mise désormais largement son futur sur le Xeon et sur le marché très spécifique du calcul HPC.

Pas de nouveaux systèmes Integrity avant le dernier trimestre 2009

Mais pour HP la situation est plus compliquée. Interrogé sur l'impact qu'aurait ce n-ième retard, HP a largement botté en touche et nous a transmis par e-mail la déclaration suivante : « En 2008, Intel a déclaré publiquement que le développement de Tukwila faisait des progrès solides et que la puce avait booté sur plusieurs environnements systèmes dont HP-UX 11i, Windows et Linux. De plus, Intel a montré publiquement les capacités de Tukwila au cours des deux derniers Intel Developer Forum. Les systèmes Integrity à base de processeur Tukwila amélioreront encore la proposition de valeur en matière de systèmes critiques qu'HP propose à ses clients. Les dates de lancement des systèmes Integrity sont tributaires de la livraison en volume de composants qui répondent aux spécifications de qualité d'HP. Les premières livraisons de systèmes HP Integrity basés sur Tukwila interviendront dès que le développement et le test des systèmes HP seront achevés – approximativement un trimestre après la livraison en volume par Intel des puces Tukwila ». Si l'on supprime la langue de bois, cela veut signifie, pour les clients de HP, qu'ils ne peuvent espérer de nouveaux serveurs avant septembre ou octobre 2009. Et tant pis si leurs applications actuelles excèdent l'enveloppe de performance de leur système actuel ou s'ils ont besoin de systèmes de consolidation plus performants.

La dernière évolution processeur d'Itanium dans les systèmes HP Integrity remonte à octobre 2007 et au lancement de l'Itanium bi-coeur Montvale, une amélioration du précédent Itanium Montecito apportant 15 à 20% de performances additionnelles. Plus préoccupant, les performances du bus système Itanium n'ont pas évolué depuis le lancement des premiers systèmes commerciaux. HP a donc vraiment besoin de Tukwila, de ses quatres coeurs et de son bus point à point QuickPath pour se relancer dans la course aux performances sur le marché Unix.

Marché Unix : HP prend du retard dans la course aux performances

Car pendant qu'Intel accumule les retards, ses concurrents continuent à progresser. Sun et Fujitsu ont ainsi sensiblement dopé les performances de leurs systèmes haut de gamme grâce au Sparc 64 VII, et ont aussi revu en profondeur leurs systèmes d'entrée de gamme avec les puces UltraSparc T2. D'ici à octobre 2009, ils devraient aussi lancer de nouveaux serveurs à base de puces multithreadées Rock et doper les performances des machines Sparc64 VII avec le Sparc64 VII+. IBM et Bull ont, quant à eux, profité des errements d'Intel pour imposer leurs systèmes Power 6, et ont aussi récemment doublé la capacité de ces serveurs en nombre de CPU. D'ici la fin de l'année 2009, ils devraient encore améliorer leur systèmes avec le Power 6+.

Autant dire que l'arrivée tardive de Tukwila ne devrait pas fournir à HP l'avantage technologique qu'il en attendait, mais tout au plus lui permettre de rattraper le retard sur les plates-formes concurrentes (ce qui reste à démontrer). Autant dire que dans un marché serveur Unix en pleine déconfiture, cela ne devrait guère faire les affaires de la division Serveurs d'entreprises d'HP et ne devrait que compliquer un peu plus les choses en France, où le constructeur ne figure même plus sur le podium des fabricants de serveurs Unix, où il est dépassé par Bull...

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