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L’IA générative fait son entrée dans l’enseignement supérieur

L’IA générative fait son entrée dans l’enseignement supérieur, mais avec des approches bien différentes. C’est ce que montrent trois institutions – Sciences Po, l’ESSEC et l’ENS Paris-Saclay. Dont les projets ont, aussi, quelques points communs importants.

Trois amphithéâtres, trois ambiances. En ce mois de septembre, il n’y a pas que les étudiants qui font leurs rentrées dans les grandes écoles. L’IA générative arrive avec eux dans les salles de classe de plusieurs institutions de l’enseignement supérieur. Trois d’entre elles – Sciences Po, l’ESSEC et l’ENS Paris-Saclay – ont annoncé cet été des projets qu’elles déploient aujourd’hui autour de ces technologies, chacune avec ses objectifs et sa propre approche.

Des approches contrastées : recherche, services internes, pédagogie

Les trois écoles se distinguent d’abord par le périmètre ciblé. Sciences Po s’implique dans un programme international de recherche sur les effets de l’IA générative sur le débat public. L’ENS Paris-Saclay adopte une démarche plus fonctionnelle, en déployant un assistant IA pour moderniser ses services administratifs. Quant à l’ESSEC, elle mise sur une intégration pédagogique, avec des modules destinés à ses étudiants.

Concrètement, Sciences Po contribuera pendant trois ans à des recherches sur les implications sociétales et démocratiques de l’IA, en lien avec OpenAI. L’école de la rue des Saints-Pères insiste sur le respect de l’indépendance académique et des réglementations européennes, notamment le RGPD et le futur AI Act.

Avec une philosophie plus opérationnelle, l’ENS Paris-Saclay a opté pour une solution souveraine : la plateforme Paradigm Edu développée par la start-up française LightOn.

Hébergée sur une infrastructure conforme au dispositif PPST, cette IA est déjà utilisée par plusieurs directions internes (RH, finances, appui à la recherche) pour générer des synthèses, reformuler ou structurer des documents. L’École y voit un levier de performance et de gain de temps, tout en affichant une vigilance sur l’impact énergétique.

« Nous avons trouvé une solution technologique fiable, souveraine, compatible avec nos systèmes internes, et intégrant les enjeux environnementaux », se réjouit Sylvain Pronteau, DGS adjoint Pilotage, qualité et projets de l’ENS Paris-Saclay. « Cette collaboration nous permet d’explorer concrètement ce que l’IA générative peut apporter au service public, tout en conservant la maîtrise de nos données et de nos usages ».

De son côté, l’ESSEC explore également une voie pédagogique et pratique. L’école de commerce s’est associée à Mistral AI pour intégrer ses modèles open weight dans les cours, via des modules conçus conjointement.

L’objectif affiché est de doter les étudiants d’une double compétence : capacité d’usage des outils, mais aussi réflexion critique sur leurs implications. Cette approche s’inscrit dans une logique d’acculturation plus large, au croisement des enjeux managériaux, techniques et éthiques.

Pour la direction de l’ESSEC, cette intégration de l’IA générative dans le cursus était indispensable « dans une ère où l’intelligence artificielle transforme les façons d’apprendre, d’enseigner, de chercher et de travailler », souligne Vincenzo Vinzi, Directeur Général de l’école qui insiste sur « des exigences d’éthique et de souveraineté numérique » et sur « une démarche responsable au service de l’excellence et de la création de valeur » que permet Le Chat Entreprise.

Des partenaires différents, mais une vigilance partagée

Les trois projets s’appuient donc sur des partenaires technologiques distincts : OpenAI pour Sciences Po, LightOn pour l’ENS, Mistral AI pour l’ESSEC.

Pour mémoire, Le Chat Entreprise est un concurrent de ChatGPT, déployable sur des infrastructures privées. En mode public, il est propulsé par Mistral Medium 3 (modèle propriétaire). En mode privatisé, la start-up assure qu’il permet aussi bien d’appeler ses modèles open weight (comme Mistral Small 3.2, Ministral, Magistral, DevStral, Mistral 7B, ou Mixtral 8x7B).

Quant à LightOn, la société propose ses modèles open weight (basés sur Falcon) et des évolutions propriétaires (comme son Alfred 4), ainsi que des outils maison pour gérer et personnaliser ce modèle (RAG, etc.) qu’il a regroupé au sein d’une plateforme « tout en un » (Paradigm). Le tout est déployable sur l’infrastructure de son choix ou utilisable via des appliances sur site.

Le choix de chacune des institutions reflète autant des priorités techniques (modèles open weght, hébergement souverain) que des logiques de positionnement : recherche, transformation interne ou formation.

Mais derrière ces différences, un socle commun se dessine. Tous les établissements mettent en avant leur volonté de déployer l’IA dans un cadre maîtrisé, avec des garde-fous sur la sécurité, la conformité et les biais algorithmiques. L’ESSEC évoque la nécessité d’« une culture critique », Sciences Po inscrit son projet dans une « démarche orientée vers l’intérêt général », et l’ENS Paris-Saclay revendique un environnement frugal et contrôlé.

80 cas d’usages de l’IA générative recensés dans le supérieur

Ces expérimentations restent ciblées et ne préfigurent pas encore une généralisation à l’échelle des campus. Aucun des trois établissements ne précise, par exemple, de calendrier de déploiement à l’ensemble des filières ou services. Les projets s’inscrivent dans une logique d’exploration accompagnée, et pourraient évoluer en fonction des résultats observés et des régulations à venir.

Reste que ces trois cas dans des domaines différents (scientifique, business, sciences sociales) illustrent la montée en puissance de l’IA générative dans le supérieur, entre opportunité technologique, responsabilité sociale et souveraineté numérique. Une trajectoire que d’autres établissements pourraient suivre, ou ont commencé à suivre (comme l’EM Lyon ou HEC) chacun à leur rythme et selon leur mission.

Autre signe de cette montée en puissance, en septembre 2025, l’Amue (Agence de mutualisation des universités et établissements) recense déjà plus de 80 usages officiels de la GenAI dans l’enseignement supérieur.

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