L’automatisation agentique, « l’acte 2 » pour UiPath
L’éditeur américain d’origine roumaine croit que la RPA a toujours sa place aux côtés des flux API et des agents IA. Et il met les moyens pour convaincre ses clients français.
« Nous considérons l’automatisation agentique comme l’acte 2 d’Uipath », déclare Emmy Giami Bensoussan, ingénieur avant-vente sénior chez UiPath.
Les mots sont choisis. Ils sont prononcés sur les planches du théâtre du Trianon lors de l’Agentic Automation Summit, le 26 juin, devant une salle comble.
L’occasion pour l’éditeur de tenter de convaincre ses clients français que non, la RPA n’est pas morte et oui, il continue d’enrichir son offre pour couvrir un nombre croissant de scénarios d’automatisation.
Uipath pense même qu’il peut renforcer son rôle auprès de ses 10 750 clients.
« Depuis un an, vous avez continué à investir sur votre feuille de route UiPath, mais vous avez fait aussi de l’acquisition d’outils de type LLM. Peut-être même que vous avez développé vos propres agents », déclare Alexandra Syrovatski, directrice générale d’UiPath France.
« Eh bien, nous pensons chez UiPath que demain, les entreprises vont devoir gérer, combiner des milliers de robots avec des milliers d’agents », poursuit-elle. « L’enjeu majeur va être d’orchestrer cet ensemble en toute simplicité, de le tracer, de l’auditer, et in fine de le mettre sous contrôle. Nous pensons qu’il n’y aura pas d’IA agentique sans orchestration ».
Selon Daniel Dines fondateur et CEO d’UiPath, un LLM est incapable de « suivre des règles strictes », contrairement à un bot RPA. Malgré les numéros d’étape dans un prompt, à un agent IA l’on confie « un rôle et une mission ». Un bot, lui, applique strictement les règles qui lui sont confiées. Néanmoins, un Agent peut être utile pour les levées d’exception quand un bot émet des erreurs.
Combiner RPA, agents IA et API
Pas question donc de remplacer les méthodes d’automatisation existantes par des agents IA.
« La RPA a coexisté avec les API pendant longtemps. Dire que les agents remplaceront la RPA reviendrait à dire qu’ils remplaceront aussi les API, ce qui n’est pas le cas », affirme le dirigeant.
La combinaison de ces technologies représenterait ce qu’Uipath appelle l’automatisation agentique.
« L’IA et la RPA sont complémentaires », insiste Daniel Dines. « Le défi actuel est de déployer une IA non déterministe dans des processus déterministes ».
« L'IA et la RPA sont complémentaires. Le défi actuel est de déployer une IA non déterministe dans des processus déterministes ».
Daniel DinesFondateur et CEO, UiPath
Ce défi, UiPath pense pouvoir le relever avec Maestro, une couche d’orchestration des processus métier « impliquant des agents IA, des robots et des personnes ».
Et de le démontrer avec un cas d’usage fictif, mais ô combien sérieux de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ! Un processus obligatoire (sous peine d’amende lourde) pour les services financiers français qui doivent rapporter leurs soupçons de malversations à Tracfin, le service de renseignement financier du ministère de l’Économie.
« Selon les échanges que nous avons avec nos clients, les volumes d’alertes sont grandissants », justifie Sofiene Jenzri, ingénieur avant-vente RPA et IA chez UiPath. « L’on ne parle pas de quelques points de pourcentage, mais d’un doublement du nombre d’alertes issues des systèmes financiers tous les ans ».
À partir des signaux d’alerte émis par les systèmes bancaires, un premier agent IA identifie le type de signal et fournit des recommandations en s’appuyant d’une base de connaissances interne à l’établissement financier. Un robot récupère ensuite les données du client concerné par l’alerte pour que l’agent IA fournisse un premier rapport actionnable.
L’analyste financier évalue ce rapport et détermine si une investigation approfondie s’impose. Le cas échéant, un agent IA est sollicité pour coordonner un autre agent chargé d’examiner la liste des sanctions (via le mécanisme RAG) et trois bots collectant respectivement l’historique des transactions, les données KYC (revenus, professions, antécédents) et le score de risque émis par un algorithme tiers.
L’agent IA orchestrateur fournit son rapport à un auditeur risque. Si le responsable juge qu’il faut signaler le cas au service de renseignement, un robot prépare la déclaration de soupçon que le responsable enverra à TRACFIN. De ces échanges avec l’autorité, un agent IA émet une synthèse des investigations. Enfin, un bot archive et clôture l’alerte.
Au total, le processus décrit fait intervenir quatre agents IA, six bots RPA, et trois humains. Le même processus géré manuellement nécessiterait l’attention de quatre collaborateurs (a minima) attendus sur les cas complexes.
Des agents IA dans un cadre BPMN
L’ensemble du processus est modélisé à travers Maestro via un modèle BPMN, une norme aussi vieille qu’UiPath. En fait, Maestro est une adaptation d’Orchestrator, un outil d’orchestration de bots RPA.
« C’est notre fondation pour orchestrer les interactions entre les hommes, les robots RPA et les agents IA », renseigne Sebastian Schrötel, SVP Product Management chez UiPath, un ancien responsable IA et Low-code chez SAP (donc familier avec Signavio).
Il est d’ailleurs possible d’importer un fichier .bpmn pour automatiser et/ou optimiser un processus existant. En préversion, l’outil prend en charge les règles métier réunies dans des fichiers DMN.
L’assistant IA de conception d’UiPath, Autopilot, peut, en préversion, aider les concepteurs des processus à partir de templates pour trois processus standards en entreprise (Purchase to pay, Order to Cash, traitement de factures). Il peut aussi créer et modifier des fichiers BPMN, répondre à des questions générales, suggérer des configurations d’activités ou encore convertir des images en fichier .bpmn.
Se mettre au niveau des autres éditeurs
En sus de modéliser et d’exécuter le processus « d’automatisation agentique », Maestro inclut une couche de supervision et d’évaluation.
« Maestro affiche les détails de ce qu’il se passe étape par étape, pour toutes les variables. Pour certaines d’entre elles, il est possible de les altérer afin de changer l’exécution », assure Sofiene Jenzri.
« Nous pouvons voir l’historique des exécutions, ce qui a réussi, ce qui a échoué, le temps écoulé, etc. », poursuit-il.
« Nous avons aussi une vue “process mining” : elle permet d’optimiser le processus en analysant les potentielles déviances ».
Les agents IA eux-mêmes peuvent être conçus depuis le studio Web Agent Builder, qui inclut des outils de garde-fous. L’éditeur prend en charge des intégrations avec des logiciels du marché (sous forme « d’activités », équivalent des actions dans Agentforce) à travers des connecteurs traditionnels et des API.
« Les agents AI nécessitent des outils pour accéder aux données d’entreprise et effectuer des actions », rappelle Daniel Dines. « Une IA ne peut être meilleure que ses outils. Nous fournissons les meilleurs outils pour connecter les systèmes, en restant neutres vis-à-vis des plateformes comme Salesforce, SAP ou Oracle ».
« Une IA ne peut être meilleure que ses outils ».
Daniel DinesFondateur et CEO, UiPath
Agent Builder peut déjà interagir avec LangChain, et UiPath prévoit également d’héberger ou de connecter sa plateforme avec des serveurs MCP. L’apport d’Agent2Agent est sur la feuille de route.
En préversion, une carte de score de l’agent IA permet de déterminer son efficacité en fonction des résultats agrégés des évaluations, des prompts, de l’accès aux outils et de la formalisation de la sortie (par exemple un rapport). Chaque élément de ce score est associé à un poids, à des fins d’explicabilité.
Maestro peut aussi orchestrer les interactions entre des bots UiPath et des agents tiers. Bref, UiPath entend proposer les mêmes fonctionnalités que Salesforce, ServiceNow, PegaSystems, Appian, Celonis ou bientôt Boomi (l’éditeur ajoute la gestion de flux d’automatisation API).
L’automatisation des derniers kilomètres
Mais dans son contexte spécifique, ce que cherche à faire UiPath, d’autres appelleraient cela « l’automatisation des derniers kilomètres ».
« D’après la télémétrie de notre plateforme cloud, les robots qui y sont déployés obtiennent 96,5 % de taux de réussite », affirme Sebastian Schrötel. « Nous pouvons maintenant aller jusqu’à 99 % avec l’IA agentique ».
Les agents LLM seuls n’obtiennent pas de tels scores, selon une étude de Salesforce Research. Toutefois, l’exécution de flux de travail par ces mêmes LLM dotés d’outils n’est pas parfaite. Loin de là.
Aussi, la démonstration présentée plus haut ne correspond pas encore à la réalité des clients. Outre le fait que Maestro est disponible depuis le 30 avril et Agent Builder depuis le début du mois de mai, l’éditeur leur recommande de débuter par de petits cas d’usage. Les fameux « quick wins ».
L’espoir d’un effet boule de neige
Les clients présents lors de l’événement (Saint-Gobain, Manutan, Leroy Merlin, BPCE, FDJ et Auchan) sont à différents niveaux de réflexions et de déploiements de leur stratégie agentique.
Certains d’entre eux ont déjà lancé des POC et des MVP avec UiPath ou un intégrateur. Tri des demandes clients par mail et réponses en fonction de leur complexité, rédaction de la documentation et génération des tests d’un MES, préparation de rendez-vous clients, évaluation de la conformité à la norme SOC 2… les cas d’usage envisagés sont variés.
D’autres comme Auchan s’appuient sur les plateformes agentiques tierces, ici Google Cloud, pour certains cas d’usage sans forcément un lien direct avec leurs bots RPA.
Tous voient le potentiel de l’IA agentique. Tous sont aussi convaincus que des phases d’évaluation et d’essais sont nécessaires avant la mise en production d’une telle technologie.
« La limite, c’est qu’il ne faut pas déployer l’IA agentique à tout prix. La RPA classique peut suffire largement à satisfaire les besoins des métiers ».
Hassan El kochihiResponsable automatisation intelligente, BPCE
« Cela [l’IA agentique] nous ouvre des portes que nous pensions fermées auparavant », déclare Hassan El kochihi, responsable automatisation intelligente chez BPCE. « La limite, c’est qu’il ne faut pas déployer l’IA agentique à tout prix. La RPA classique peut suffire largement à satisfaire les besoins des métiers ».
Pour l’heure, Hassan El kochichi estime que les agents IA vont permettre d’obtenir de petits retours sur investissement. « En revanche, puisque nous serons capables de les déployer à large échelle, les gains sont exponentiels », envisage-t-il.
Un simple agent IA capable d’automatiser la prise de congés à travers des SI isolés est perçu comme un outil intéressant à la fois pour les métiers et les RH. Surtout dans un grand groupe.
Maestro et Agent Builder arrivent sur site en mars 2026
Certains clients ne peuvent pas encore déployer les agents IA d’UiPath ou se servir de sa plateforme d’orchestration. De fait, l’éditeur a une forte empreinte auprès d’acteurs régulés.
« Nous nous engageons à rendre Maestro et Agent Builder disponibles on-premise d’ici mars prochain », lance Daniel Dines devant le partenaire de clients français. « En attendant, nous encourageons nos clients à commencer avec notre offre cloud, avec des données anonymisées ou synthétiques, avant de passer en production on-premise ».
« Nous travaillons également sur des technologies garantissant que même dans le cloud, les données restent invisibles pour nous, grâce à des VM signées et des données chiffrées localement avec des clés gérées par nos clients », complète-t-il. Uipath entend donc se mettre à l’informatique confidentielle.