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Le Software-Defined Tape de Fujifilm devient une extension du stockage objet

Le logiciel de Fujifilm n’est plus une passerelle autonome vers des bibliothèques de bandes. Il sert dorénavant de composant d’archivage à Cloudian, DataCore, NetApp et Scality.

Fujifilm, le plus important fabricant de cartouches de bandes, repart en campagne pour défendre son concept de Software-Defined-Tape. Présenté dorénavant sous une pompeuse dénomination « version 2 », le logiciel de Fujifilm n’est plus un outil d’archivage sur bandes déguisé en une obscure passerelle de stockage objet. Il devient l’extension qui permet à des solutions de stockage objet reconnues d’archiver leurs contenus sur bandes. En l’occurrence, il s’interface avec Hyperstore de Cloudian, Caringo Swarm de DataCore, StorageGRID de NetApp et Ring de Scality.

« Notre solution revient pour ainsi dire à un service supplémentaire de stockage objet longue durée, comme le service Glacier qui, chez AWS, vient en renfort du service S3. Sauf que nous fonctionnons dans le datacenter de l’entreprise, derrière les baies de stockage objet qu’elle possède déjà. Comparativement à S3 Glacier, stocker localement 10 Po de données pendant 10 ans sur nos bandes fera économiser 4 millions de dollars à une entreprise », lance Chris Kehoe, en charge de l’ingénierie d’infrastructures chez Fujifilm Recording Media, la branche de Fujifilm qui fabrique les bandes.

Et d’expliquer le double intérêt de mettre des bandes derrière des baies de stockage objet qui, elles, fonctionnent avec des disques durs. « Il y a d’abord un intérêt financier : dans l’exemple des 10 Po de données sur 10 ans, c’est à présent une économie de 13,5 millions de dollars que les entreprises réalisent en conservant leurs fichiers sur des bandes plutôt que sur des disques. Les bandes sont aussi un moyen plus sûr de se protéger des ransomwares, car elles sont physiquement déconnectées du réseau, tant qu’un opérateur n’a pas décidé de les remettre dans la bibliothèque pour les relire », argumente Chris Kehoe.

Initialement, la solution de Fujifilm était censée soulager l’entreprise de la lourdeur d’un système d’archivage sur bandes. En se présentant sur le réseau comme un énième stockage objet, elle devait permettre aux utilisateurs d’archiver durablement leurs données de la même manière qu’ils enregistrent leurs données de production sur Scality ou Cloudian.

« Nous n’avons pas vocation à concurrencer les acteurs de ce marché. Notre but est plutôt de nous associer à eux pour que nos produits soient achetés avec les leurs. »
Chris KehoeEn charge de l’ingénierie d’infrastructures, Fujifilm Recording Media

Le repositionnement en extension plutôt qu’en produit autonome acte néanmoins l’échec du fournisseur à se positionner parmi les vendeurs de stockage objet. « Nous ne sommes pas fournisseurs de solutions de stockage, nous n’avons pas vocation à concurrencer les acteurs de ce marché. Notre but est plutôt de nous associer à eux pour que nos produits soient achetés avec les leurs », dit Chris Kehoe. LeMagtIT a rencontré l’équipe de FujiFilm à l’occasion de l’IT Press Tour, un évènement qui consiste à présenter à la presse les dernières innovations en matière de stockage.

Un archivage sur bandes intégré au stockage objet

La solution de Fujifilm correspond à un logiciel qui s’installe sur un serveur Linux pour y exécuter quatre fonctions. Il présente le serveur sur le réseau comme une passerelle S3 – ou plutôt, en version 2, comme une extension d’un domaine S3 existant. Il indexe les données qu’il reçoit et conserve les plus récentes dans sa mémoire, éventuellement sur ses disques durs, en guise de cache. Ce cache permet de communiquer avec la baie S3 en amont à des vitesses 10 fois supérieures à celles d’une bibliothèque de bandes. Il sert surtout à constituer des lots importants de données pour éviter de multiplier les petits accès en écriture sur les cartouches.

Le logiciel convertit ensuite les données dans un format propriétaire, appelé OTFormat. Enfin, il pilote la bibliothèque de bandes pour écrire durablement sur ses cartouches les données en OTFormat. Les bibliothèques de bandes LTO des marques Quantum, IBM, HPE et Spectra sont compatibles.

Du point de vue des utilisateurs, les données sont toujours actives dans leur stockage objet. Quand ils souhaitent accéder à une donnée archivée, la baie de disques S3 interroge le serveur Linux de Fujifilm et celui-ci rapatrie l’information demandée depuis la bibliothèque. Bien entendu, il faudra que quelqu’un – ou qu’un automate – remette entretemps la bonne cartouche dans la bibliothèque.

« Certes, l’accès est bien plus lent qu’avec des données sur disques. Mais notre solution se compare au service Glacier d’AWS, lequel peut mettre plusieurs jours pour restituer des données. Au prix fort, qui plus est », insiste Chris Kehoe. Comme son nom l’indique, une solution d’archivage est plutôt destinée à conserver longtemps des informations importantes, mais qui ne seront relues qu’à de rares occasions. Parmi ces informations, on trouve le plus souvent les sauvegardes, dont la restauration est indispensable en cas d’incident.

Software-Defined Tape – le produit n’a toujours pas d’autre nom – est commercialisé sous une forme de souscription qui donne droit, pour une durée contractuelle, au logiciel, à un lot de cartouches Fujifilm et à un support technique. Par exemple, pour stocker 1 Po de données, Fujifilm fournira, moyennant une facture de 35 940 $, un support technique pendant trois ans, la licence du logiciel pour 1 Po de données et 2 Po en cartouches (soit 350 cartouches LTO-7 ou 180 cartouches LTO-8). « Nous fournissons toujours deux fois plus de cartouches afin que vous puissiez faire des enregistrements en double, de sorte à avoir une copie de secours », dit le directeur de l’ingénierie.

Prendre en compte les subtilités d’un nombre limité de solutions objets

Sous le capot, Fujifilm défend le choix d’un format de données propriétaire. « Le format classique des données sur bande ne prend pas en compte les besoins d’un stockage objet. Avec OTFormat, nous ménageons au début de la bande une partition qui comprend les métadonnées principales qui décrivent toutes les données, ce qui permet de répondre à des requêtes sans parcourir toute une cartouche pour recharger un fichier. Ces métadonnées fonctionnent ensuite comme un index classique : elles pointent l’endroit de la cartouche où se trouvent les données recherchées. L’en-tête de ces données est constitué d’un autre jeu de métadonnées, encore plus complet. »

Fujifilm assure fournir gratuitement un logiciel client qui permet à un serveur de relire directement les cartouches en OTFormat, sans passer par l’installation de son Software-Defined Tape sur un serveur. Pour autant, l’accès gratuit à ce logiciel n’est pas très clair : « si on nous le demande, nous le fournissons » se contente de dire notre interlocuteur, en se gardant bien d’indiquer un lien de téléchargement. 

Autre point d’interrogation : pourquoi la solution de Fujifilm, vendue initialement comme une passerelle objet S3 tout ce qu’il y a de plus standard, ne s’interface-t-elle plus qu’avec quatre systèmes objet ? « Parce qu’il y a des subtilités dans chaque stockage objet et que nous les prenons à présent en compte », rétorque Chris Kehoe, en indiquant que la liste des compatibilités s’allongera au fil du temps. LeMagIT croit comprendre que le prochain stockage objet supporté sera celui d’Hitachi Vantara.

Les subtilités qu’évoque Chris Kehoe sont sans doute inhérentes à la seule évolution technique que présente cette version 2 de Software-Defined Tape : le logiciel est dorénavant multitenant. « Par exemple, il devient possible de brancher quatre baies Cloudian Hyperstore à notre serveur. Si ces baies sont quatre stockages indépendants, chacun dédié à une équipe, alors notre serveur saura séparer logiquement les données dans ses enregistrements. Il n’est pas nécessaire d’avoir quatre bibliothèques de bandes, ni même un jeu de cartouches par équipe. Le serveur archive tout ensemble et se charge de présenter à chacun seulement les données qui le concernent », détaille Chris Kehoe.

Compatible avec tous les NAS

Pour autant, Fujifilm a parallèlement pris soin d’interfacer sa solution avec des solutions intermédiaires comme les logiciels StarFish et Tiger Bridge. Ces logiciels de migration automatique des fichiers permettent de relier Software-Defined Tape, à n’importe quelle baie de disques qui partage ses contenus en mode fichiers. Lors de notre entrevue, Fujifilm a donné l’exemple des NAS Isilon de Dell EMC, dont les contenus étaient automatiquement archivés, via StarFish, sur une bibliothèque de bandes pilotée par Software-Defined Tape.

Dans un billet de blog paru dans la foulée de notre entretien, Fujifilm affirme que sa solution tombe à point nommé pour résoudre les nouveaux besoins en stockage de la vidéosurveillance, dont les solutions utilisent majoritairement des NAS. Selon Rich Gadomski, directeur des produits chez Fujifilm Recording Media, ces systèmes sont appelés à se généraliser jusque dans les plus petites boutiques du fait de la chute des prix des caméras haute définition. Problème, une flotte d’une centaine de caméras dans un espace commercial engendrerait 2 Po de données par période de rétention légale de 90 jours.

« Les entreprises n’ont pas forcément les moyens d’investir dans la quantité de disques nécessaire à une telle volumétrie. Vos options sont limitées : allez-vous économiser de l’espace en réduisant la qualité de l’image, la période de rétention, le nombre de vos caméras ? Aucune de ces options ne correspond au but que recherchez quand vous déployez un système de vidéosurveillance », écrit-il, en pointant que les bandes sont désormais une alternative clés en main.

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