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Automotive Cloud : Salesforce espère convaincre la filière automobile

Lors de Dreamforce 2022, Salesforce a présenté son douzième vertical, Automotive Cloud. La deuxième mouture du produit est disponible dans la mise à jour Spring’23 de la plateforme CRM et Salesforce compte bien séduire ses clients existants et des nouveaux venus de la filière automobile.

Le terme transformation est largement galvaudé. Cela est beaucoup moins vrai quand il est apposé au secteur de l’automobile. À l’injonction de produire des véhicules moins polluants (initiative précipitée par le Dieselgate), s’ajoute la concurrence de nouveaux constructeurs tels Tesla qui ont su prendre la vague de l’électrification et de la numérisation de l’expérience de conduite. Dans ce domaine, les constructeurs s’améliorent. Les véhicules sont de plus en plus connectés et autonomes.

En sus de l’expérience de conduite, les automobilistes attendent également que l’expérience d’achat, notamment sur le Web, suive. En la matière, la méthode Tesla est radicale : il est très facile de se procurer un véhicule en ligne, mais le contact avec le personnel en « concession » est minimal, voire inexistant.

Or, selon le rapport « Trends In Automotive » réalisé par Salesforce auprès de 500 responsables du secteur, « seul un quart des constructeurs et concessionnaires estiment que leur entreprise s’est bien adaptée au modèle de la vente en ligne ». Pis, selon McKinsey, seul un tout petit pour cent des clients sont pleinement satisfaits de leur expérience d’achat d’un véhicule. Les concessionnaires sont particulièrement menacés, juge le cabinet de conseils : 88 % des clients estiment qu’ils ne survivront pas aux prochains bouleversements des concepts de mobilité et de ventes de voitures.

Malgré tout, les professionnels du secteur sont pratiquement tous convaincus (93 %) que les données « first party » récoltées auprès de leurs prospects et clientèles « leur permettront d’améliorer considérablement leur expérience client globale », lors de la phase de découverte, d’achat, de financement et d’après-vente.

C’est donc un peu tardivement que Salesforce a compris tout l’intérêt de proposer des solutions câblées pour les constructeurs, les équipementiers, les captives financières (les organismes de crédit automobile) et les concessionnaires.

Le 17 octobre dernier, l’éditeur a lancé Automotive Cloud, un package présenté comme un « CRM sur étagère pour les professionnels de l’automobile ».  Cette surcouche spécifique est bâtie à l’aide de Sales Cloud, Service Cloud et Experience Cloud.

Qu’est-ce que Salesforce Automotive Cloud ?

Tout d’abord, Automotive Cloud doit permettre de gérer les opportunités (leads) et les rediriger vers les bons concessionnaires, ainsi que de suivre les performances des entités, des membres d’un réseau de vente. Les responsables des ventes peuvent partager des vues et des opportunités aux agents via Experience Cloud.

La fonction Automotive Cloud Intelligence fournit des tableaux de bords préconstruits à l’aide de CRM Analytics (ex- Tableau CRM) avec des indicateurs clés de performance (KPI) préconfigurés. Les responsables des ventes d’un constructeur qui travaillent avec plusieurs concessionnaires « peuvent consulter les accords, des prévisions de vente, les mesures incitatives et les inventaires afin de prendre des actions pour influencer les ventes », dixit Salesforce.

Les concessionnaires, eux, peuvent utiliser d’autres tableaux de bord pour consulter les produits les plus vendus par catégorie (voitures, services, accessoires) et la « santé » de leur activité. Une autre vue permet d’identifier les opportunités qui méritent l’attention des concessionnaires et des marques.

Les gestionnaires de flotte ont pour leur part accès à un tableau de bord pour obtenir l’ensemble des informations nécessaires à la gestion des rappels, des garanties ou des réparations de leurs véhicules. En bêta, Salesforce propose aux vendeurs un outil de recommandations pour les alerter quand relancer un client ou lui proposer un service qui parait correspondre à son profil.

En ce qui concerne le cycle après-vente, Automotive cloud fait figurer la plupart des informations concernant un véhicule ( garanties, historique de réparation, immatriculation, etc.) dans la « Vehicle Console ». La « Driver Console » permet d’accéder aux données des automobilistes ainsi que de leurs foyers (les membres de sa famille). Une autre vue est en cours de développement pour les captives financières. L’Automotive Data Foundation, lui, doit faciliter le partage de données entre un constructeur, un équipementier et les réseaux de concessionnaires. Le tout permet de gérer et d’automatiser en partie des processus spécifiques au monde de l’automobile.

Des modèles de données peu communs pour un CRM

Le plus gros travail effectué par Salesforce concerne les modèles de données sous-jacents. « Pour faire simple, un modèle de données d’un CRM établit des relations entre des comptes, des contacts et des opportunités », résume Éric Prince, Regional Vice President Automotive chez Salesforce France. « Dans l’automobile, c'est un peu différent. Il y a un écosystème : les concessionnaires, les agents, le véhicule, la notion de foyer – ce qui est nouveau pour un CRM – et la gestion financière », liste-t-il.

Concernant le modèle de données lié au foyer, celui-ci doit permettre d’établir si les membres d’une même famille utilisent un véhicule, puis de pousser des services ou des produits supplémentaires en conséquence. « Par exemple, il est possible de proposer aux parents d’un enfant de 16 ans qui vient d’obtenir son code de la route une voiture sans permis », illustre Quentin Hurtard, Lead Solution Engineer chez Salesforce France.

Encore une fois, il s’agit de fournir une vision à 360 degrés du client, mais aussi, à l’avenir, de son véhicule. Il est déjà possible de concevoir des catalogues de véhicules, de pièces et des accessoires. Ces éléments peuvent être rattachés à certains comptes, catégorisés en familles, afin d’associer la bonne partie prenante dans le processus de vente d’un produit. Exemple fictif avec un vrai client de Salesforce : Automotive Cloud pourrait ainsi servir à Fiat (groupe Stellantis) à lier la vente d’une Fiat 500 avec ses accessoires officiels conçus et fournis par Mopar, la filiale de distribution de pièces détachées du groupe. La même chose pourrait être réalisée dans une démarche SAV pour l’entretien ou la réparation de la célèbre citadine auprès d’un réseau de réparateur agréé.

Plus tard, il s’agira de remonter les données télématiques et d’infodivertissement, c’est-à-dire les informations partagées par les automobilistes auprès des constructeurs. Salesforce entend se préparer aux deux nouvelles donnes que sont le SDV (Software Defined Vehicle) et le VaaS (Vehicle as a Service), deux approches popularisées par Tesla. En clair, le véhicule repose sur un châssis technologique – une infrastructure littéralement capable d’accueillir des conteneurs virtualisés – à partir duquel il est possible d’activer (moyennant finance) d’héberger des options contrôlées par voie applicative : siège chauffant, services d’assistance, autonomie supplémentaire, programmes de divertissement, etc.

Cela passera entre autres par Genie for Automotive, en cours de développement chez Salesforce. « Cela permettra de capter l’ensemble des données du véhicule et de les incorporer au sein de la plateforme Salesforce en temps réel pour faciliter leur exploitation par les organisations de l’industrie automobile », affirme Quentin Hurtard.

 D’autres fonctionnalités sont prévues sur la feuille de route 2023 et devraient être disponible au cours de l’été.

Déployer un CRM « auto » en moins de six mois

Comme à son habitude, Salesforce affirme s’être inspiré des meilleures pratiques du marché pour proposer une solution simple à prendre en main.

« Là où la mise en place d’un projet Salesforce pouvait prendre un an, voire plus, nous pensons que nous pourrons réaliser des déploiements d’Automotive Cloud en moins de six mois ».
Éric PrinceRegional Vice President Automotive, Salesforce France.

Selon le responsable, Automotive Cloud est surtout là pour accélérer la mise en œuvre des projets. « Là où la mise en place d’un projet Salesforce pouvait prendre un an, voire plus, nous pensons que nous pourrons réaliser des déploiements d’Automotive Cloud en moins de six mois », estime Éric Prince. Cette accélération ne se fera pas sans les partenaires que sont Capgemini, Deloitte Digital, Pwc, ou encore Tata Consulting Services, pour ne citer qu’eux.

Par exemple, il faut créer manuellement les objets correspondant aux véhicules et aux pièces détachées. Selon Eric Prince, Salesforce collabore avec les éditeurs de DMS (Dealer Management System), de WMS ou de PLM pour intégrer les données en provenance de ces outils dans Salesforce. « Certains de ces acteurs réécrivent ou prévoient de réécrire leurs solutions sur notre plateforme », affirme-t-il.

Dans la plus pure tradition Salesforce, le tout est personnalisable suivant les « besoins spécifiques du client », en exploitant les fonctionnalités des différents outils de l’éditeur.

Salesforce doit convaincre les réseaux de la filière

Automotive Cloud est donc une extension pour les clients existants, mais intègre les licences de Sales Cloud et de Service Cloud pour les nouveaux utilisateurs. Or les entreprises du secteur automobile qui utilisent de longue date le CRM, comme c’est le cas de Renault et de sa captive financière Mobilize ou de MAN, constructeur de véhicules industriels et filiale de Volkswagen, ont déjà fortement personnalisé les déploiements des outils Salesforce. Certains passent par les extensions proposées par les éditeurs spécialisés depuis la place de marché App Exchange.

Selon Éric Prince, un des principaux concessionnaires au Royaume-Uni a déjà déployé Automotive Cloud. Une dizaine de clients auraient déjà fait le choix d’adopter la solution. « Chez les constructeurs, quelques grands noms ont déjà fait le choix de l’implémenter. Certains sont déjà clients, il y a donc une phase de bascule à opérer », relate le Regional Vice President Automotive chez Salesforce France. En France, les discussions avec les acteurs du secteur sont en cours.

Avec ses clients, Salesforce effectue une analyse des écarts entre l’existant et son offre, tente d’évaluer « l’effort d’évolution ». Le problème est moins technique qu’humain, selon Éric Prince. « Automotive Cloud se comporte comme un package managé que j’installe sur mon instance Salesforce. J’hérite des objets de données et de case management spécifiques et j’ai accès aux vues développées pour l’occasion », indique-t-il.

« L’analyse des écarts permet de statuer si je remplace ou si je fais cohabiter des éléments existants ».
Éric Prince Regional Vice President Automotive, Salesforce France

Toutefois il y a un effort de paramétrage qui demande de faire appel aux intégrateurs. « L’analyse des écarts permet de statuer si je remplace ou si je fais cohabiter des éléments existants – évidemment, un client n’est pas obligé de tout remplacer – puis, de faire une estimation de charge pour savoir combien de temps cette bascule prendra ».

En réalité, la coexistence de l’existant et des nouveaux assets Salesforce semble nécessaire. Si tous les membres d’un écosystème ne manipulent pas les mêmes objets, en clair s’ils n’adoptent pas tous Automotive Cloud, la solution perd en intérêt. C’est tout le jeu de l’éditeur de convaincre les membres d’un même réseau.

Commercialement, il s’agit de modifier le statut des utilisateurs Sales et Service Cloud vers la nouvelle solution. Automotive Cloud comporte deux options d’abonnement annuel : l’une est facturée 300 dollars par utilisateur par mois, l’autre 450 dollars par mois par utilisateur. Ce sont des prix « catalogue ». « Cela ne perturbe en rien le contrat existant des clients, [cela entraîne] juste une négociation commerciale », assure Éric Prince.

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