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Infor vend son EAM au Suédois Hexagon AB

Infor vend son activité d’Asset Management au spécialiste suédois de l’Asset Performance Management, Hexagon. Un jeu à plusieurs bandes qui permet à l’actionnaire industriel de l’éditeur d’ERP (Koch) de faire d’une pierre trois coups.

L’éditeur new-yorkais d’ERP et de solutions métiers Infor a annoncé sa volonté de se séparer de son activité d’Asset Management (EAM). La branche intéresse le Suédois Hexagon, spécialiste de la gestion d’actifs et des jumeaux numériques, qui déboursera 2,75 milliards $ pour racheter Infor EAM.

Ce montant sera versé en cash, mais aussi sous forme d’actions d’Hexagon (ce qui a son importance, lire ci-après).

En parallèle, Infor et Hexagon nouent un partenariat stratégique.

« Le marché de l’EAM évolue d’une gestion traditionnelle des équipements vers une gestion de la performance de ces mêmes équipements (APM) », justifie Infor par communiqué. « Les clients ont besoin de solutions de plus en plus étendues pour gérer l’ensemble du cycle de vie de leurs équipements – de la phase de conception/construction à la phase d’exploitation ».

En s’appuyant sur l’EAM, l’APM lorgnerait donc plus du côté de la maintenance prédictive, de l’efficience énergétique, de l’IoT temps réel et de l’industrie 4.0 en lui ajoutant des couches d’intelligence.

Se recentrer sur l’ERP

Dans un échange avec LeMagIT, Soma Somasundaram, CTO d’Infor confirme cette version. Hexagon serait le plus à même de faire fructifier technologiquement cette activité. Avec le « partenariat » – mot sur lequel il insiste plus que sur la vente – Infor pourra en tirer les bénéfices métiers, tout en se recentrant sur son cœur de métier : l’ERP.

« L’EAM est une application fantastique, mais elle n'a pas généré de ventes croisées significatives dans nos secteurs clés. »
Soma SomasundaramCTO d’Infor

« Notre stratégie est de nous concentrer sur nos solutions ERP CloudSuite dédiées à chaque secteur – dont la fabrication, la distribution, la santé, la mode ou l’alimentation. Nous redoublons d’efforts sur les solutions et les services pour lesquels nous sommes les mieux placés. Et nous établissons des partenariats stratégiques là où nous ne le sommes pas », explique-t-il.

Autre justification à la vente : « l’EAM est une application fantastique, mais elle n’a pas généré de ventes croisées significatives dans nos secteurs clés », ajoute-t-il.

Un EAM indépendant est un EAM plus attirant

De son côté, Hexagon intègrera Infor EAM dans son activité « Industrial Enterprise Solutions ». Mais les technologies rachetées infuseront aussi toutes les unités du Suédois qui ciblent « les écosystèmes à forte intensité d’actifs » (sic) à savoir les installations industrielles, les mines, les fermes, la mobilité autonome, les bâtiments, les infrastructures, les villes et la défense.

La décision pose tout de même plusieurs questions pour Infor. Même s’il n’était pas un gros pourvoyeur de clients ERP, Infor EAM était en effet une activité rentable et en forte croissance – surtout en France et en Europe où la solution a séduit Eiffage, SNCF, Veolia ou le CERN.

« Les solutions best-of-breed sectorielles - comme l'EAM - se développent généralement mieux en n’appartenant pas à un éditeur d’ERP : elles peuvent alors cibler tous les clients de tous les ERP. »
Liz HerbertForrester Research

« Les solutions de type best-of-breed et spécifiques à un secteur – comme l’EAM – se développent généralement mieux en dehors [de la gamme] d’un éditeur ERP », répond Liz Hebert, analyste chez Forrester Research, au MagIT.

En étant indépendant, un EAM « s’adresse mieux aux clients de tous les ERP […]. Si l’on considère que SAP est l’ERP dominant dans le monde, une telle décision [de vendre l’EAM] crée une plus grande opportunité pour s’attaquer à la base lucrative des clients de SAP, mais aussi à celles d’Oracle, de Microsoft ou de Workday », résume Liz Hebert.

En gardant son EAM, Infor l’aurait en quelque sorte bridé.

Par ailleurs, le « recentrage » autour de l’ERP n’est pas propre à Infor. « Récemment, nous avons vu les principaux éditeurs d’applications d’entreprise qui se démènent pour se cloudifier – comme SAP et maintenant Infor – vendre des parties importantes de leurs activités dans des domaines non essentiels », souligne l’analyste. « Par exemple, SAP a rendu sa liberté à Qualtrics […] alors qu’il met fortement en avant sa transformation vers le cloud avec son programme “Rise” ».

Koch met un pied dans le board d’Hexagon

Il n’empêche, Infor est aujourd’hui la propriété d’un très grand groupe industriel familial américain (Koch Industries, 100 000 employés, 115 milliards de revenus environ) dont la philosophie est d’investir à long terme – encore plus lorsque l’entreprise dans laquelle il met des fonds est un de ses fournisseurs (comme Infor).

Le problème des ressources ne semblait donc pas réellement se poser. « Nous n’avons pas besoin de cash », confirme d’ailleurs Soma Somasundaram sans détour au MagIT.

L’opération prend en revanche un tout autre sens quand on quitte le point de vue d’Infor pour prendre celui de son propriétaire.

Certes, après la vente, Infor sera plus « petit ». Mais la transaction permet à Koch Industries de faire d’une pierre trois coups. Il récupère des liquidités. Il n’a plus à investir du temps et de l’argent dans son EAM pour en faire de l’APM. Et il entre au capital d’Hexagon par la grande porte.

Hexagon (3,8 milliards € de CA en 2020) étant valorisée 320 milliards $ au NASDAQ, Koch ne possède a priori que 1 % ou 2 % du capital du Suédois après la vente d’Infor EAM. Mais « le principal actionnaire d’Hexagon, MSAB, a déjà fait part de son intention de proposer la nomination de Brett Watson, Président de Koch Equity Development, au comité d’Hexagon afin qu’il puisse siéger au conseil d’administration dès que possible », font savoir les deux éditeurs.

Dit autrement, Koch occupe désormais une position de choix dans Hexagon, sans débourser un cent, d’où il pourra être informé sur les développements futurs des produits, voir influer sur leurs évolutions – comme il l’avait fait avec Infor avant de le racheter en totalité.

« Koch aura un investissement dans Hexagon ainsi que dans Infor – ce qui peut aider à préserver des synergies qui aideront Hexagon à rester attractif au sein de la base des clients d’Infor », entrevoit Liz Herbert pour l’éditeur suédois.

Mise à jour du 21/07/2021 avec l'ajout de la référence client SNCF (et retrait de la référence Trapil)

Quant à Koch Industries, l’intérêt de ces synergies est encore plus évident : plusieurs de ses filiales sont clientes d’Infor et d’Hexagon. Le géant industriel a donc réussi à sécuriser, à peu de frais, un autre de ses fournisseurs par un savant jeu d’échange.

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