Laurent Seror, Outscale : "15 M€ de CA dans le cloud en 2015"

Dans un entretien avec LeMagIT, le patron d'Outscale revient sur les ambitions du fournisseur de cloud financé par Dassault Système, ses offres et sur le marché du cloud souverain en France.

Alors que les deux acteurs du cloud souverains subventionnés par l’État rencontrent chacun des difficultés pour développer leur activité – Numergy a sans doute réalisé un CA de l’ordre de 5 à 6 M€ en 2014, tandis que CloudWatt a tant peiné à séduire ses premiers clients qu'au final Orange va en prendre le contrôle total pour l'intégrer à son offre –, Outscale poursuit son développement et annonce son intention de doubler ses effectifs de 42 à 80 salariés en 2015.

Le fournisseur de services cloud d’infrastructure a été créé fin 2010 à l’initiative de Dassault Système, qui est aujourd’hui le principal bailleur de fonds de la firme et l’un de ses actionnaires minoritaires. Dassault Système s’appuie sur les infrastructures d’OutScale pour la fourniture de ses services SaaS.

Laurent Seror est le fondateur et Président d'OutscaleLaurent Seror est le fondateur et Président d'Outscale

À l’origine la firme avait pour ambition de fournir des solutions d’infrastructures aux éditeurs de logiciels notamment pour leur permettre de se convertir au modèle SaaS. Mais elle s’ouvre aussi peu à peu au marché des entreprises avec par exemple une offre de Virtual Private Cloud compatible avec les API AWS

LeMagIT s’est entretenu avec Laurent Seror, le fondateur et P.-D.G. d’Outscale pour faire le point sur les ambitions et l’offre de la société. L’occasion aussi de revenir sur les évolutions en cours dans le monde du « cloud souverain » français.

 

LeMagIT : OutScale a fait ses débuts en 2011 sur une infrastructure qui était passablement différente de l’infrastructure actuelle…

Laurent Seror : Nous avons pas mal tâtonné au début. Nous avons commencé par utiliser l’hyperviseur Xen et nous avons aussi mis en œuvre la solution Applogic [l’atelier de création de cloud Xen de 3tera, racheté par CA en 2010] avant de tout jeter à la poubelle et de nous lancer dans le développement de notre propre orchestrateur.

Ce choix a été fait car il n’existait pas de produit de ce type adapté à nos besoins sur le marché. Côté infrastructure nous avons choisi l’offre Cisco UCS et nous avons retenu des baies NetApp en cluster NFS pour notre stockage. C’est notre orchestrateur, Tina, qui gère l’ensemble du provisioning de ces ressources et en particulier le placement des données sur le cluster de stockage. En l’état de nos développements, nous pouvons gérer des millions de VM.

Pour nous, le sujet du cloud reste un sujet technique et centré sur l’infrastructure. Notre objectif a donc été de bâtir  une solution technique pérenne permettant d’avoir la confiance de nos clients. Et il fallait que la solution tienne.

 

LeMagIT : Vous êtes l’un des rares fournisseurs français à disposer de capacités à l’international.

Laurent Seror : Nos infrastructures sont déployées sur deux sites en Région parisienne, à Boston, New York et en Asie. Cela nous permet d’assurer à nos clients que leurs applications se comporteront de la même façon partout dans le monde. Et cela répond à un vrai besoin des clients.

 

LeMagIT : En 2011, votre objectif affiché était de servir les éditeurs de logiciels à la rechercher d’une infrastructure évolutive pour accueillir leurs logiciels en mode SaaS…

Laurent Seror : En fait, notre premier client reste de loin le groupe Dassault. Notre offre n’a commencé à être vendue hors Dassault qu’à la mi-2014. Il nous fallait être sûrs que la solution répondent aux exigences de disponibilité et de sécurité des clients avant de la commercialiser à plus grande échelle.

Et puis, le marché des éditeurs de logiciels a eu une certaine latence à adopter le cloud, y compris chez des gros acteurs. Le dilemme pour les éditeurs est double, financier et technique. Tout d’abord, le mode SaaS modifie les flux de revenus des éditeurs (…). Ensuite, il y a une courbe d’expérience pour utiliser un cloud et pour adapter ses logiciels aux architectures cloud. Et les acteurs traditionnels du logiciel y sont venus tard. Ils n'ont aujourd'hui guère le choix, sous peine d'être pris de vitesse par de nouveaux entrants sur leurs propres marchés.

Un problème additionnel pour les éditeurs est qu’il faut des moyens pour gérer le cycle de vie des applications dans le cloud. Or, il est inquiétant de voir le peu de solutions sur étagères en la matière. Il y a clairement un vide à combler.

 

LeMagIT : Est-ce pour compenser la lenteur à migrer vers le SaaS des acteurs du logiciel que vous avez récemment lancé des offres à destination des entreprises ?

Notre objectif pour 2015 est de faire progresser notre CA de 5 M€ pour atteindre 15 M€ de CA à la fin de l’année.

Laurent Seror : Notre offre continue à cibler les éditeurs de logiciels. Trois des cinq premiers éditeurs français sont d’ailleurs en pourparlers avec nous. Mais pour des raisons de développement commercial, nous visons aussi les entreprises avec nos offres Bundle et Virtual Private Cloud (VPC). Notre prochaine annonce sera d’ailleurs l’arrivée d’un mode « Direct Connect » permettant à nos clients de se raccorder directement à notre cloud via une ligne dédiée. Cela permet à la fois de préserver la confidentialité, mais aussi d’améliorer la qualité de service. Nous avons pour cela un accord avec Sipartech pour le raccordement en fibre optique des clients de la région parisienne à nos infrastructures.

Notre objectif pour 2015 est de faire progresser notre CA de 5 M€ pour atteindre 15 M€ de CA à la fin de l’année.

 

LeMagIT : En l’état du marché et vu l’agressivité des géants du cloud tels qu’Amazon ou Microsoft comment espérez-vous atteindre cet objectif ?

Laurent Seror : Il y a deux grandes pistes : La première est de démultiplier les offres d’accès au cloud à travers des annonces de baisse de prix, pour rendre plus abordable le cloud et attirer de nouveaux clients. Nous avons une valeur ajoutée différente de celle de nos concurrents du fait de nos implantations géographiques ou de notre flexibilité sur les tailles de VM. Mais mettre en avant cette valeur ajoutée requiert un gros travail d’évangélisation. Notre second objectif est de signer 4 clients majeurs éditeurs ou entreprises. Deux sont déjà dans notre pipeline. Ces 4 clients devraient peser pour une large part de notre croissance en 2015.

Côté technique, nous travaillons sur des fonctions avancées d’IAM et nous réfléchissons à la mise en œuvre du stockage Flash. On a un niveau d’IOPS avec les SSD qui est sans commune mesure avec ce que l’on peut faire avec nos baies de disques [ l’infrastructure actuelle en France peut déjà, selon Larent Seror, délivrer 1,5 million d’IOPS, N.D.L.R.].

 

LeMagIT : La question du cloud souverain continue à agiter le monde du cloud français. Vous êtes financé par Dassault Systèmes qui en son temps a beaucoup travaillé sur ce sujet avant de se retirer du projet Andromède lors de la décision de l’État de financer deux acteurs [Numergy et CloudWatt, N.D.L.R.]. Quel est votre avis sur le sujet ?

Avec Andromède, l’État n’a pas joué son rôle. Il a pratiqué la subvention cachée.

Laurent Seror : Le problème du cloud souverain est qu’un acteur qui n’est que français ne peut pas grand-chose. Par exemple, face à un grand compte français international, il n’est pas compétitif. Ses infrastructures ne sont disponibles que dans un pays de même que ses API. Il lui est alors difficile de convaincre les clients de multiplier les API Cloud, alors que des géants comme Amazon ou Microsoft ont une couverture mondiale et une API unique.

La vérité est que si l’on avait voulu vraiment créer un champion français il aurait fallu bien plus que 150 M€. Avec Andromède, l’État n’a pas joué son rôle. Il a pratiqué la subvention cachée.

Dassault s’est retiré du projet car l’État a pris la décision de financer deux clouds concurrents. C’est un mauvais jugement de Salomon car l’État a coupé le bébé en deux et a jeté de l’argent par la fenêtre pour rien. Et au pire, même si l’on se dit que ‘un des deux acteurs survivra, cela veut dire que la décision a abouti à dépenser la moitié de l’argent du contribuable pour rien.

L’autre problème est que le marché de l’IaaS en France reste petit. Nous l’évaluons aujourd’hui entre 30 ou 40 M€ pour l’année écoulée.

 

LeMagIT : Comment analysez-vous le retrait probable de CloudWatt et son absorption par Orange ainsi que la situation compliquée de Numergy ?

Laurent Seror : Nous ne nous réjouissons pas vraiment de la situation. Un acteur comme Numergy ou Cloudwatt qui se plante donne mauvaise presse au cloud. De plus, être plus nombreux à évangéliser les consommateurs coûte moins cher que d’être seul. Or nous sommes encore largement en phase d’évangélisation du marché. Nous sommes encore loin d’être dans une phase où l’on cherche à faire des bénéfices.

 

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