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ARIS, l’autre référence du process mining

Si Software AG met moins en avant sa solution ARIS, l’éditeur allemand prétend apporter le même type de fonctionnalités que son adversaire du process mining Celonis et entend se différencier de Signavio, une solution rachetée par SAP.

Selon Forrester, ARIS est le grand concurrent de Celonis sur le marché très fragmenté du process mining : ce sont les deux seules solutions à générer plus de 100 millions de revenus annuels dans cette catégorie, estimait le cabinet en janvier 2020.

ARIS, logiciel acquis après le rachat d’IDS Sheer en 2009, est depuis plus de douze ans l’offre d’exploration des processus de Software AG. Le passif de la solution s’inscrit dans l’œuvre du professeur August Wilhelm Sheer et en parallèle de celle de Wil van der Aalst, actuel chief data scientist de Celonis et « parrain » du process mining.

À savoir que le logiciel est avant tout conçu pour la modélisation et la documentation de processus. ARIS permet de créer ou de recréer des parcours métiers ou applicatifs afin de les exécuter plus tard dans la réalité.

ARIS = gestion des processus + process mining

L’éditeur base les modèles sur les standards EPC (Event Process Chain ou chaîne de processus événementiels, inventée par le professeur Sheer) et BPMN et y associe un dépôt servant de référentiel d’entreprise. Il s’agit en premier lieu de documenter les processus, les schémas de données et les procédures d’entreprise historiquement liés à des systèmes d’information traditionnels (ERP), mais ils peuvent aussi servir à modéliser des architectures spécifiques à une organisation. 

« Classiquement, nos clients modélisent des processus procure to pay à des fins de gestion de la comptabilité ou encore des facturations des fournisseurs ».
Nicolas LinsartResponsable avant-vente ARIS, Software AG France

« Classiquement, nos clients modélisent des processus procure to pay à des fins de gestion de la comptabilité ou encore des facturations des fournisseurs. C’est un sujet assez récurrent chez beaucoup de clients, mais nous pouvons avoir des projets très opérationnels dans le monde de la pharmaceutique ou de l’industrie », indique Nicolas Linsart, responsable avant-vente d’ARIS chez Software AG France. « De manière plus marginale, nos clients gèrent des procédures liées aux ressources humaines, par exemple les parcours de recrutement », ajoute-t-il.

Si le logiciel a été imaginé pour des experts des processus, ces quatre dernières années, Software AG a porté ses efforts sur la démocratisation de son usage auprès des directions et des métiers. ARIS est désormais pensé comme une plateforme collaborative de création de processus. L’environnement proposé doit simplifier le partage de standards de l’entreprise, la réflexion sur leur conception ou leur modernisation et l’adjonction de nouvelles procédures. Ainsi, à côté de ses éditions on-premise, Software AG propose trois déclinaisons avec son offre cloud : ARIS Basic, Advanced et Enterprise. Et c’est de cette manière que Software AG souhaite se distinguer de la concurrence. « Selon les analystes de Forrester, les clients ont observé des gains de temps de 25 à 30 % de temps par rapport à une gestion des processus classiques, non centralisée », vante Nicolas Linsart.

Or les retours des utilisateurs sur Gartner Peer Insight laissent entrevoir des lacunes en matière d’interface utilisateur et de tarification que Software AG tente de gommer. Cela aussi apparaît comme un moyen de justifier un possible retard face aux fonctionnalités de process mining de la concurrence, dont Celonis et Signavio (rachetée par SAP).

ARIS vs Celonis : Software AG prend la vague EMS

Tout comme Celonis, l’éditeur entend se placer sur le marché de l’Enterprise Management System (EMS), défini par Gartner avec le concours des éditeurs. Ainsi, Software AG définit cinq niveaux d’expertise liés à la documentation, la centralisation, la gouvernance, la mesure et le contrôle, puis l’évaluation continue des processus.

Celonis évoque moins la documentation et ajoute une étape avec la prise action d’automatisation, via son partenaire ServiceNow. Forrester rappelle la possibilité d’employer un outil tiers de type low-code ou RPA pour obtenir le même résultat.

ARIS ne dispose pas non plus nativement de cette fonctionnalité. Le logiciel demeure avant tout un outil utilisé en amont de déploiements IT, de l’établissement d’un processus ou d’une refactorisation. C’est une fois qu’elles sont créées et listées qu’il est possible de superviser ces procédures, d’analyser les données. C’est un trou dans la requête que Software AG souhaite combler. L’éditeur allemand a annoncé l’entrée à son capital de Silver Lake qui y a injecté 344 millions d’euros au milieu du mois de décembre 2021. Sanjay Brahmawar, PDG de Software AG a affirmé vouloir acquérir un acteur spécialisé dans l’automatisation de flux de travail.

En revanche, les responsables français de Software AG considèrent que la possibilité de cartographier les systèmes déployés dans les entreprises couplés à la plateforme d’intégration et de développement webMethods permet déjà de prendre des actions d’automatisation du référentiel d’entreprise, de la gestion des risques et des tâches des entreprises.

« Par défaut, ARIS amène de la gouvernance pour comprendre quels sont les objets qui composent mes services métiers classés dans mon référentiel d’entreprise. Le process mining va un cran plus bas, car il nous permet de comparer la théorie à la réalité », estime Fabrice Hugues, directeur innovations et solutions chez Software AG. « Mais il ne faut pas oublier la gestion des risques afin de contrebalancer l’optimisation des processus ».

« Il ne faut pas oublier la gestion des risques afin de contrebalancer l’optimisation des processus ».
Fabrice HuguesDirecteur innovations et solutions, Software AG

De son côté, Nicolas Linsart évoque des gains financiers des utilisateurs du module de process mining d’ARIS de l’ordre de 5 à 10 %. « Certains clients ont mesuré le retour sur investissement et ont obtenu des gains ou des économies de l’ordre de centaines de milliers ou de millions d’euros sur quelques années. Finalement, quand on améliore la performance d’un processus excessivement dans l’entreprise, chaque minute ou chaque degré d’efficacité gagné est tout de suite très rentable ». Le PDG de Celonis en France évoque de son côté des phénomènes similaires chez ses clients.

ARIS permet aussi de simuler des processus afin de mieux comprendre les potentiels goulets d’étranglement. Certains utilisateurs ayant testé les fonctionnalités de simulation de Signavio considèrent que ce dernier est plus efficace. Or Signavio est désormais la propriété de SAP, qui compte le mettre largement à contribution dans le cadre de l’offre de migration en cloud Rise with SAP.

Une forme d’indépendance avec les ERP

Concernant la stratégie de SAP, Fabrice Hugues considère que « l’on ne peut pas être juge et partie » : en clair, selon le directeur, les outils de process mining doivent rester indépendants des solutions desquelles ils extraient une grande partie des données à analyser. « Software AG est un acteur indépendant de l’ensemble des applications et qui propose plus de 400 connecteurs associés à ARIS pour faciliter la vie des utilisateurs », vante-t-il.

Selon Nicolas Linsart, même si ARIS est né dans le sillon des ERP comme SAP et que beaucoup de projets concernent ce type d’environnement, « ce n’est pas le facteur exclusif de l’adoption d’ARIS », là où le PDG de Celonis France affirme que l’outil concurrent est utilisé dans 70 % des migrations vers S/4HANA ou S/4HANA Cloud.

« Il y a des questions fondamentales que l’on retrouve en permanence. Qui agit à quel moment ? Quels documents sont nécessaires ? Qu’est ce qui est fait qu’aujourd’hui, a-t-on des points de blocage ? Pourquoi a-t-on des variantes ? Tous ces sujets-là, on les retrouve partout », affirme le responsable avant-vente.

Depuis quelques années, Nicolas Linsart voit la popularité grandissante d’ARIS chez les équipes en charge du risque et de la conformité. « Nous voyons de plus en plus de départements chargés de la conformité et des contrôles des risques adopter ARIS afin d’appliquer des réglementations internes ou externes, c’est notamment le cas pour respecter le RGPD ».

Un certain manque de maturité en France

Selon les évaluations du Forrester au premier trimestre 2020, Software AG réalisait 40 % de ses revenus liés à ARIS en EMEA, 25 % en Amérique du Nord, 25 % en Amérique latine et 10 % en Asie Pacifique. A contrario, Celonis concentre son activité en Amérique du Nord (35 %) et en EMEA (63 %). L’activité de Software AG serait portée par les services financiers, les besoins gouvernementaux et ceux des services IT.

« Sur le marché français, le défi reste de développer la culture de la valeur ajoutée du processus. La démarche process n’est pas toujours spontanée ».
Nicolas LinsartResponsable avant-vente ARIS, Software AG France

En France, Software AG met surtout en avant deux clients : EDF et Sodexo. Selon le responsable avant-vente, les banques et les assurances françaises ont rapidement utilisé la plateforme pour répondre à des cas d’usage liés à des obligations légales. « Nous avons aussi un certain nombre de clients industriels dans l’aéronautique ou dans la recherche, alors que les acteurs de la distribution et de la vente au détail sont moins matures », affirme Nicolas Linsart.

Mais l’exploration des processus n’est pas encore un automatisme dans les entreprises françaises.

« Sur le marché français, le défi reste de développer la culture de la valeur ajoutée du processus. La démarche process n’est pas toujours spontanée. L’on a tendance à s’y mettre dans une situation d’inconfort alors que certains clients comprennent les bienfaits de l’anticipation pour éviter les baisses d’efficacité. Ce défi concerne les clients, les consultants, finalement tout l’écosystème », estime Nicolas Linsart.

 

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