KubeCON 2023 : Rancher est désormais l’interface métier des containers

La filiale de Suse à l’initiative des composants techniques gratuits K3s et de Longhorn veut développer à présent des consoles d’administration universelles, taillées pour les activités et non pour les informaticiens.

Remise des pendules à l’heure. Non, Rancher n’est pas cette division de Suse qui se contente de mettre au point le mini-Kubernetes K3s et le système de stockage persistant Longhorn pour les containers. Sa véritable ambition est à présent d’être la console de contrôle de tous les marchés verticaux qui utilisent Kubernetes pour transformer leurs activités. Cela va des industriels qui pilotent des machines-outils à partir de mini-clusters de serveurs, aux télécoms qui maintiennent des antennes connectées, en passant par la grande distribution qui veut automatiser aussi bien ses boutiques que ses entrepôts.

C’est à peu près la manière dont l’éditeur Rancher s’est présenté au public du salon KubeCON 2023, dédié à l’écosystème Kubernetes, et qui se tenait mi-avril à Amsterdam. Soit trois ans après son rachat par Suse, qui se félicitait à l’époque d’acquérir un spécialiste de Kubernetes pour le Edge computing, dans le but de compléter son catalogue de produits Linux.

Lors d’une interview avec LeMagIT, Tom Callaway (en photo), le directeur des produits chez Rancher, explique qu’imposer un Kubernetes pour les serveurs Edge n’est pas son sujet et qu’il n’est pas non plus question que son entité serve de cheval de Troie pour vendre, derrière, des licences SLES, le Linux de Suse.

« Les entreprises veulent utiliser différentes distributions Kubernetes pour différents usages et nous n’allons certainement pas les en empêcher. Notre conviction est que la valeur de Kubernetes est dans la gestion des clusters. Mais si vous prenez la console d’OpenShift, par exemple, hé bien vous serez obligé de déployer OpenShift sur tous vos clusters, quelle que soit leur fonction. Nous sommes l’acteur qui est le plus contre le verrouillage des entreprises sur une technologie », lance-t-il.

Tout miser sur la personnalisation de la gestion des clusters

En définitive, Rancher pourrait être vu comme ce concurrent de Red Hat OpenShift et de VMware Tanzu qui aurait renoncé à promouvoir ses propres composants fonctionnels – le Kubernetes « classique » RKE (qui orchestre des containers Docker), le Kubernetes « durci » RKE2, le système de stockage Longhorn (SDS), le système d’infrastructure hyperconvergée Harvester – au profit de la seule console de gestion de l’ensemble, appelée Rancher tout court. Celle-ci a comme principal intérêt d’être personnalisable à souhait, ce qui n’est pas le cas des consoles d’OpenShift et de Tanzu.

La console Rancher repose sur un socle technique, appelé Elemental, conçu pour enrichir le pilotage et le contrôle des clusters avec des vues métier. Par exemple, il s’agit de représenter les applicatifs dans une usine non pas comme des containers Docker qui s’échangent des API et des données, mais comme des machines-outils qui fonctionnent avec un certain rendement.

Les possibilités comprennent le fait de remodeler complètement l’interface graphique de gestion des clusters avec des éléments qui parlent plus aux métiers qu’aux informaticiens ou aux développeurs.

« Le modèle que nous voulons suivre pour la gestion des clusters Kubernetes : masquer la complexité technique derrière une interface pensée pour les activités commerciales. »
Tom CallawayDirecteur des produits, Rancher

A priori, il s’agit pour Rancher de devenir le nouveau SolarWinds, devenu leader des plateformes de gestion des flottes de serveurs avec, déjà, une console entièrement personnalisable pour les métiers.

« Sauf que nous ne voulons pas devenir le nouveau Solarwinds qui se fait hacker. C’est pourquoi nous proposons les composants les plus à jour sur Github, en libre accès, et ceux qui sont certifiés depuis un dépôt privé, uniquement accessible aux clients de Rancher Prime », commente Tom Callaway, en citant le nouveau nom de la version payante de Rancher.

Notre interlocuteur veut aussi se comparer à Salesforce, un autre géant informatique qui mise tout sur la personnalisation de son interface : « pratiquement personne n’utilise la version de base de Salesforce. Tout le monde passe par des vues personnalisées selon les exigences des entreprises, des métiers. C’est le modèle que nous voulons suivre pour la gestion des clusters Kubernetes : masquer la complexité technique derrière une interface pensée pour les activités commerciales », martèle-t-il.

10 000 utilisateurs attirés par les outils gratuits

Reprenons. La stratégie de Rancher consiste à attirer sous sa marque quantité d’utilisateurs – il en revendique aujourd’hui 10 000 – grâce à des offres gratuites qui remplissent un besoin précis, puis à s’imposer dans l’esprit des utilisateurs conquis comme une solution de référence.

Un peu moins de 1 000 entreprises, dont Orange, auraient ainsi souscrit à son offre payante, qui apporte un support personnalisé, des documentations exclusives et – c’est la nouveauté de Rancher Prime – des composants validés à la lumière de différentes réglementations, qui ne sont téléchargeables que depuis un dépôt privé.

Rancher a d’abord fait parler de lui en 2019 en lançant l’une des premières versions de Kubernetes taillées pour les petites machines, K3s, idéale pour exécuter des containers depuis le microserveur d’objets connectés ou de machines-outils. C’est ce premier succès qui a convaincu Suse de le racheter, en 2020. Puis, K3s a été offert à la communauté Open source CNCF, qui pilote les évolutions de Kubernetes. Le nom de cette distribution n’est plus précédé de la marque Rancher, même si l’éditeur concède y apporter encore 90 % des évolutions.

À l’occasion de l’édition 2023 du salon KubeCON, Rancher refait parler de lui avec une nouvelle campagne de formations sur Kubernetes – avec certifications à la clé – que tout le monde peut suivre gratuitement en ligne. Le programme est baptisé Rancher Academy.

« Nous proposions des formations gratuites dès le départ. Mais ce programme a été mis en sommeil au moment où nous avons été rachetés par Suse, car je pense qu’il concurrençait les propres programmes de formation que commercialisait Suse. Après trois ans de flottement, nous l’avons reconstruit et nous le relançons aujourd’hui », se félicite Tom Callaway.

L’enjeu de créer un standard pour les déploiements verticaux de Kubernetes

 « Nous nous positionnons plus sur le plan industriel que sur celui de l’édition de logiciels. »
Tom CallawayDirecteur des produits, Rancher

À la décharge de Suse, il faut bien avouer que, dans l’esprit de la plupart des observateurs interrogés par LeMagIT, Rancher était jusque-là plus connu pour sa capacité à produire gratuitement K3s et Longhorn, que pour ses ventes d’une console d’administration personnalisable à merci.

Un sentiment dont Rancher avait hâte de se séparer. D’autant que ses ambitions sont grandes. « Nous nous positionnons plus sur le plan industriel que sur celui de l’édition de logiciels. Dans les telcos, comme chez les constructeurs d’automobiles, nous portons l’espoir de créer un standard de déploiement Kubernetes pour tout le secteur », assure Tom Callaway.

Les prochaines évolutions de Rancher devraient comprendre le support des architectures ARM, très utilisées dans les équipements connectés, et la certification de la plateforme Rancher pour une succession de réglementations, notamment militaires.

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