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ESG et durabilité : priorités IT de 2023 ?

La durabilité est devenue une tendance opérationnelle de plus en plus visible en 2022. Cet élan devrait se poursuivre au cours de l’année à venir. Mais le contexte économique pourrait aussi faire achopper les projets.

Depuis plusieurs mois, de très nombreuses entreprises se sont engagées à mettre en œuvre des actions de développement durable pour, en premier lieu, réduire leurs émissions de carbone. Mais l’élaboration de métriques et la quantification de leurs actions restent des chantiers en cours.

D’un point de vue IT, les meilleurs acteurs de l’ERP espèrent qu’ils auront une carte à jouer en outillant ces processus. Tout comme les acteurs de la gestion de données, de l’OT, de l’IoT, de la gestion des données ou encore de la data sciences. L’ESG s’annonce en tout cas comme un potentiel relais de croissance pour tous ces fournisseurs.

Mais la pérennité, en 2023, des grands projets vers plus de « durabilité », dans un contexte de crise économique et géopolitique, et la capacité des éditeurs à aider concrètement ces projets restent deux questions ouvertes.

Un engouement justifié pour la durabilité

Pour Joshua Greenbaum, directeur d’Enterprise Applications Consulting, les démarches de développement durable sont à la fois très « à la mode » et parfaitement justifiées.

Les entreprises se fixent de plus en plus d’objectifs de durabilité parce que le monde évolue vers des règles qui les obligent à produire de manière plus « verte » et à commencer à décarboniser l’atmosphère, explique-t-il.

Mais la décarbonisation ne devient pas seulement essentielle pour faire des affaires. Elle devient aussi un business en soi. « Selon certaines estimations, le secteur de la capture du carbone dépassera la taille du secteur de la production d’énergie au cours de notre vie », rappelle M. Greenbaum.

Évidemment, cette bascule nécessitera des investissements de la part des sociétés technologiques. Celles-ci devront par ailleurs arriver à fournir des outils pour améliorer réellement la capacité des organisations à suivre la façon dont elles utilisent l’énergie ou les matériaux dans la fabrication et la distribution de leurs produits, ajoute-t-il.

Dans ce contexte, l’ERP pourrait donc jouer un rôle essentiel et devenir l’outil (ou un des outils clefs) qui motorise les projets de durabilité. Les données ERP sont en effet au cœur des processus qui jouent un rôle dans le développement durable. Signe des temps SAP a, par exemple, intégré des outils de développement durable à son offre depuis plusieurs mois déjà.

« SAP a absolument pris ce chemin », confirme M. Greenbaum. « En tant qu’éditeur européen, il le fait depuis un certain temps. Et il travaille aussi avec les gouvernements de l’UE sur des questions comme celle de la conformité » - l’Europe étant à l’avant-garde de l’ESG (par exemple avec la récente taxonomie ou la taxe carbone).

Actions en faveur du développement durable et défis économiques

Cependant, la durabilité pourrait avoir du mal à s’imposer dans l’agenda des entreprises en 2023.

« La durabilité sera un sujet. Mais il s’agira moins de sortir des platitudes pleines de bonnes intentions que de sortir des produits qui aident à gérer des éléments comme les coûts de l’énergie. »
Jon ReedDiginomica

« Avec les pressions économiques auxquelles elles sont confrontées en ce moment, ces déclarations très positives sur la durabilité pourraient ne rester que des déclarations », prévient Jon Reed, cofondateur de Diginomica, une société d’analyse IT. « Il y a trop de choses très dures qui se passent dans le monde […] Beaucoup de gens en parlent, mais ils ne vont pas forcément y consacrer d’argent ».

Là où les contraintes ESG sont moins présentes – comme aux États-Unis – il est donc probable que les entreprises vont concentrer leurs dépenses sur leurs activités traditionnelles plus que sur la durabilité. D’autant plus que ces investissements ESG ont des retombées souvent difficiles à mesurer et des ROI moins évidents, ajoute-t-il. Mais, continue-t-il, tout cela pourrait changer si les entreprises arrivent à montrer comment la durabilité permet de faire des économies et/ou de répondre à des exigences réglementaires (et donc de réduire les risques légaux).

Les éditeurs d’ERP – qui y ont un intérêt évident – pourraient aider les entreprises dans ces démonstrations. Mais, remarque M. Reed, il n’en reste pas moins que leurs offres de « sustainability » n’en sont qu’à leurs débuts. Elles ont encore beaucoup de chemin à faire matière de fonctionnalités pour atteindre la maturité.

« Il sera intéressant de voir si les éditeurs peuvent apporter des solutions concrètes qui font une vraie différence dans l’activité quotidienne de leurs clients », interroge l’analyste. « Parce qu’il n’y a aucun doute : la durabilité sera un sujet. Mais il s’agira moins de sortir des platitudes pleines de bonnes intentions dans des keynotes que de sortir des produits qui peuvent aider à gérer des éléments comme les coûts de l’énergie ».

« Les éditeurs vont être jugés là-dessus », insiste-t-il. « Ils seront crédibles s’ils donnent aux clients des outils pratiques qu’ils peuvent utiliser pour gérer leurs processus et être plus rentables », conclut l’analyste. « Sinon, cela n’apportera rien au sujet. »

Commencez par votre propre entreprise

Les questions relatives à la durabilité sont complexes, mais pour de nombreuses entreprises, le point de départ le plus évident reste le carbone lié à leurs activités. Pour Michael Lotfy, SVP Power Products & Systems chez Schneider Electric (et « Sustainability enthusiast »), la première étape consiste donc à décarboner leurs chaînes de fabrication et d’approvisionnement.

« Le développement durable doit passer du statut de question de conformité à celui de question métier, avec une valeur ajoutée bien plus importante. »
Vinnie MirchandaniDeal Architect

Lors de la récente COP27, M. Lotfy estimait que la quasi-totalité des grandes entreprises du monde entier s’était engagée à atteindre des objectifs de durabilité, mais que seulement 8 % d’entre elles avaient pris les mesures nécessaires pour y parvenir.

Pour lui, les organisations peuvent commencer par regarder chez elles, par exemple en rendant leurs bureaux plus écoénergétiques ou en utilisant des matériaux durables. Un second levier consiste à travailler avec les fournisseurs (voire avec leurs clients) pour les aider à réduire leurs émissions de carbone.

Car les actions doivent aussi se concentrer sur l’économie circulaire, une économie dans laquelle les produits sont conçus, fabriqués et distribués dans le but de rester en état de marche le plus longtemps possible et d’être recyclés en fin de vie. Par exemple, Eastman Chemical a développé une technologie appelée « recyclage moléculaire » qui permet de réutiliser les plastiques, au niveau moléculaire, ce qui évite le recyclage traditionnel consistant à les chauffer et à les recomposer. Autre exemple, la filiale de travaux publics de Bouygues, Colas produit aujourd'hui 7 millions de tonnes de granulats recyclés (sur une production totale de 37 millions), issus de chaussées ou de bâtiments démolis, pour en refaire des bitumes et des blocs de béton.

Pour en revenir à Schneider, l’entreprise utilise moins de cuivre et d’aluminium dans ses nouveaux disjoncteurs FlexSet. Et il expédie le produit avec un conditionnement plus léger et réutilisable – ce qui permettrait d’économiser environ un million de tonnes de CO2 par an.

Schneider s’efforce également d’aider ses fournisseurs de premier rang en Amérique du Nord à décarboner leurs activités, via une filiale indépendante, pour leur expliquer quelles sont leurs émissions de carbone et quelles mesures ils peuvent prendre pour les réduire.

L’initiative est technologique, mais pas que. « Chez nous, cela vient de la direction », précise Michael Lotfy, « c’est une véritable culture d’entreprise ».

Collectez les données

Les données deviendront l’un des piliers pour mener à bien les démarches de développement durable.

Poussées – ou tirées – par les exigences en matière de reporting ESG, les dirigeants et les conseils d’administration attendent des données détaillées et précises sur des points comme les types et les quantités de matériaux utilisés dans les emballages.

Tous les analystes s’accordent à dire que les entreprises – leurs DSI, mais aussi leurs DAF – vont devoir collecter et intégrer des données de différentes applications et de différents systèmes de stockage, puis les enrichir avec des sources externes (comme des informations démographiques ou géographiques).

L’Europe est en avance. Mais un peu partout dans le monde, des réglementations vont imposer une pression sur les organisations pour qu’elles fonctionnent et agissent de plus en plus manière plus durable… Cela étant, les effets pourraient ne pas se faire sentir tout de suite, estime Vinnie Mirchandani, fondateur de Deal Architect.

En effet, chaque administration élabore ses propres règles. Il n’y a pas aujourd’hui de critères, de normes ou d’indicateurs standardisés. De nombreuses organisations rechigneront à se lancer dans une telle complexité si elles n’en voient pas un bénéfice.

Sur ce point, M. Mirchandani rejoint d’ailleurs M. Reed. « il faut que les entreprises trouvent un moyen de traduire tout cela financièrement ; là, le concept deviendra beaucoup plus réel », entrevoit-il. « Le développement durable doit passer du statut de question de conformité à celui de question métier, avec une valeur ajoutée bien plus importante ».

Article publié le 28/12/2022 et mis à jour le 29/12/2022

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