Message du Gartner aux DSI : les grands outsourceurs aussi peuvent faire faillite

Presser les prestataires pour obtenir des prix plus bas, c'est bien. Mais à condition de ne pas les acculer à la faillite, prévient le cabinet d'étude américain. En France, les tarifs relativement bas des prestations informatiques constituent toutefois un amortisseur aux yoyos des prix.

L'outsourcing peut être une solution rapide pour des organisations prises à la gorge par la crise. Mais attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal, prévient le cabinet d'études Gartner. Dans une note de recherche mise en lumière par le Gartner lors de son sommet européen sur les services et outsourcing, qui se tenait cette semaine à Londres, les analystes Claudio de Rold et Ian Marriott préviennent les donneurs d'ordre des conséquences que la crise produit sur les grands outsourceurs. 

Touchées par les renégociations sur les prix - imposés par les donneurs d'ordre, y compris sur les grands contrats d'outsourcing de plusieurs années -, les SSII sont en effet face à un challenge organisationnel majeur. Selon le Gartner, les prix dans l'infogérance d'infrastructure se replieront de 5 à 20 % d'ici à 2010. Pour les services applicatifs, le cabinet d'études anticipe des baisses à un chiffre en Inde, et allant de 10 à 20 % en Chine, avec des niveaux intermédiaires en Europe. Dur, dur pour les SSII... qui affichent des marges nettes souvent bien inférieures à ces pourcentages. D'autant que la croissance des volumes dans l'outsourcing aura un impact négatif sur le marché de l'intégration et du conseil, où Gartner anticipe une contraction de 3 à 5 % en 2009.

Des baisses de prix supérieures aux marges nettes des SSII

"Même si ces baisses de prix sont un indicateur positif pour les entreprises utilisatrices, elles cachent un risque majeur pour le marché dans son ensemble, confirme Claudio Da Rold, vice-président de Gartner. Comme des baisses de prix de plus de 10 % seraient supérieures au profit net de la plupart des prestataires, ils pourraient les acculer à la banqueroute". Un risque mal pris en compte par les donneurs d'ordre, selon le cabinet américain.

Pour le Gartner, cette situation va obliger les SSII non seulement à diminuer leurs coûts mais à repenser leur modèle industriel. Ce qui suppose des investissements. Un ensemble de facteurs qui pourraient se traduire par des défaillances ou au minimum par des fusions dans l'urgence.

"La situation est vraiment différente en France de celle en Grande-Bretagne ou en Allemagne, du fait du niveau de prix sensiblement inférieur dans l'Hexagone, commente Frédéric Giron, directeur des études au cabinet Pierre Audoin Consultants (PAC). Les marges de négociations sont donc moindres qu'ailleurs. Les grands comptes n'ont pas obtenu les rabais qu'ils escomptaient. Ceux-ci sont souvent compris dans une fourchette allant de 0 à 5 %". Selon lui, les marges des SSII locales n'en sont pas moins sous pression : "elles ont perdu un, deux voire trois points de marge depuis quelques mois et ça devrait continuer. Mais je ne crois pas à la faillite d'une grande SSII de la place pour autant : ce n'est pas dans l'intérêt des clients de mettre en danger un pan entier de l'industrie".

Augmenter contrat par contrat la part d'offshore

Gartner conseille, malgré tout, aux grands comptes d'observer avec attention le comportement de leurs prestataires majeurs. "Ceux qui sont en difficulté vont se concentrer sur la protection de leurs contrats existants et réduire leurs coûts (...), explique Claudio Da Rold. La durée de la crise décidera de leur avenir". S'ils en ont un. Pour le Gartner, les prestataires les moins fragiles s'adapteront par une réduction de leurs coûts - notamment de personnels (de nombreuses SSII tentent d'augmenter contrat par contrat leur recours à l'offshore) -, par une meilleure automatisation et standardisation de leur processus, et par des approches novatrices dans les contrats (spin-offs, partenariats). Rappelons, par exemple, que HP a récemment dévoilé des offres d'outsourcing d'infrastructures basées sur un haut niveau de mutualisation.

Pour mieux appréhender les risques liés à leurs fournisseurs de service, Gartner recommande aux DSI de scruter tous les six mois les investissements de leurs prestataires majeurs et d'étudier leurs annonces en matière d'offres industrialisées, ainsi que de vérifier la disponibilité réelle de ces offres. Sans oublier de ré-évaluer leur stratégie de sourcing (choix de fournisseurs) une fois par an pour prendre en compte tant l'évolution des besoins des métiers que les mutations de l'offre côté SSII.

En savoir plus : lire notre article intitulé "le crash du crédit grippe la belle mécanique de l'outsourcing".

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