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Du privé au public : Amadeus modifie sa stratégie cloud

L’éditeur Amadeus s’est rapproché de Microsoft pour accélérer son passage au cloud public. Mais pourquoi maintenant ?

Amadeus est l’éditeur de solutions verticales pour les professionnels du voyage. Sa plateforme est utilisée par les compagnies aériennes, les hôtels ou encore les loueurs de voitures pour aider leurs clients à faire des réservations et voyager en toute sérénité. 

L’infrastructure sur laquelle reposent les offres d’Amadeus a connu plusieurs transformations depuis une trentaine d’années. Parmi celles-ci, la mise hors service de ses ordinateurs centraux et l’adoption de systèmes Open source. L’éditeur s’est d’ailleurs rendu célèbre en effectuant l’un des plus grands déploiements de cloud privé en Europe. Aujourd’hui, il entreprend la migration de sa plateforme technologique vers le cloud public, une opération qui devrait se dérouler sur plusieurs années. 

En février 2021, Amadeus a désigné Microsoft comme partenaire cloud privilégié, en expliquant en détail en quoi ce partenariat contribuerait à accélérer la migration, que l’entreprise envisage de terminer d’ici trois ou cinq ans. Cette collaboration devrait en outre permettre aux deux entreprises de commercialiser des produits et services cloud développés conjointement, destinés à favoriser des « expériences de voyage transparentes ». L’accent sera mis initialement sur une coopération plus étroite entre les autorités chargées des voyages et celles de la santé. 

« La force d’Amadeus repose sur nos collaborateurs et sur notre capacité historique à repousser les limites, en offrant à nos clients des moyens toujours plus performants et innovants d’atteindre leurs objectifs », dit Luis Maroto, PDG d’Amadeus. 

« Grâce à notre longue expérience de la technologie du cloud, nous sommes convaincus qu’il s’agit de l’architecture système idéale pour concrétiser cette vision, et que Microsoft est le bon partenaire pour nous aider à atteindre nos objectifs ensemble. Ceux-ci incluent la possibilité d’explorer, de concevoir et de développer de nouvelles solutions qui tirent pleinement profit de la technologie du cloud. » 

Cela dit, le passage d’Amadeus au cloud public a dû prendre par surprise certains observateurs, étant donné que l’entreprise avait coutume de vanter haut et fort les atouts du cloud privé open source, qu’elle considérait comme un environnement de choix pour l’exécution de ses applications et autres traitements. 

Changement de stratégie cloud 

Luis Maroto a évoqué cet apparent changement de stratégie cloud lors d’une téléconférence avec des analystes, retranscrite par Seeking Alpha. Il y confirme que ce partenariat avec Microsoft ne les empêcherait pas de travailler avec d’autres fournisseurs de cloud à l’avenir. 

« Nous avons toujours évalué le pour et le contre entre cloud privé et public, et il ne fait aucun doute que les principaux acteurs du cloud public ont considérablement évolué au cours des dernières années », a-t-il concédé. 

« Il ne s’agit pas d’un partenariat exclusif, et nous ne sommes pas contraints de choisir Microsoft pour tout ce que nous entreprendrons. »
Luis MarotoPDG d’Amadeus

« Le fait que Microsoft devienne notre principal partenaire ne signifie aucunement que nous ne pourrons pas en changer par la suite. Il ne s’agit pas d’un partenariat exclusif, et nous ne sommes pas contraints de choisir Microsoft pour tout ce que nous entreprendrons. » 

Pour appuyer son propos, M. Maroto ajoute que l’entreprise continuera à collaborer avec d’autres acteurs du cloud public, tout en exploitant le vaste portefeuille technologique de Microsoft pour déployer ses propres produits et ainsi réaliser des économies pouvant être réinvesties dans son activité. 

« Nous avons l’intention de renforcer notre collaboration avec Microsoft et de tirer parti de sa technologie afin d’optimiser notre mode de fonctionnement. Ce partenariat est aussi l’occasion d’analyser la meilleure façon de combiner les fonctionnalités et outils de Microsoft avec les nôtres en vue de mettre sur le marché de nouvelles idées », explique-t-il. 

Du cloud privé au cloud public 

S’adressant au MagIT, Denis Lacroix, vice-président de la recherche et du développement de services partagés chez Amadeus, expose plus en détail pourquoi l’entreprise a décidé d’accélérer son passage au cloud public avec Microsoft. 

Actuellement, environ 90 % des traitements effectués par Amadeus sont hébergés dans son datacenter principal en Allemagne, mais certaines données sont également hébergées dans des datacenters plus petits qu’elle détient aux États-Unis et à Singapour. Le reste est exécuté dans des clouds publics « dont Microsoft Azure », précise-t-il. 

Tout comme M. Maroto, M. Lacroix reconnaît qu’en 2015, lorsque l’entreprise a commencé à s’attaquer aux technologies cloud, sa feuille de route technologique avait peu de chances d’inclure un passage généralisé au cloud. 

« À cette époque, nous avions dans l’idée de déployer certains workloads dans le cloud public et de transformer nos datacenters afin de les rendre compatibles cloud », explique-t-il. 

« En 2015, il n’était pas question de nous engager massivement dans le cloud public. Nous n’étions pas prêts, nos clients ne l’étaient pas non plus, et ce n’était simplement pas le bon moment pour tout miser dessus. » 

Mais nous ne sommes plus en 2015 et de l’eau a coulé sous les ponts entre-temps : l’attitude d’Amadeus vis-à-vis du cloud public s’est considérablement assouplie. Sans compter les réglementations sans cesse changeantes concernant la protection des données, que nombre d’entreprises de voyage avec lesquelles travaille Amadeus sont tenues de respecter. 

« De nouvelles réglementations ne cessent de voir le jour [pour nos clients] et nos clients exigent de plus en plus souvent que nous hébergions une partie de leurs données dans les régions géographiques de leur choix ou dans le pays où ils exercent leur activité », confie M. Lacroix. 

« Cette situation menace notre modèle d’exploitation historique – et toujours d’actualité – selon lequel nous servons nos clients depuis un seul pays, l’Allemagne. Ce modèle commençait sérieusement à se fissurer. » 

L’entreprise se heurtait en outre à des idées fausses, véhiculées en particulier par certains de ses principaux clients aux États-Unis, concernant sa capacité à fournir un service accessible dans le monde entier à partir de son site allemand. 

« Il n’y a aucune raison, d’un point de vue technique ou autre, qui nous empêche de servir ces clients depuis l’Allemagne, mais ils ont du mal à l’admettre [étant basés aux États-Unis]… et nous n’avons pas envie d’entrer dans ce type de discussions commerciales complexes », révèle M. Lacroix.   

« Le cloud s’est naturellement imposé comme orientation stratégique pour notre activité dans les années à venir. »
Denis LacroixVice-président de la recherche et du développement de services partagés, Amadeus

« Le cloud s’est naturellement imposé comme orientation stratégique pour notre activité dans les années à venir, car il est désormais capable d’héberger le type de produits et services que nous proposons. » 

Ce partenariat avec Microsoft permet aux clients d’Amadeus d’accéder à sa technologie depuis la soixantaine de pays dans lesquels Azure possède un datacenter. L’autre solution aurait été pour l’entreprise de mettre en place ses propres datacenters dans le monde entier afin de répondre aux exigences commerciales réglementaires de ses clients en matière d’accès local à ses plateformes, commente M. Lacroix. « Cela ne viendrait à l’idée de personne. Pas maintenant. Plus maintenant. » 

En dépit de l’effet dévastateur de la pandémie de Covid-19 sur une grande partie du secteur du voyage, notamment à cause des mesures de confinement imposées par les gouvernements dans le monde entier, M. Lacroix estime que l’urgence sanitaire mondiale n’a eu qu’une incidence infime sur les projets d’Amadeus en termes de transition vers le cloud. 

« En plein cœur de la pandémie, à l’automne dernier, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il était temps de passer massivement au cloud public, mais cela n’avait aucun rapport avec la pandémie, a-t-il affirmé. Avec ou sans pandémie, ce projet aurait vu le jour et la situation sanitaire n’a en rien influencé notre décision. » 

Carlo Purassanta, président de Microsoft France, confirme cette déclaration et fait savoir que ce projet de collaboration technologique a été évoqué il y a environ deux ans. L’idée est née du fait que les deux entreprises partageaient une même idée de ce que l’avenir réservait à l’innovation technologique. 

« À l’époque, nous avons échangé sur le fait qu’un nombre croissant d’innovations dans le secteur impliquaient une approche englobant plusieurs plateformes », révèle M. Purassanta. 

« Or l’atout d’Amadeus réside dans le fait qu’il s’agit déjà d’une plateforme. L’entreprise a toujours été une plateforme sur laquelle d’autres acteurs peuvent s’appuyer pour leurs innovations. La discussion est partie de là, puis tout s’est accéléré il y a un an, pour aboutir à une décision stratégique. » 

D’après M. Lacroix, d’autres facteurs, comme la similitude entre les deux entreprises et leur culture, ont également influencé la décision d’Amadeus d’accélérer sa transition vers le cloud public en faisant appel à Microsoft plutôt qu’à Google Cloud Platform (GCP) ou Amazon Web Services (AWS). 

« Microsoft est avant tout une entreprise B2B, ce qui est également notre cas, puisque nous ne commerçons pas avec les consommateurs. Par conséquent, nous fonctionnons plus ou moins de la même façon et partageons une culture similaire d’un point de vue commercial », précise-t-il. 

De bonnes relations de travail 

Denis Lacroix confie que Satya Nadella, PDG de Microsoft, et Luis Maroto, PDG d’Amadeus, entretiennent de bonnes relations de travail, ce qui est essentiel compte tenu des tâches qui attendent les deux entreprises. 

« Cette relation de travail [entre les PDG] est primordiale, car je suis prêt à parier que ce ne sera pas facile, ajoute-t-il. Nous allons nous heurter à des difficultés considérables, mais la confiance établie entre les deux entreprises, et jusqu’à leurs PDG, est essentielle. 

« Bien entendu, nous n’allons pas appeler M. Nadella au moindre couac, mais de savoir que notre PDG est en bons termes avec celui de Microsoft est très rassurant. Il s’agit d’un projet [le passage au cloud Microsoft] à long terme, et non d’un simple programme sur 12 mois. » 

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