leowolfert - stock.adobe.com

IoT : Sigfox placé en redressement judiciaire

Dans la soirée du 26 janvier, Sigfox, le promoteur d’un réseau longue portée bas débit propriétaire, a annoncé son placement en redressement judiciaire pour une période d’observation initiale de six mois. L’entreprise labégeoise cherche des repreneurs.

Le marché MtoM n’est pas le seul à souffrir des conséquences de la crise sanitaire. Sigfox aussi.

Jérémy Prince, le directeur général de Sigfox depuis février 2021, a obtenu le placement en redressement judiciaire de Sigfox SA et de l’opérateur Sigfox France SA auprès du tribunal de commerce de Toulouse. Cette procédure est assortie d’une période d’observation initiale de six mois, précise Sigfox dans un communiqué de presse.

Six mois pour trouver des acquéreurs

« Cette procédure permettra au groupe Sigfox de poursuivre toutes ses activités commerciales et de continuer ainsi à répondre aux besoins de ses clients, sous l’autorité des organes de la procédure », peut-on lire dans le document.

« La période d’observation doit permettre d’identifier, grâce à la mise en œuvre d’un plan de cession, de nouveaux acquéreurs ayant la capacité d’œuvrer pour le développement à long terme de Sigfox et de proposer un maintien des emplois », lit-on plus loin.

Actuellement, Sigfox emploie environ 350 employés.

Malgré l’augmentation du nombre de messages générés par plus de 20 millions d’objets connectés l’année dernière et « le soutien efficace des actionnaires », cette décision a été prise « en raison d’un cycle d’adoption moins rapide que prévu de sa technologie ».

« Le secteur de l’IoT a été marqué par la crise de la COVID-19 qui a ralenti l’activité sur les deux dernières années, et un marché des composants électroniques en pénurie depuis plusieurs mois. »
Communiqué de presseSigfox

Et au fournisseur fondé en 2010 de rappeler que « le secteur de l’IoT a été marqué par la crise de la COVID-19 qui a ralenti l’activité sur les deux dernières années, et un marché des composants électroniques en pénurie depuis plusieurs mois ».

Cela n’a fait qu’accélérer la détérioration de la « situation financière de l’entreprise et en particulier son niveau d’endettement », l’empêchant de poursuivre la croissance de son activité et le développement de sa technologie.

Contacté par LeMagIT, un porte-parole de Sigfox a décliné la demande d’entretien, en répondant qu’il ne fera « pas plus de commentaires à ce stade ». Sigfox préfère attendre l’évolution du « processus de reprise » avant de communiquer davantage.

La crise sanitaire n’explique pas tout

Sigfox, dont le conseil d’administration est présidé par Anne Lauvergeon depuis 2014 (ex-présidente du directoire d’Areva), avait bien dévoilé des résultats financiers en hausse de 10 millions d’euros en 2018 (70 millions, contre 60 millions d’euros l’année précédente), malgré une perte nette chiffrée à 136 000 euros. Depuis, silence radio : le fournisseur n’a plus communiqué sur son chiffre d’affaires.

En janvier 2018, SeniorAdom annonçait la signature d’un contrat de 300 millions d’euros en Chine avec la ville de Chengdu et le telco China Unicom en partenariat avec Sigfox, mais un an et demi plus tard, hormis un pilote prêt à être lancé, le projet peinait à démarrer, en raison de nombreux remaniements de contrats de la part des partenaires chinois, selon Thierry Roussel, cofondateur de SeniorAdom.

Sigfox devait alors co-construire des infrastructures avec China Unicom. Quatre ans plus tard, le fournisseur n’a pas déployé son réseau en Chine, mais uniquement à Hong Kong selon la carte de couverture figurant sur son site Web.

De fait, la mise en place d’un réseau LPWAN ad hoc capable d’offrir une couverture internationale a mis Sigfox dans une position particulière, entre la nécessité de convaincre des partenaires et de lever des sommes conséquentes. L’entreprise a collecté plus de 300 millions d’euros au total.

En 2019, Ludovic Le Moan, cofondateur de Sigfox, jugeait qu’il manquait 200 à 300 millions d’euros pour terminer la construction d’une infrastructure réseau dont le coût était déjà estimé à 500 millions d’euros.

Sans même évoquer la maintenance, ces investissements importants ont poussé l’entreprise à revendre les opérateurs qu’elle avait créés en propre ou à les céder à ses partenaires. Dans un même temps, les opérateurs français, dont Bouygues Telecom et Orange, ont préféré miser sur une technologie ouverte, portée par un consortium, la LoRa Alliance, à savoir LoRaWAN.

En septembre 2020, quelques jours après l’annonce de la vente de son opérateur allemand à un fonds d’investissement, Sigfox avait lancé un plan de sauvegarde de l’emploi entraînant la suppression de 47 postes, dont 25 départs volontaires.

En février 2021, Ludovic Le Moan a été écarté de la direction, officiellement d’un commun accord, mais ses méthodes managériales auraient laissé de mauvais souvenirs à certains employés, selon une enquête de Médiacités. Les responsables de l’entreprise avaient alors affirmé que la décision n’avait aucun rapport avec cette suite d’articles.

Depuis son arrivée, Jérémy Prince a bien tenté de redresser la barre en poursuivant la vente des opérateurs à des acteurs des télécoms, en se séparant d’infrastructures IT coûteuses à maintenir, en se concentrant sur les marchés du tracking (suivi de position dans la supply chain) et du metering (relevés de compteurs communicants) ainsi qu’en poussant la servicification de son activité.

Aujourd’hui, le réseau « 0G » de Sigfox est présent dans 75 pays et est porté par autant d’opérateurs. Selon Sigfox, plus de 5 000 clients s’appuient sur cette technologie. 

Pour approfondir sur Internet des objets (IoT)

Close