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Slack veut être « la Suisse » des agents d’IA et des applications
Lors de Dreamforce 2024, Slack a démontré qu’il se rapproche de plus en plus des outils de Salesforce. Dans un même temps, la filiale souhaite conserver son ouverture originelle. Et c’est particulièrement le cas au sujet de l’IA générative.
Un bras de fer. En tout cas, c’est ce qu’aimerait Marc Benioff, cofondateur et CEO de Salesforce. Le résultat de l’affrontement entre Dynamics et Salesforce semble évident : le géant du CRM conserve une longueur d’avance. En revanche, ce n’est pas toujours le produit le plus ergonomique qui l’emporte. En l’occurrence, l’issue de l’affrontement entre Slack et Teams semble moins avantageuse pour Salesforce. L’hégémonie de la licence Office empêche de faire de Slack l’Outil de collaboration présent dans toutes les entreprises (ou dans toutes les entités d’une organisation).
Malgré son show devant la presse lors de Dreamforce 2024, l’on peut supposer que le Patron de Salesforce et ses vice-présidents le savaient : il serait difficile de déboulonner Teams. En revanche, faire de Slack un compagnon des « Cloud » Salesforce, in fine, un Cloud comme un autre, celui de la communication et de la collaboration interne, est un plan qui peut tenir la route.
Visuellement et techniquement, Slack a les arguments pour. Ainsi, Salesforce poursuit les intégrations d’un de ses produits phares, Sales Cloud, dans Slack. L’extension Slack Sales Elevate permet aux équipes de vente de visionner et d’éditer les opportunités, les informations sur les comptes, de consulter l’historique des interactions avec les clients. Bref, un commercial peut réaliser une grande partie des actions (mais pas toutes) accessibles depuis le CRM. Les modifications de données sont bidirectionnelles : une information modifiée dans le CRM apparaîtra dans Sales Elevate et vice-versa.
L’intégration entre Slack et Sales Cloud s’étoffe
Slack y ajoute des canaux Salesforce. Ceux-ci « relient » la base de données du CRM aux conversations échangées dans Slack. Ces canaux permettent non seulement de partager une opportunité, mais aussi d’effectuer le suivi avant, pendant et après la vente avec différents rôles. « Avant un appel à un client, un commercial peut y retrouver toutes les informations nécessaires, ainsi que les potentiels cas ouverts par le client », présente Julien Simiand, Strategic Principal Solution Engineer chez Slack.
Le système de métadonnées de Salesforce permet de faire respecter les autorisations d’accès aux données dans Slack. Plus tard, Salesforce prévoit d’intégrer directement ces canaux dans l’interface de Sales Cloud.
Par ailleurs, le géant du CRM prépare une offre intégrant Slack, Sales Elevate et les canaux dans l’offre Starter Park, une solution qui cible les PME et les startups. Elle pourrait devenir plus qu’une simple intégration.
« Lors de la création d’une entreprise, les premiers outils que les gens achètent sont souvent des applications comme Slack, Notion ou Jira », observe Rob Seaman, SVP Product Enterprise, chez Slack, lors d’un point presse. « Nous souhaitons que Salesforce Starter devienne le CRM de référence à ce stade ».
« Notre objectif est de proposer une offre groupée permettant aux entreprises de démarrer avec Slack et un CRM dès le départ, puis d’évoluer vers des intégrations Salesforce plus poussées », poursuit-il.
« Nous envisageons également de rendre ces expériences Salesforce plus indépendantes des applications traditionnelles, afin qu’elles soient utiles à un plus grand nombre de personnes. C’est un défi, mais c’est une direction vers laquelle nous pourrions nous orienter ».
Les agents Agentforce et d’autres s’immiscent dans les conversations Slack
Place, maintenant, à l’éléphant dans la pièce. Évidemment, Salesforce entend intégrer ses agents d’IA générative Agentforce dans Slack. Lors des démonstrations « live » auxquelles LeMagIT a pu assister, Agentforce s’appelait encore… Einstein Copilot. Un détail qui sera bientôt corrigé et l’est déjà sur les illustrations fournies par l’éditeur.
« Agentforce peut renseigner sur la progression d’opportunités et de dossiers, proposer des recommandations, rédiger des e-mails et des plans d’action, ou encore partager ces détails dans un message direct ou un canal », affirme Slack, dans un communiqué de presse.
En revanche, ces agents peuvent, pour le moment, n’interagir qu’avec les données présentes dans Data Cloud et les Orgs Salesforce. La bêta de cette intégration débutera en octobre.
Mais il faudra aussi compter sur des agents tiers qui s’apprêtent à débarquer sur la marketplace de Slack. Adobe Express, Amazon Q Business, Claude, Asana, Box, Cohere, Perplexity, Workday et Writer seront les premiers à proposer ces assistants. Par exemple, l’agent de Workday permettra d’accéder « aux tâches et informations relatives aux dossiers financiers et RH » depuis les conversations Slack. Celui d’Asana devrait permettre d’obtenir des informations et des recommandations sur les tâches en cours.
« Nous restons ouverts aux tiers », insiste Rob Seaman. « Nous sommes les Suisses de l’intégration ». Et de rappeler la présence de 2 600 partenaires proposant des solutions dans la marketplace Slack (ex-App. Directory). De fait, tous les clients de Slack ne sont pas des clients de Salesforce.
Rob SeamanSVP Product Enterprise, Slack.
Ce n’est pas tout. Slack mise avant tout sur Slack AI (ex Slack GPT). Disponible en tant qu’extension payante, ce module active depuis quelque temps des fonctions de résumé et de recherche à l’intérieur des conversations et des canaux Slack. Plus de 600 millions de messages ont été résumés depuis son déploiement, ce qui permettrait de faire gagner 1 h 30 par semaine aux collaborateurs, selon les mesures de la filiale de Salesforce.
D’ailleurs, les utilisateurs des canaux Salesforce pourront bénéficier de résumés des échanges ou de l’historique de propositions effectués à un client.
Bientôt, Slack AI pourra générer des réponses à partir de fichiers partagés dans Slack (canevas, transcriptions, fichiers Google Drive, Microsoft One Drive/Sharepoint, documents tiers, etc.) Ici, Slack propose un RAG (Retrieval Augmented Generation) managé.
Dans ce registre, Slack propose une fonction de prise de notes à partir des appels Huddle, un système qui résume les éléments clés d’une conversation audio en reprenant des citations et désignant des actions à prendre sous la forme d’un canevas (un espace de travail/de présentation d’informations) pouvant être partagé dans un canal ou dans une conversation.
Pour l’heure, Agentforce et Slack AI évoluent dans deux environnements séparés. « Prochainement, nous ferons en sorte qu’Agentforce est accès aux mêmes données que Slack AI », avance Julien Simiand.
Maîtriser l’expérience utilisateur et la sécurité des agents
Par rapport aux Copilot de Microsoft, Rob Seaman pense que Slack a deux avantages majeurs : son expérience utilisateur et sa posture de sécurité.
« D’abord, en interne, nous considérons que notre avantage concurrentiel durable repose avant tout sur la qualité de notre expérience utilisateur », déclare-t-il. « Nous accordons une attention particulière aux moindres détails pour garantir une expérience fluide et intuitive ».
Pour autant, Rob Seaman n’est pas sûr que la représentation actuelle des agents est la bonne. « Je ne vais pas mentir, nous ne maîtrisons pas encore parfaitement l’UX des agents », indique-t-il.
Rob SeamanSVP Product Enterprise, Slack.
« Certains éditeurs leur ont donné une forme humaine et cela ne s’est pas bien passé. D’autres les représentent sous forme de bots. Nous avons tenté les deux, mais je pense que dans Slack, il faut clairement indiquer qu’il s’agit d’une machine ou d’un bot qui participe à la conversation », souligne-t-il. « En ce moment, l’on teste différents arrière-plans, avatars, étiquetages. Nous n’avons pas encore trouvé la solution idéale ».
Ensuite, Slack entend se différencier par certaines garanties de sécurité. « Lorsque nous travaillons avec nos clients, nous intégrons le LLM dans notre environnement sécurisé AWS, garantissant que les données ne quittent pas les frontières de notre VPC et qu’elles ne sont pas utilisées par le fournisseur de LLM dans le cadre de leur l’entraînement », avance-t-il. « Aucune donnée ne transite par le réseau et n’est utilisée à d’autres fins, ce qui est particulièrement apprécié dans des secteurs réglementés comme la santé ou les services financiers ».
Simplifier l’automatisation des flux de travail
L’IA générative s’immisce également dans Workflow builder, un créateur WYSIWYG de flux de travail entré en disponibilité générale l’année dernière. L’interface AI Workflow Builder permet de générer des flux de travail impliquant Slack à partir d’une requête en langage naturel. Cela peut être la planification de rendez-vous, l’envoi de message de bienvenue aux nouveaux venus, etc. Des choses plus complexes, par l’exemple à des outils tiers, pourraient voir le jour plus tard.
Pour les usages plus avancés, le générateur de flux de travail (Workflow Builder), avec son interface low-code/no-code, permet justement d’appeler des outils tiers, dont Mailchimp, Box, GitHub, Asana, Microsoft Excel, PagerDuty, Salesforce, ServiceNow, Zendesk, etc. Les intégrations peuvent par ailleurs être réalisées de manière plus programmatique, par API.
En octobre 2024, Slack lancera des templates permettant d’automatiser des flux de travail ciblant certaines équipes : commercial, marketing, IT, etc.
Julien Simiand a fait la démonstration à la presse IT française du fonctionnement d’un de ces templates pour créer un ensemble d’objets Slack visant à optimiser une campagne marketing.
« Ce template va ouvrir un canal, une liste, un canevas, et des automatisations à la volée. Il me suffit de nommer ce canal et je peux lancer sa création », décrit-il.
Une minute plus tard, cette sorte de petite application est fonctionnelle. Il suffit ensuite d’inviter des collaborateurs.
« Cela fait partie des choses qui nous étaient beaucoup demandées », affirme Julien Simiand. « Nos utilisateurs veulent qu’on leur simplifie la vie ».
Parmi les templates, LeMagIT a noté l’existence de collections d’outils et de flux préconfigurés afin de suivre la résolution de bugs dans une application ou sur un site Web.
Pour autant, le soutien aux développeurs semble désormais davantage porté par des tiers, dont Pagerduty, Datadog, Jira ou GitHub.