Fujitsu vend du rêve high-tech aux métiers, plus vraiment aux DSI

Fujitsu se félicite du changement radical d’organisation que la filiale française a entrepris. Désormais "elle ne vend plus de datacenter aux DSI" mais "conçoit des solutions dont les utilisateurs finaux".

37% de croissance en France sur le dernier exercice. Chez Fujitsu, on se félicite du changement radical d’organisation que la filiale française a entrepris au cours de l’année dernière. « Avant, nous discutions avec les intégrateurs d’infrastructures pour les DSI. Maintenant, nous envoyons nos architectes système, nos personnels avant-vente et nos commerciaux sur le terrain - à Paris comme en régions - pour accompagner les intégrateurs dans des rendez-vous avec les métiers des entreprises. Nous ne venons plus pour vendre un datacenter aux DSI. Nous venons pour faire le design des solutions dont les utilisateurs finaux ont besoin. Et manifestement ça a très bien marché » entonne Jean-Luc Dupon, responsable avant-vente de solutions d'infrastructure chez Fujitsu France.

Les DSI invités à prendre livraison des projets métiers

Et Benjamin Revcolevschi, le nouveau DG de la filiale depuis 8 semaines, d’enfoncer le clou, en brandissant une récente étude d’IDC : « Quelle est la principale préoccupation des DSI ? La sécurité des données. Quel est le sujet qui les intéresse le moins ? Le poste utilisateur. Hé bien, notre nouvelle approche consiste à aller voir les entreprises pour leur parler du poste utilisateur », balaie-t-il !

Le DSI d’Air France, pas content qu'on aille voir directement les métiers

Selon lui, la seule véritable préoccupation des entreprises à l’heure actuelle est leur transformation numéique, ou comment la technologie va permettre aux métiers de mieux servir les clients. « La transformation digitale des entreprises est un fil rouge qui commence et qui aboutit aux utilisateurs. C’est donc à eux que nous nous intéressons », ajoute-t-il, faisant comprendre du bout des lèvres que l’approche commerciale de ses concurrents, centrée sur un argumentaire que seuls les DSI peuvent entendre, appartient au passé.

Pas sûr que les DSI apprécient.

Dans un livre blanc consacré au Cloud à paraître chez nos confrères de l’EBG et dont LeMagIT a pu se procurer les bonnes feuilles, Jean-Christophe Lalanne, le DSI groupe d’Air France-KLM, fait par exemple part de son profond mécontentement à l’égard des fournisseurs qui vont voir directement les métiers, arguant qu’il n’est pas raisonnable de se passer du contrôle de la DSI en amont.

Dans cette optique, seule la DSI serait apte à juger de la faisabilité des projets IT au sein de l’entreprise.

De l'ADN allemand de Siemens à la culture japonaise de Fujitsu

Nous vendons le projet des métiers à la DSI

Jean-Luc Dupon, Fujitsu France

Jean-Luc Dupon rétorque : « Nous ne rompons pas la connexion avec les DSI. Nous analysons le besoin des utilisateurs et nous vendons ensuite le projet des métiers à la DSI. Parce que les DSI savent que ces projets sont nécessaires, mais ils ne peuvent même pas consacrer 13% de leur budget à l’innovation. Nous résolvons leur problème en leur apportant la solution clés en main. »

Selon lui, le projet métiers se traduit ensuite par des serveurs et du stockage tout ce qu’il y a de plus conventionnels, mais préconfigurés.

Cette approche commerciale n’est pas l’apanage de Fujitsu France. Toutes les filiales se seraient mises au diapason de ce que Benjamin Revcolevschi appelle « la culture japonaise », faisant référence à la maison mère du constructeur. En clair, il s’agit de vendre du rêve high-tech aux professionnels. On est loin de l’époque où Fujitsu s’appelait Fujitsu-Siemens et vantait la robustesse et la finition de ses serveurs à l’ADN allemand.

Épater les utilisateurs avec des outils inédits

Ainsi, lors de l’étape française du salon Fujitsu World Tour 2015, qui se tenait cette semaine à Paris, l’espace d’exposition mettait en valeur des appareils plutôt iconoclastes pour une manifestation d’ordinaire consacrée aux centres de données.

Des caisses enregistreuses automatiques directement connectées à des progiciels de gestion, de CRM et d’analytique. Elles sont déjà installées chez Auchan.

Des casques qui permettent se projeter en trois dimensions dans des univers pas du tout virtuels, mais plutôt de vrais entrepôts surveillés depuis une caméra mobile commandée par les mouvements de la tête.

Des systèmes de reconnaissance de l’iris - enfichables sur un smartphone - et d’autres qui scannent les veines de la main, infalsifiables. Ou encore une tablette dont la surface vibre localement de sorte à sentir le relief des images que l’on touche.

« Les écrans haptiques n’arriveront pas sur le marché avant deux ans. Mais nous pouvons déjà fournir ce type de matériels aux usines qui veulent remplacer leurs panneaux de commandes par des interfaces mobiles sensitives, ou aux commerçants qui souhaitent faire ressentir la texture de leurs produits quand ils les montrent sur un catalogue », explique un chercheur japonais.

Il fait partie de UbiquitousWare, la nouvelle filiale de Fujitsu créée le 11 mai dernier pour proposer aux entreprises « des kits Internet des objets qui accélèrent la transformation des métiers ». C’est ce que dit l’affichette qui surplombe son stand, lequel trône au milieu du salon.

Ces kits comprennent, en amont, des capteurs de toutes sortes et des microcontrôleurs avec des moyens de communication sans fil. « Ce ne sont pas des processeurs ARM. Un smartphone coûte 100€, alors que nos objets connectés ne doivent coûter que quelques euros », souffle un technicien de la marque.

En aval, un middleware as-a-service, récolte et traite les données depuis les six datacenters qui composent le cloud privé de Fujitsu. A la limite, on peut même se passer d’une informatique locale.

Des projets ambitieux pour rattraper des parts de marché en berne

Au Japon, l’entreprise Metawaters qui se charge de la maintenance des réseaux d’eau, utilise des sortes de Google Glass de facture Fujitsu pour que ses techniciens bénéficient d’informations logistiques en surimpression des canalisations qu’ils observent et qu’ils communiquent en temps réel à leur QG les prises de vue du terrain.

En attendant qu’un projet similaire en France soit rendu public, la filiale hexagonale révèle qu’elle est impliquée dans l’usine connectée d’Airbus.

A noter qu'avant d’arriver à la tête de Fujitsu France, Benjamin Revcoleschi dirigeait la branche Objets Connectés et Cloud chez SFR.

Selon Gartner, Fujitsu a disparu du Top 5 des meilleurs vendeurs de serveurs dans le monde depuis le dernier trimestre 2014. Il a été éclipsé par la montée fulgurante du chinois Lenovo (+658% de ventes en un an), qui a repris l’activité x86 d’IBM en 2014, ainsi que par l’arrivée de Huawei (également chinois) sur ce secteur.

Manifestement, les DSI ont tourné le dos à Fujitsu. Il leur rend la monnaie de leur pièce.

Pour approfondir sur Editeurs

Close