Suse veut faire de Rancher le Kubernetes des machines edge

L’éditeur lance sous la marque Rancher un système de stockage qui permet aux petits ordinateurs installés sur les sites de production de fonctionner comme les serveurs des datacenters.

Rancher, l’éditeur Kubernetes que Suse a racheté en juillet dernier publie une version 1.1, de son système de stockage Longhorn, qui est plus particulièrement dédiée aux infrastructures edge, à savoir l’informatique des succursales et autres sites de production distants du siège. En particulier, cette nouvelle version est compatible avec les machines ARM : elle permet aux Raspberry Pi, qui pilotent des caméras de surveillance, comme aux serveurs légers, qui consomment peu, de basculer automatiquement sur leurs disques locaux quand la communication est coupée avec le siège.

Rancher Longhorn 1.1 bénéficie par ailleurs d’un dispositif d’installation du stockage tout automatisé afin d’être utilisable par des développeurs sans qu’ils aient besoin de faire de l’administration système. L’éditeur avance que de telles facilités sont nécessaires, dans un contexte où l’informatique edge est surtout utilisée par les équipes DevOps, notamment pour déployer des fonctions d’intelligence artificielle sur les objets connectés.

« Le principal problème des développeurs à l’heure actuelle est qu’ils perdent effectivement beaucoup de temps à configurer le stockage des équipements edge pour qu’il soit lui aussi utilisable par leurs applications en containers. Et, ce, même quand les besoins de stockage sont basiques », commente Torsten Volk, analyste au bureau Enterprise Management Associates. « Longhorn 1.1 est manifestement une réponse pour exécuter de manière fiable les applications Kubernetes en edge, sans qu’il soit besoin d’écrire du code spécifique à la machine sous-jacente. »

Dans sa version basique, Kubernetes est conçu pour que les applications envoient leurs données, via un protocole web, à un service de stockage distant. L’intérêt de cette technique est que l’application en container peut dès lors être exécutée n’importe où ; il suffit juste qu’il existe une connexion réseau entre la machine qui exécute le container et celle qui offre le service de stockage. Mais à l’échelle d’une entreprise qui multiplie les succursales, les connexions réseau sont susceptibles de connaître des coupures.

Les systèmes de stockage persistant comme Rancher Longhorn, ajoutent la capacité d’écrire et de lire les données sur des disques locaux, moyennant la contrainte d’insérer dans le code de l’application des ordres de stockage spécifiques à ces disques, typiquement le nom des volumes tels qu’ils sont montés sur un serveur Linux. C’est cette contrainte qu’adresse plus particulièrement la version 1.1 de Rancher Longhorn.

L’enjeu d’incarner le Kubernetes de l’informatique edge

Selon Torsten Volk, l’informatique edge devrait connaître de forts développements à partir de cette année, notamment du fait de l’installation d’antennes 5G qui favorisent les communications entre un site de production sans datacenter et l’informatique du siège. Il cite également la popularité croissante des objets connectés dans des secteurs comme la grande distribution, l’industrie, les transports et les télécoms.

Surtout, les analystes pointent que, au-delà de Longhorn qui ne concerne que le stockage, Rancher Labs édite surtout un système Kubernetes, k3s, particulièrement léger et donc tout à fait adapté aux petites machines déployées en edge.

« Les environnements edge sont souvent à ressources limitées, ce qui fait que Kubernetes, qui exécute les applications en containers plutôt qu’en machines virtuelles, leur est particulièrement adapté », estime Gary Chen, analyste chez IDC. « Si un système de stockage est livré avec pour utiliser les disques des machines locales elles-mêmes, cela répond d’autant mieux aux attentes des entreprises qui ne voudront probablement pas investir dans une solution spécifique, comme une baie de disques externe vendue avec un pilote Kubernetes. »

Rancher s’est concentré sur l’informatique edge relativement tôt, mais il est probable que les autres acteurs de Kubernetes proposeront à leur tour des versions adaptées aux petites machines, avec processeur ARM ou avec des disques internes, dès cette année.

« Tous les grands fournisseurs de Kubernetes sont conscients de l’importance d’inclure une gestion des données qui reste cohérente, quel que soit l’usage, en cloud comme en edge », estime Torsten Volk. Il cite en particulier Red Hat avec OCS.

Longhorn n’est pas strictement lié à k3s, le Kubernetes de Rancher. Il peut fonctionner seul et s’adapte à la plupart des distributions Kubernetes. Cependant, les analystes ont plutôt tendance à penser que Longhorn reste le plus intéressant au sein de l’offre Rancher :

« Je vois Longhorn avant tout comme le composant d’une plateforme Rancher complète, plutôt que comme un produit de stockage autonome pour l’informatique edge. »
Arun ChandrasekaranAnalyste, Gartner

« Rancher a la vocation de créer une plate-forme système complète pour l’edge, avec un temps d’exécution à l’échelle du container, un système d’exploitation léger, une orchestration qui reste fluide avec peu de ressources et une couche de stockage persistant intégrée », pense Arun Chandrasekaran de Gartner. « Par conséquent, je vois Longhorn avant tout comme le composant d’une plateforme Rancher complète, plutôt que comme un produit de stockage autonome pour l’informatique edge. »

Et au-delà : un système pour infrastructures hyperconvergées Kubernetes

Longhorn a débuté au sein de Rancher Labs en 2016 et la société en a fait don à la Cloud Native Computing Foundation (CNCF) en octobre 2019. Longhorn a été publié en version stable 1.0 en juin 2020. Tandis que Longhorn évoluait lentement, des options de stockage Kubernetes similaires, mais plus adaptées aux déploiements en cloud ou en datacenter, ont proliféré. Citons par exemple Portworx, racheté il y a peu par Pure Storage, Ceph que Red Hat a le premier adapté à Kubernetes via OCS, Robin.io, Astra de NetApp et bien d’autres.

« Des entreprises utilisent Longhorn en cloud. Mais l’approche la plus intéressante est certainement dans les datacenters où les entreprises assemblent des serveurs en cluster et se servent de Longhorn pour en faire une infrastructure hyperconvergée sur une base Kubernetes », dit Sheng Liang, le co-fondateur de Rancher Labs et actuel président de l’ingénierie et de l’innovation chez Suse.

Les infrastructures hyperconvergées sont des serveurs en cluster dans lesquels on simule une baie de stockage commune à partir des disques internes à chaque serveur. D’ordinaire, une infrastructure hyperconvergée fonctionne avec des machines virtuelles – citons Nutanix ou VxRail – lesquelles sont plus gourmandes en ressources que les containers de Kubernetes.

Des startups, comme Scale, expérimentent en ce moment le fait d’installer des infrastructures hyperconvergées miniatures dans les succursales.

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