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Développeurs et IA : des gains de productivité annulés par les frictions organisationnelles

Selon le State of DevEx 2025 d’Atlassian, les développeurs observent des gains concrets de productivité grâce à l’IA. Ce temps est perdu à nouveau à cause des points de friction que les responsables ont de plus en plus de mal à percevoir, trop concentrés sur la mesure de la productivité.

En 2024, Atlassian interrogeait 2 100 développeurs. Pas moins de 62 % d’entre eux ne remarquaient pas de gains notables de productivité imputables à l’IA dans leur métier. Seuls 26 % des profils consultés étaient convaincus qu’ils bénéficieraient d’une hausse du rendement grâce aux outils infusés à l’IA d’ici à deux ans.

L’éditeur a reconduit son étude « State of DevEx » en 2025. Cette fois-ci, il a retenu les réponses de 3 500 développeurs aux États-Unis, en Australie, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, et en Inde.

L’IA générative est enfin perçue comme utile, mais elle n’est pas magique

En mars 2025, 68 % des personnes interrogées rapportent un gain de plus de 10 heures par semaine à travers l’ensemble de leur flux de travail grâce à l’IA générative. Environ 70 % des responsables des équipes de développement font la même observation. Au-delà de l’écriture de code – ce qui ne représenterait que plus que 16 % du temps d’un développeur, selon une étude d’IDC datant de février 2025 –, les profils techniques utilisent la GenAI pour rechercher des informations, créer des tests unitaires, améliorer la documentation, ou « brainstormer ».

Les programmeurs réalloueraient le temps économisé pour parfaire la qualité du code, ajouter des fonctionnalités, apprendre de nouvelles technologies et compléter la documentation.

Ces 10 heures gagnées en moyenne, 50 % des développeurs déclarent les perdre à nouveau à cause de problèmes causant des inefficiences. En 2024, c’était plutôt huit heures. Cette année, 90 % des sondés disent gaspiller six heures ou plus dans les mêmes situations. Trouver des informations sur les services, la documentation, les API, l’adaptation aux nouvelles technologies, le changement de contexte entre les outils, le manque de direction claire, l’absence de collaboration et la dette technique, sont les principaux points de friction référencés par les sondés.  

Dix heures perdues par semaine dans une entreprise employant 500 développeurs, cela coûterait 7,9 millions de dollars par an, selon l’éditeur.

Heureusement, pense l’éditeur, les solutions d’IA peuvent résoudre certains de ces points de friction. La recherche d’information, la génération de documentation, le résumé de pull requests, la génération de tests unitaires sont autant d’exemples.

« Étonnamment, nous constatons que le maniement de l’IA augmente en réalité le temps d’exécution de 19 % : les outils d’IA ont ralenti les développeurs ».
Chercheurs du METR

Or, l’institut de recherche METR (Model Evaluation and Threat Research) tend à démontrer que les développeurs ont l’illusion de réaliser leurs tâches plus rapidement avec l’IA générative. C’est ce que deux chercheurs observent après avoir mené une étude randomisée auprès de 16 développeurs open source.

« Avant de commencer les tâches, les développeurs avaient prévu que l’utilisation de l’IA réduirait le temps d’exécution de 24 %. Après avoir terminé l’étude, les développeurs ont estimé que l’usage de l’IA a diminué le temps d’exécution de 20 % », expliquent les chercheurs du METR. « Étonnamment, nous constatons que le maniement de l’IA augmente en réalité le temps d’exécution de 19 % : les outils d’IA ont ralenti les développeurs ».

Plus particulièrement, les sujets de cette étude ont remarqué que l’IA générative avait beaucoup plus de mal avec de grandes bases de code (plus de 1 million de lignes) et à appliquer les exigences présentes en matière de documentations et de tests. Les chercheurs observent que les ralentissements sont flagrants quand les développeurs connaissent bien les éléments qu’ils modifient. Ils perdent également du temps à vérifier et à corriger le code généré.

L’IA n’est de toute façon pas une solution miracle, constate pour sa part Atlassian.

Une inquiétante déconnexion entre les développeurs et leurs responsables

Le véritable problème est ailleurs. Près de 63 % de développeurs pensent que leurs leaders ne comprennent pas les sujets de frictions qu’ils rencontrent. Ils n’étaient que 44 % à partager cette opinion l’année dernière. « Le fossé grandissant entre les développeurs et la direction en matière d’empathie est une préoccupation croissante », estime Atlassian.

Ces dirigeants, d’après Atlassian, se concentrent trop sur les mesures de performances et de temps, dont les points d’histoire et le nombre de tickets clos. Alors qu’il faudrait plutôt évaluer les éléments de friction rencontrés par les équipes IT, laisser les programmeurs s’exprimer sur les points bloquants, les indications peu claires et leurs charges de travail.

C’est à partir de là que les responsables peuvent bâtir des mesures de la productivité à la fois efficace et comprise par tous, conseille l’éditeur. Et de manière contextuelle.

Le framework SPACE, très populaire, tout comme les plateformes internes de développement, en cours d’adoption par pratiquement toutes les organisations (98 % des sondés rapportent que leur entreprise en a déployé une ou vont le faire, N.D.L.R.) et l’IA sont considérées comme utiles. Ces approches et technologies serviraient à bonifier la mesure de la productivité et l’expérience des développeurs. « Mais les données seules ne suffisent pas », remarque l’éditeur.

« En fin de compte, améliorer l’expérience des développeurs ne consiste pas à rechercher les outils les plus récents ou à se focaliser sur les indicateurs de rendement. Il s’agit plutôt de comprendre l’aspect humain du développement logiciel : supprimer les obstacles, écouter attentivement et créer un environnement dans lequel les développeurs peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes », conclut-il dans son rapport.

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