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Atos mise sur la rencontre de l’IA et de la vidéosurveillance

Après un lancement l’année dernière, Atos poursuit le développement de son offre Atos Computer Vision Platform. Le groupe français se concentre d’abord sur les usages de la vision par ordinateur au profit de la sécurité des sites et des personnes.

Atos prépare la scission de ses activités : d’un côté, le conseil et l’infogérance, de l’autre, le Big Data, la sécurité et les HPC. Au cours du premier semestre 2022, il a recruté 16 000 collaborateurs pour gonfler ses divisions Digital et Big Data & Sécurité (BDS).

Outre le fait que l’entreprise entend « soutenir la croissance attendue au second semestre », Atos mise sur des offres consacrées à l’intelligence artificielle.

En ce sens, il a réalisé ces dix-huit derniers mois différentes acquisitions pour renforcer ses rangs et se doter de logiciels « sur étagère ». Après le rachat de Miner & Kasch en 2020, il s’est emparé de l’éditeur britannique Ipsotek et du Tchèque DataSentics en 2021.

La même année, Atos lançait ODAP, (Outcome-driven AI Platform), une offre visant les directions métiers du retail, du transport et de la logistique.

En parallèle, le groupe français mettait sur pied Atos Computer Vision Platform. Cette solution pensée comme « une plateforme de bout en bout » est consacrée à l’analyse automatisée de vidéos et d’images. Atos propose une offre clé en main comprenant les logiciels, les modèles et des serveurs BullSequana pour l’entraînement et l’inférence, du serveur durci, en passant par l’appliance Edge jusqu’au HPC.

Chez Atos, près de 200 collaborateurs travaillent au développement et à la commercialisation de la plateforme de vision par ordinateur en Europe (France, Royaume-Uni, République tchèque), aux États-Unis et au Brésil.

Le cœur de l’offre repose sur la suite logicielle développée par Ipsotek : VISuite. L’entreprise londonienne a développé un ensemble d’outils consacrés à l’augmentation de la vidéosurveillance par l’IA. Ces logiciels s’accompagnent de modèles préentraînés pour différentes tâches.

Ipsotek a développé plusieurs modèles consacrés à la « sécurité des personnes et la sécurisation des sites », selon Jérôme Sandrini, SVP Global Head of 5G & AI Solutions, chez Atos.

« Nous avons aujourd’hui un nombre important de modèles de comptage de personnes, de gestion des foules (détection de mouvements de panique, de regroupement de personnes), ou encore de détection de personnes et de comportements suspects (intrusion dans des zones interdites, maraudage, etc.) », liste le responsable.

En outre, Ipsotek a développé une solution pour détecter les bagages abandonnés. « Nous travaillons beaucoup avec les aéroports et les gares ferroviaires pour la détection des bagages abandonnés et le comptage des personnes à des fins d’optimisation du trafic », déclare Jérôme Sandrini.

Reconnaissance « non biométrique »

Dans ce cadre, l’entreprise londonienne a développé une technologie nommée Tag and Track. « Cela permet d’identifier et de suivre une personne sur des bases non biométriques », indique le SVP chez Atos.

« Quand l’on évoque l’usage de la computer vision, l’on se heurte aux législations des différents pays. Par exemple, en France, la CNIL est très pointue et regardante concernant l’usage de ce type d’intelligence artificielle », poursuit-il.

Tag and Track permet d’identifier et suivre une personne en fonction de la couleur de ses vêtements, sa taille, la couleur de ses cheveux. « Si le logiciel détecte qu’un individu dépose volontairement ou oublie un bagage, l’on peut taguer l’individu sur les images de vidéosurveillance et le suivre à l’aide des caméras en associant cette information à une carte pour montrer le chemin parcouru par la personne. Et ce, sans la connaître, sans croiser cela avec des bases de données d’identification de personnes », explique Jérôme Sandrini. « Cela va permettre éventuellement au service de sécurité d’appréhender l’individu un peu plus loin ».

L’utilisation de Tag and Track réclame toutefois l’avis des autorités locales avant leur déploiement. En France, les projets entraînent des collaborations tripartites entre Atos, son client et la CNIL à des fins d’homologation.

Si Ipsotek a mis au point des technologies de reconnaissance faciale, Jérôme Sandrini assure auprès du MagIT qu’Atos a cessé leur développement. « Nous avons pris la décision de ne pas développer nos propres systèmes de reconnaissance biométrique. En revanche, nous proposons ce type de technologie en option par le biais d’un partenaire externe », précise-t-il.

De fait, Atos Computer Vision Platform intéresse les entreprises et les gouvernements des pays d’Asie et du Moyen-Orient. « Dans ces pays, les clients et les prospects n’ont pas les mêmes problématiques, les autorités sont plus souples concernant l’utilisation de la reconnaissance biométrique ».

Un intérêt croissant pour la computer vision dans l’espace public

La plateforme permet également d’accueillir d’autres cas d’usage comme la surveillance du trafic automobile (engorgement, maintien des distances de sécurité, etc.) et du stationnement dans des parkings (taux d’utilisation, stationnement non autorisé, etc.). « Nous avons également des modèles de détection de fumée et d’incendie. Nous avons par exemple déployé cette technologie dans des stations de service au Royaume-Uni », relate le SVP. « Certains clients de par le monde commencent à plébisciter ce cas d’usage combiné à la supervision du trafic et à l’optimisation d’utilisation des pompes ».

Des modèles de deep learning sur étagère permettent de détecter les violences et les chutes. Cette technologie pourrait être utilisée par des maisons de retraite, dans des chaînes de magasins ou aux abords des stades lors d’événements sportifs. « Nous avons développé un modèle capable de reconnaître un “squelette” et ses mouvements », explique le responsable.

D’autres modèles identifient les armes à feu, et les objets contondants tels des armes blanches. « Comme beaucoup, nous avons constaté les problèmes qui ont eu lieu aux abords du stade de France. Cela prêche pour une meilleure utilisation de la vidéosurveillance et de l’intelligence artificielle en amont des sites », ajoute-t-il. Les grands événements sportifs sont donc l’occasion pour Atos de recevoir des demandes ou de proposer ses services.

« Pour les autorités et les entreprises concernées, la combinaison de l’intelligence artificielle avec la vidéosurveillance est une évidence pour des raisons économiques et d’efficacité. »
Jérôme SandriniGlobal Head of 5G and AI Solutions, Atos

Cette automatisation de l’analyse de la vidéosurveillance est de plus en plus acceptée dans les pays où les caméras sont nombreuses dans l’espace public. « Pour les autorités et les entreprises concernées, la combinaison de l’intelligence artificielle avec la vidéosurveillance est une évidence pour des raisons économiques et d’efficacité », affirme Jérôme Sandrini. « Cela permet d’augmenter les capacités humaines, là où un agent aura du mal à percevoir les événements devant ses nombreux écrans ».

Toutefois, la prise de décision n’est pas automatisée : les agents sont notifiés d’une détection par des alarmes, puis prennent une action si nécessaire.

De nouveaux cas d’usage dans l’industrie, le retail et la santé

Pour autant, Atos ne veut pas simplement proposer sa plateforme de computer vision en Asie, au Moyen-Orient ou au Royaume-Uni. « Nous souhaitons développer l’activité en France, en Allemagne, aux États-Unis, au Canada et en Amérique du Sud », évoque Jérôme Sandrini. « Les cycles de ventes sont plus longs parce que les clients sont moins matures, notamment en France et en Allemagne, mais il y a une volonté forte d’adopter ces technologies jusque dans les services publics et les ministères ».

L’entreprise française peut aussi répondre à des demandes spécifiques des clients, au besoin.

« Il y a toujours la possibilité d’enrichir les modèles, soit en faisant appel à des partenaires externes, soit en recourant à nos Computer Vision Labs pour accompagner les clients concernant le traitement de leurs images vidéo et de leurs problématiques », insiste Jérôme Sandrini.

De son côté, Atos cherche à développer des algorithmes d’inspection de qualité pour l’industrie, des solutions pour les magasins « intelligents » et pour la recherche médicale.

Par exemple, au Brésil, un industriel agroalimentaire a conçu avec Atos un modèle pour inspecter la découpe des pièces de viande avant leur expédition.

Des projets débutent pour automatiser les inventaires en flux tendu dans les magasins de la grande distribution en s’appuyant sur les solutions de Datasentics.

Tout autre sujet, le groupe français débute une collaboration avec le NHS Scotland pour détecter l’épilepsie chez les enfants à partir de leurs mouvements et de leurs postures.

« Nous réalisons des POC et des pilotes avec des clients pour enrichir notre portefeuille de solutions », déclare le responsable.

Le rôle clé des partenaires

Au quotidien, les appels d’offres proviennent davantage des partenaires d’Atos. « Le marché lié à la sécurité des sites et des personnes est plus mature. Dans les entreprises, les projets sont budgétisés, les caméras sont souvent déployées : il s’agit de passer à l’intelligence artificielle », observe Jérôme Sandrini.

« Il y a tout un écosystème de partenaires incluant les sociétés de sécurité, d’intégration et d’installation de dispositifs de vidéosurveillance : Securitas, Stanley Security, Siemens, Honeywell, etc. Ce sont eux qui sont principalement consultés sur ce type d’appel d’offres ».

Atos a donc « intérêt » à travailler avec ces acteurs pour répondre aux demandes des prospects. « Souvent, les projets réclament de collaborer avec des partenaires spécialistes de la vidéosurveillance puisque nous ne pouvons répondre qu’à une partie d’un appel d’offres ».

Dans les domaines industriels, de la grande distribution et de la santé, la maturité est plus faible. Le groupe français est amené à travailler avec des partenaires IT et des cabinets de conseil, mais se positionne alors comme l’intégrateur principal.  

Atos voit aussi l’intérêt de se rapprocher des opérateurs télécoms. « Tous ces cas d’usage liés à la computer vision sont parfaits pour monétiser les investissements dans la 5G et les déploiements Edge pour les opérateurs qui n’ont pas forcément les interlocuteurs métiers dans les entreprises », estime Jérôme Sandrini. « Nous avons signé un premier accord avec Verizon aux États-Unis et nous sommes en discussion avec une dizaine d’acteurs dans le monde ».

Alors qu’Atos est en difficulté financière, la croissance de l’activité autour de la vision par ordinateur serait observée de près.

« Ce focus sur la computer vision fait partie intégrante de la stratégie et c’est un moteur de croissance potentiel qui est pris très au sérieux. »
Jérôme SandriniGlobal Head of 5G and AI Solutions, Atos

« Atos a été très clair sur sa volonté de devenir un acteur majeur de l’intelligence artificielle », répond le responsable. « Ce focus sur la computer vision fait partie intégrante de la stratégie et c’est un moteur de croissance potentielle qui est pris très au sérieux ».

Il y a toutefois une marge de progression que le groupe français doit anticiper.

« C’est à la fois une activité qui génère suffisamment de chiffres d’affaires pour attirer l’attention, et à la fois une activité sur laquelle nous parions sur les trois à cinq années à venir, étant donné les taux de croissance observés et le fait qu’elle combine stratégiquement plusieurs spécialités du groupe ».

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