CSF « Logiciels et Solutions Numériques de Confiance » : objectifs, moyens et ambitions
Le gouvernement a officialisé le lancement du « Comité Stratégique de Filière » (CSF) du numérique français. Ce cadre public-privé doit rendre l’écosystème des acteurs locaux plus visible et plus compétitif dans le cloud, l’IA, la cybersécurité ou le quantique. En ligne de mire : la souveraineté technologique et, plus largement, la réindustrialisation du pays.
C’est signé. Le numérique français dispose – enfin, diront certains – de son Comité Stratégique de Filière (CSF). Le comité a signé, dans la foulée de sa création, un premier contrat sous la forme d’une feuille de route partagée entre l’État, les acteurs IT, les organisations syndicales et les acteurs académiques pour développer une offre souveraine de solutions numériques.
Ce CSF est le vingtième inscrit au Conseil national de l’industrie (CNI). Conséquence : le numérique fait désormais partie, à part entière, de la stratégie industrielle nationale.
Un écosystème vaste, mais dispersé
Ce premier contrat devra structurer un secteur très vaste – du cloud à la cybersécurité en passant par l’intelligence artificielle et le quantique.
En 2023, la filière tutoyait les 24 milliards € de chiffre d’affaires en France, avec une croissance annuelle de plus de 10 % (chiffres avancés par le ministère de l’Économie et des Finances).
Mais le numérique français est aussi très hétérogène avec « des secteurs à la maturité diverse » et « des opportunités importantes de développement et de consolidation », dixit les promoteurs du CSF.
Quatre axes pour la souveraineté numérique
La mission d’un comité de ce type est de structurer un secteur pour, dans un second temps, renforcer l’autonomie stratégique de la France dans des domaines jugés critiques. Le CSF Logiciels et Solutions Numériques de Confiance ne fait pas exception.
Concrètement, le contrat signé entre le président du Comité Michel Paulin (ex-directeur général d’OVHcloud) et les ministres Marc Ferracci (ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie), Philippe Baptiste (ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche), et Clara Chappaz (ministre déléguée chargée de l’IA et du Numérique), ainsi que par la CFE-CGC s’organise autour de cinq priorités.
« Ce collectif illustre le fait que des solutions européennes, innovantes et compétitives existent. »
Clara ChappazMinistre déléguée chargée de l’IA et du Numérique
La première est d’accélérer la construction d’offres de bout en bout et « de confiance » dans le triptyque « cloud-data-IA ». Le CSF devra jouer un rôle de catalyseur en facilitant par exemple l’interopérabilité des briques technologiques (infrastructures, « logiciels data », Intelligence artificielle, cyber, applications métiers) au sein de la filière.
La deuxième est de renforcer la formation et la recherche dans tous ces domaines, la troisième de clarifier les régulations sur les données sensibles.
La quatrième, peut-être la plus demandée par les acteurs locaux de l’IT, est de soutenir économiquement l’écosystème avec plus de commandes publiques. À noter qu’en février, dans cette même optique, l’État a ouvert un cours pour aider les startups à répondre à ses appels d’offres.
Un point clé ici est d’arriver à « une meilleure visibilité des offres », insiste Bercy. Le CSF promet d’y travailler tout comme il se penchera sur une méthodologie de calcul des coûts liés au changement de fournisseur pour faciliter les migrations.
« [Ce collectif] illustre le fait que des solutions européennes, innovantes et compétitives existent », insiste Clara Chappaz, alors que l’opinion la plus répandue en Europe semble être qu’il n’existe pas d’alternatives viables aux solutions des GAFAM. « [Le CSF] peut compter sur l’État pour l’accompagner », promet-elle.
Un axe pour l’export
Enfin, le contrat prévoit – en cinquième axe – de développer la croissance internationale des acteurs du numérique français « grâce à des actions concrètes, comme l’établissement de cartographies des forces en présence et des marchés prioritaires à l’export ».
D’un point de vue plus administratif, ce développement se fera sous l’égide de l’entreprise publique de conseil Business France, et plus particulièrement au travers d’une « Team France Filière » pour la « confiance numérique ».
Pour mémoire, les Team France Filière (ou TFF) visent à « rassembler les organisations représentant les entreprises d’un secteur autour d’un objectif commun : définir une stratégie d’exportation et promouvoir l’offre française à l’international », rappelle Business France. « Un dialogue renforcé avec les filières doit permettre d’améliorer la lisibilité et la cohérence des dispositifs d’accompagnement, au bénéfice des entreprises exportatrices et des territoires, tout en assurant une mobilisation maximale de celles-ci ».
Un enjeu de réindustrialisation et d’indépendance
Dans un contexte international particulièrement tendu, et dans un monde numérique où l’IT peut devenir un moyen de pressions géopolitiques de la part d’autres puissances, la signature de ce contrat résonne de manière particulière.
« La reconquête industrielle ne se fera pas sans le numérique de confiance. L’État sera là pour accompagner la filière. »
Marc FerracciMinistre chargé de l’Industrie et de l’Énergie
«La souveraineté, c’est notre capacité en tant que Nation à choisir notre destin », remet en perspective le ministre chargé de l’Industrie, Marc Ferracci. « Plus que jamais, il est impératif de reconquérir notre autonomie stratégique dans le domaine des solutions numériques », confirme Philippe Baptiste.
« La reconquête industrielle est un élément clé pour maintenir cette capacité essentielle », complète le ministre de l’Industrie. « Cette reconquête [industrielle] ne se fera pas sans le numérique ni sans un numérique de confiance. L’État sera donc là pour accompagner la filière […] parce qu’elle est un atout », s’engage-t-il.
Avec cet accompagnement public renforcé, l’État espère donc faire émerger un collectif plus visible, plus unifié (« une équipe de France », comme la décrit Véronique Torner, présidente de Numeum), et capable de peser sur la scène européenne. Car ce CSF s’inscrit aussi dans l’agenda plus large du président de la République qui – rappelle Bercy – milite, depuis 2017, pour une Europe du numérique souveraine.
Un appel aux acteurs
Le cadre est posé. Il reste à le faire vivre. « L’État attendra bien sûr en échange la plus grande mobilisation [des acteurs du secteur] », insiste Marc Ferracci.
« L’État attendra bien sûr en échange la plus grande mobilisation [des acteurs du secteur]. »
Marc FerracciMinistre chargé de l’Industrie et de l’Énergie
Cet appel a d’ores et déjà trouvé un premier écho de la part d’OUTSCALE. La filiale cloud de Dassault Systèmes, par la voix de sa co-responsable du Groupe Thématique Solutions Numériques de Confiance, Takwa Nasri, a annoncé, dès la signature du contrat, son engagement officiel dans le CSF.
Ce n’est cependant pas une surprise. Le Directeur de la stratégie d’OUTSCALE, David Chassan (également Secrétaire général de HEXATRUST) a joué un rôle dans la phase de préparation du CSF en réalisant une trentaine d’entretiens avec des acteurs IT, et il a contribué directement à la rédaction du contrat de filière.
Pour un signe de mobilisation plus forte, l’avenir proche dira si d’autres acteurs, moins liés au préprojet, répondront rapidement à l’appel du ministre Marc Ferracci pour faire – ou non – de ce CSF un succès dans ses ambitions à la fois industrielles, économiques, géopolitiques et technologiques.
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